Covid-19: malgré leur forte hausse, les contaminations et morts seraient sous-estimés en Inde

Des victimes du Covid-19 dans un crématorium à New Delhi, en Inde, le 22 avril 2021. - SAJJAD HUSSAIN / AFP
Des victimes du Covid-19 dans un crématorium à New Delhi, en Inde, le 22 avril 2021. - SAJJAD HUSSAIN / AFP

Près de 315.000 nouveaux cas de contamination en 24 heures ont été relevés jeudi en Inde, un record mondial. Dans ce même laps de temps, 2074 morts dues au virus ont été recensées, ce qui porte désormais le bilan à 185.000 décès depuis le début de la pandémie.

Le pays aux quelque 1,3 milliard d'habitants s'embourbe dans la crise sanitaire, à la faveur de l'apparition de nouveaux variants d'intérêt, qui, alliés au maintien des autorisations de rassemblement, font croître la courbe des cas de manière exponentielle.

Au total, 15,9 millions de cas de contamination au virus ont été enregistrés dans la sixième puissance économique mondiale depuis le début de la pandémie de Covid-19.

Infrastructures exsangues

Selon l'Agence France-Presse (AFP), les infrastructures sont à la peine, même dans les meilleures structures de soins des mégalopoles de Bombay ou New Delhi. Plusieurs hôpitaux sont confrontés à une pénurie d'oxygène à New Delhi. Dans un hôpital de Nashik, ville au nord de Bombay, 22 patients atteints du coronavirus sont morts en raison d'une coupure d'alimentation en oxygène de ventilateurs pendant une demi-heure.

L'AFP souligne que les cimetières et crématoriums du pays sont débordés face à la hausse du taux de mortalité. Dans la religion hindouiste, la plus pratiquée en Inde, la crémation fait partie des rites funéraires.

"Nous travaillons 24 heures sur 24 à 100% de nos capacités afin d'incinérer les corps dans les temps", a confié à Reuters un responsable de pompes funèbres de la ville de Surat, dans l'État du Gujarat. Des pièces en métal du système de crémation ont commencé à fondre tant elles fonctionnent sans relâche, relève cette même dépêche.

Les chiffres de la mortalité due au Covid-19 seraient pour autant sous-estimés. Reuters recense que le nombre d'incinérations et obsèques organisées selon les protocoles inhérents au Covid-19 est supérieur à ceux communiqués par les autorités.

Selon Bhramar Mukherjee, professeur de biostatistiques et d'épidémiologie à l'université du Michigan, il y aurait près d'onze fois plus d'infections que celles officiellement déclarées, et entre deux et cinq fois plus de morts du Covid-19 qu'il n'en est fait état à l'heure actuelle. Un large écart qui tiendrait notamment au fait qu'en Inde, moins d'un quart des décès sont médicalement certifiés, spécialement dans les zones rurales, rapporte Reuters.

Un décalage qui pourrait notamment s'expliquer par la saturation du système de soins, qui fausserait le décompte réel de morts dues au virus. Selon la BBC, de nombreux échos provenant de tout le pays font état de décès de patients qui n'ont pas pu recevoir de traitement en raison de la pénurie de lits.

Suspicions de Covid chez des défunts

Auprès de Libération, Ajit Gajendragadkar, pédiatre à l’hôpital Hinduja de Bombay, note que la hausse de cas peut également être imputée au fait que les tests sont plus nombreux et accessibles qu'auparavant:

"Avant, les familles avaient peur d’être ostracisées si elles étaient déclarées positives au virus, donc elles hésitaient à se faire tester. Maintenant ce n’est plus le cas, donc on voit davantage de cas rapportés", a-t-il confié au quotidien.

Cité par Reuters, un responsable de la santé publique indienne estime que la différence de chiffres de mortalité due au Covid pourrait être imputable aux précautions face au virus, et à l'application du protocole funéraire à certains défunts en cas de suspicion, malgré la faible probabilité de contamination au virus.

"Dans de nombreuses situations, les patients arrivent à l'hôpital dans un état extrêmement critique et meurent avant d'être testés. Il y a aussi des cas où des patients arrivent déjà morts à l'hôpital, et nous ne savons pas s'ils sont ou non positifs", a déclaré cette source à l'agence de presse.

16% de positivité des tests

Deux crématoriums de la ville de Surat ont enterré selon les protocoles Covid plus de 100 personnes par jour la semaine passée, alors que le nombre de décès dus au virus était autour de 25 quotidiennement dans la cité, note Reuters.

Un écart également documenté par des modélisations du Financial Times. Le quotidien britannique a analysé les chiffres relayés par la presse locale dans sept districts au cours des derniers jours: 1833 morts du Covid-19 ont été recensées sur la base des protocoles appliqués lors des incinérations, alors que seuls 228 avaient été officiellement déclarés dans ces mêmes zones.

La situation pourrait encore s'empirer. D'après le quotidien britannique, le nombre de nouveaux cas ainsi que le taux de positivité des tests, passé de 3% le mois dernier à 16%, augmenteraient au rythme le plus rapide au monde.

Article original publié sur BFMTV.com