Covid-19 : pourquoi la campagne de troisième dose de vaccin est loin de faire l’unanimité ?

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Le gouvernement a dévoilé sa stratégie pour la campagne de la troisième dose de vaccin, qui débutera en septembre et sera élargie durant l'automne.

La campagne pour la troisième dose va commencer dans les tous prochains jours. La Haute autorité de Santé a rendu un avis favorable à une dose de rappel pour une partie de la population.Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a confirmé que la campagne débutera dans les prochains jours. Une campagne de rappel qui ne fait pas l'unanimité dans la communauté scientifique, loin de là.

"Pour les plus âgés, en EHPAD notamment et pour les immunodéprimés, la troisième dose dès maintenant a un sens car leur système immunitaire est beaucoup plus faible, et ils peuvent ne pas avoir réagi aux deux premières injections", pointe Florian Zorès, membre du collectif Du Côté de la Science.

Les patients les plus fragiles ciblés en priorité

Dans un premier temps, ce sont ces patients qui seront concernés par une troisième dose. Un "premier cercle", constitué des résidents d'Ehpad et d'unités de soins de longue durée, l'ensemble des plus de 80 ans, ainsi que les malades à très haut risque de forme grave de Covid-19 et les patients immunodéprimés, qui pour certains ont déjà reçu une troisième dose.

Mais c'est concernant les autres cibles de la population que le bât blesse. Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a confirmé que la campagne de dose de rappel sera élargie aux plus de 65 ans dans le courant de l'automne.

"Pas de données qui montrent un échec vaccinal"

"Cette décision de faire une troisième dose à l'automne est basée sur une baisse du taux d'anticorps dans le temps, notamment chez les plus âgés. C'est évident qu'une troisième dose va faire monter le taux d'anticorps, mais la base de la décision est insuffisante", regrette Mathieu Molimard chef de service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux.

"Pour décider d'une campagne de troisième dose en population, il faudrait des données cliniques qui montrent qu'au bout d'un certain temps après la deuxième dose, il y a une hausse de l'échec vaccinal. On pourrait le voir en constatant l'état vaccinal des personnes hospitalisées. Si on voyait une hausse des hospitalisations pour Covid chez les personnes vaccinées après cette durée, alors on pourrait dire qu'il faut faire une troisième dose à partir de cette date. Mais on ne dispose pas encore de ces données", poursuit Mathieu Molimard, alors qu'une étude de Pfizer est en cours pour évaluer l'efficacité d'une troisième dose.

Une baisse de l'efficacité contre les infections

Une décision de démarrer la campagne de troisième dose basée sur l'expérience d'Israël. En juillet, le ministère de la Santé communique des données suggérant une efficacité du vaccin Pfizer de 39% contre l’infection et 40,5% contre les formes symptomatiques, largement moins que les taux atteints plus tôt dans l’année.

Une campagne de troisième dose est alors lancée chez les plus de 60 ans, les deux tiers de la tranche d'âge reçoit cette dose en moins d'un mois. Une injection supplémentaire qui serait efficace à 86% contre les infections chez les plus de 60 ans selon l'organisme d'assurance maladie Maccabi. Selon le ministère de la Santé israélien, la troisième dose a permis au bout de 10 jours une protection quatre fois plus élevée qu’après deux doses.

"Ce sont des données observationnelles, c'est-à-dire obtenues dans la population et qui sont donc soumises à différents biais : le comportement des individus, leur exposition au virus", met en garde Florian Zorès, qui appelle à des décisions basées sur des données scientifiques.

"Il faut attendre également les données si les vaccinés supportent bien la troisième dose, s'il y a des effets indésirables", prolonge Mathieu Molimard, le chef de service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux.

D'autres études sont moins alarmistes. Au Royaume-Uni, une étude évoque une efficacité de 49 % contre les infections et de 59% contre les formes symptomatiques, Pfizer et AstraZeneca n'étant pas distingués. Aux Etats-Unis, l'efficacité est estimée à 66% contre les infections après une étude auprès du personnel de santé de plusieurs États.

Les vaccins restent efficaces contre les formes graves

Si ces données montrent en effet une baisse de l'efficacité contre les infections et les formes symptomatiques, dans des proportions très différentes, "l'intérêt du vaccin est avant tout de protéger contre la mortalité et les hospitalisations. On n'a pas de données significatives montrant un réel effet d'une troisième dose sur l'efficacité contre la mortalité ou les formes graves", remarque Florian Zorès.

L'étude du ministère de la Santé israélien estimait récemment que l'efficacité contre les forme graves, estimée à 88%, reste élevée. "Les études récentes suggèrent une réduction de l’efficacité de tous les vaccins, en particulier contre le variant delta. Cette baisse de la protection concerne essentiellement l’infection et les formes symptomatiques. On observe également une légère baisse d’efficacité sur les formes graves qui restent globalement bien couvertes par les vaccins", écrit d'ailleurs la HAS dans son avis.

"La troisième dose ? Pas la priorité du moment"

"Le débat n'est pas sur l'intérêt de faire une troisième dose, mais plutôt de déterminer combien de temps après la deuxième dose il faut la faire. On n'a pas la réponse scientifique à cette question aujourd'hui", conclut Mathieu Molimard.

Au-delà de l'opportunité de faire une troisième dose sans connaître la réelle amélioration dans la lutte contre les formes graves et la mortalité, un autre élément est mis en avant. "La troisième dose ne doit pas être la priorité aujourd'hui. Qu'on finisse de vacciner ceux qui n'ont pas encore eu d'injection avant d'envisager une troisième dose, comme les 12-17 ans, les plus âgés qui n'ont pas encore été vaccinés et même au niveau mondial. Le vaccin sera plus efficace sur eux que sur une personne qui a déjà eu deux doses," poursuit le chef de service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux.

Plus de 10 millions de personnes éligibles à la vaccination n'ont pas encore reçu la moindre dose dont plus de 750 000 personnes âgées de 75 ans et plus. Si plus de 4,7 milliards de doses de vaccins contre le coronavirus ont été administrées dans le monde, dans les pays à faible revenu, en moyenne, seul 1 % de la population a reçu une injection. Israël a abaissé à 30 ans l'âge pour recevoir une troisième dose.

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