Covid-19 : pourquoi l'ouverture de la dose de rappel à tous est critiquée

Photo d'illustration (THOMAS COEX / AFP)

L'annonce d'Olivier Véran jeudi a suscité une ruée importante vers les sites de réservation de créneau de vaccination. Au point de rendre quasi impossible la prise de rendez-vous.

Plus d'un million de rendez-vous pris en quelques heures sur la plateforme Doctolib. L'annonce de l'ouverture de la dose de rappel à tous les adultes cinq mois après la deuxième dose, et la suspension du pass sanitaire faute de dose de rappel dans les sept mois après la deuxième injection a entrainé une ruée vers les créneaux de vaccination contre le Covid-19.

Au point de rendre l'accès aux plateformes de réservation presque impossible comme l'ont constaté de nombreux internautes. Une ouverture de la troisième dose à tous les adultes qui est loin de faire l'unanimité. "Cette ouverture à tous, cela signifie que des personnes pour qui c'est vital, indispensable, ne vont pas avoir accès à la vaccination car tous les créneaux de réservation sont pris", déplore le médecin Christian Lehmann.

"Des jeunes passent devant des personnes âgées qui en ont davantage besoin"

On estime qu'environ 70% des plus de 65 ans éligibles à la dose de rappel l'ont reçue avant son élargissement à l'ensemble de la population adulte. Avant cela, la dose de rappel ciblait les plus de 65 ans ayant reçu leur deuxième dose il y a plus de 6 mois. Aujourd'hui elle concerne tous les adultes à partir de cinq mois après la deuxième injection.

Une fois éligible, chaque adulte a deux mois pour faire sa dose de rappel pour conserver son pass sanitaire. "Conditionner le pass à la dose de rappel, c'est une façon déguisée de la rendre obligatoire. Cela a précipité des personnes jeunes, en bonne santé, vers les créneaux de réservation, alors qu'elles n'en ont pas un besoin immédiat. Ils passent ainsi devant un public plus âgé qui en a davantage besoin, mais moins à l'aise pour prendre un rendez-vous en ligne", déplore le docteur Michaël Rochoy, qui vaccine dans le Pas-de-Calais.

200 000 rendez-vous pris par des 25-34 ans

"Certains vont dire que les plus âgés n'avaient qu'à se faire vacciner avant l'ouverture à tous. Mais beaucoup attendaient d'être éligibles, 6 mois après la deuxième dose, avant de prendre rendez vous. En chamboulant toutes les règles dont l'éligibilité, le gouvernement a fait sauter le système et les plus fragiles se retrouvent dans l'impossibilité de prendre rendez-vous alors qu'ils en ont besoin", remarque Christian Lehmann.

Ainsi, comme l'illustre le journaliste du Parisien Nicolas Berrod, plus de 200 000 rendez-vous ont été pris par la tranche d'âge 25-34 ans, soit plus de 16% des rendez-vous pris. Au total, 90% des rendez-vous pris dans les 24h suivant l'élargissement de la troisième dose l'ont été par une tranche d'âge qui n'était pas éligible à la vaccination la veille.

Une "mauvaise" utilisation de la dose de rappel ?

24 heures après l'annonce de l'ouverture à tous de la troisième dose, qui conditionne la validité du pass sanitaire, la plateforme Doctolib affichait toujours plusieurs minutes d'attente avant de pouvoir accéder à l'interface, dans l'espoir de trouver un créneau de réservation.

"On aurait pu conditionner la validité du pass sanitaire à la troisième dose uniquement pour les plus de 50 ans par exemple, sans interdire une troisième dose aux plus jeunes. Cela aurait évité une ruée des jeunes adultes vers les doses libres", regrette Christian Lehmann, qui souligne que "la dose de rappel a réellement un intérêt pour les plus âgés et immunodéprimés". Pour le reste de la population, "seule la réduction du risque d'être infecté est démontrée. Le gouvernement utilise la troisième dose comme une façon de diminuer la circulation du virus plutôt que de prioriser vers les publics prioritaires et limiter les formes graves", poursuit le médecin.

26 millions de doses en stock

Lors de l'ouverture à tous de la vaccination le 31 mai dernier, 15 jours avant la date prévue, c'est le nombre de dose disponible qui inquiétait, entrainant la naissance de plateformes comme VitemaDose ou CovidListe.

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Cette fois, pas d'inquiétude de ce point de vue là, le gouvernement assure avoir 26 millions de doses de vaccin à ARN messager en stock. "S'il y a autant de vaccin en stock on peut s'interroger sur l'opportunité de les envoyer dans les pays avec une faible couverture vaccinale plutôt que de faire une troisième dose à tous les adultes", s'interroge Michaël Rochoy.

Un risque de pénurie de vaccinateurs ?

Selon les virologues, plus le virus circule plus le risque d'émergence d'un variant est élevé. C'est ce qu'on voit en Afrique du sud, avec l'émergence d'un nouveau variant baptisé B.1.1.529, qui inquiète particulièrement.

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L'inquiétude pourrait venir de la pénurie de vaccinateurs, alors que les nouvelles règles rendent éligibles 19 millions de personnes. "Le gouvernement fait reposer la vaccination sur la médecine de ville, après avoir fermé de nombreux centres de vaccination, qui reposaient sur la mobilisation de pompiers, de la croix rouge, de bénévoles... Avec la dose de rappel ouverte à tous, c'est la panique pour trouver du personnel pour vacciner. Le personnel hospitalier est déjà mobilisé par la cinquième vague de Covid et ne peut pas aller vacciner en centre", remarque Christian Lehmann.

La médecine de ville débordée

Sauf que la médecine de ville, sur qui la campagne de la dose de rappel repose "fait face à un flux de patients important, entre les traditionnelles consultations, les maladies hivernales; les consultations pour Covid, difficile d'avoir du temps pour vacciner hors de nos patients et encore plus pour aller faire une vacation en centre de vaccination comme l'été dernier", explique le docteur Michaël Rochoy.

Une situation qui pourrait être compliquée par la vague de départ de soignants depuis plusieurs mois. Ainsi, 10% des postes d'infirmières sont désormais vacants, et 5700 lits ont dû être fermés en France, faute de personnel.