Covid-19 : pourquoi les marchés d’animaux sauvages sont des viviers à virus
Une étude américaine explique comment les virus se propagent dans le commerce d'animaux du monde entier. Elle pointe notamment du doigt les chiens viverrins et civettes de Wuhan responsables du Covid-19.
Une nouvelle étude publiée par la revue américaine Cell fait l’effet d‘un coup de tonnerre dans le monde scientifique. Elle situe l'origine de la pandémie de COVID-19 à Wuhan, au marché de Huanan, et évoque l’implication de plusieurs animaux sauvages - chiens viverrins, civettes, rats du bambou – comme hôtes intermédiaires et vecteurs de la maladie avant une transmission à l’humain.
"Le SARS-CoV-2 n’était pas le seul virus à potentiel zoonotique présent sur le marché à la fin de 2019", rapporte Florence Débarre, l’une des auteurs de l’étude, au Parisien. L’équipe de chercheurs, qui a étudié l’ADN de ces animaux positifs au Covid19 et les a comparés à ceux d’autres marchés d’animaux, a notamment retrouvé la grippe aviaire H9N2, mais aussi des coronavirus canins ou du hérisson.
Des marchés qui aggravent le risque de propagation des virus
"On sait depuis très longtemps que la vente d’animaux vivants sur des marchés représente un risque très important (…) de contaminer l’homme", ajoute le directeur de recherche et virologue Étienne Decroly. Lorsque plusieurs espèces différentes sont vendues au même droit, le risque est accru, car le nombre de potentiels hôtes intermédiaires augmente.
Dans ces marchés, où l’on achète de la viande fraîchement abattue mais où l’insalubrité est parfois au rendez-vous, "la promiscuité étroite entre des personnes et différents animaux stressés, affaiblis, parfois même malades, offre des conditions idéales pour les virus souvent très adaptables" rappelait le site de la WWF en 2020.
Autant de critères qui favorisent la transmission à l’homme. "Le problème avec la vente d’animaux sauvages capturés dans la nature, c’est que leur mise en vente légale ou illégale est effectuée sans contrôle médical préalable", ajoute le site de la WWF.
Capturés dans la nature et victimes d’une réduction drastique de leur habitat, certains animaux découvrent également la promiscuité avec l’homme pour la première fois. Les agents pathogènes peuvent alors facilement apparaître. La Suède, par exemple, a connu avec le déclin des cerfs une forte augmentation du nombre de tiques porteuses de méningite en 2023.
Un business très juteux en Asie de l’Est
Malgré le dur bilan du passé (et les 800 morts et 8000 cas de Sras déjà connus en 2003, en grande partie par la Chine), les marchés d’animaux sauvages (aussi appelés "wetmarkets") restent monnaie courante en Amérique latine et en Asie de l’est : Vietnam, Hong Kong, Thaïlande, Japon….
En 2020, la Chine s’est engagée, en pleine épidémie de Covid-19, à interdire la consommation et le commerce de certains animaux sauvages terrestres comme les pangolins et les civettes, s’ils ne sont pas issus de fermes d’élevage. Mais stopper une industrie qui rapporte, selon l’Académie chinoise de l’industrie, près de 100 milliards d’euros par an et fait vivre 14 millions de personnes n’est pas chose aisée. Et le trafic d’animaux sauvages est loin d’avoir disparu. Temporairement fermé en 2020, le marché de Huanan a vite été réouvert, comme les autres "wetmarkets" chinois.
Aux États-Unis, ce sont les marchés aux poulets vivants qui font craindre les infections, la grippe aviaire en tête. Selon le New York Times, New York regroupe environ 70 sites de vente d’animaux vivants (poulets, moutons, porcs…etc), parfois situés près d’écoles. Tous sont censés effectuer des contrôles et désinfections plusieurs fois par an.
Dans le Nord-Est des États-Unis, "environ 25 millions d'oiseaux sont vendus sur des marchés vivants chaque année (…)" déclare Ann Linder, directrice associée du programme de droit et de politique animale à Harvard. "Nous utilisons et consommons des animaux ici à des niveaux plus élevés que dans presque tous les autres pays du monde", a-t-elle déclaré.