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Covid-19 : "Une gestion de crise par les sondages et pas par la santé"

Emmanuel Macron le 21 janvier 2021.

Un an après le début de la pandémie en France, plusieurs observateurs dénoncent la mainmise grandissante de la politique au détriment du sanitaire dans les décisions prises par le gouvernement.

Les décisions de l'exécutif pour lutter contre le Covid-19 sont-elles uniquement basées sur des critères sanitaires ? Après un an de crise, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer la mainmise du politique sur le sanitaire. De la gestions des masques à la suspension du vaccin AstraZeneca en passant par les "paris" d'Emmanuel Macron de ne pas confiner une troisième fois, les exemples se multiplient.

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"Depuis le début, le gouvernement semble avoir profité de la multiplicité des intervenants pour choisir celui qu'il voulait écouter. L'exemple flagrant, c'est le port du masque à l'école", illustre Michaël Rochoy, médecin cofondateur de Stop-postillons, qui prônait la généralisation du port du masque dès le début de la pandémie.

"Le gouvernement ne suit que les avis scientifiques qui l'arrangent"

Le sujet a fait l'objet de nombreux débats à la rentrée scolaire de septembre dernier. Plusieurs médecins ont signé des tribunes pour réclamer le port du masque obligatoire à l'école, avant qu'il ne soit finalement imposé fin octobre chez les plus jeunes.

"Le gouvernement dit avoir toujours suivi les recommandations de l'OMS. Le 5 juin, l'organisation explique que le masque doit être porté à l'école lorsque le virus circule activement et précise le 21 août qu'il peut être porté dès 6 ans en classe. Mais Jean-Michel Blanquer a subitement décidé de ne plus suivre l'OMS mais la société française de pédiatrie, qui n'était pas favorable au port du masque chez les plus jeunes", resitue Michaël Rochoy. "Si le gouvernement avait décidé de suivre l'avis des sociétés nationales, pourquoi pas, mais il aurait fallu suivre les multiples avis de l'académie de médecine, qui, dès avril, prônait le port du masque, tout comme le conseil scientifique. Cela montre que le gouvernement ne suit que les avis scientifiques qui l'arrangent", fulmine le médecin généraliste.

"La gestion de la crise à l'Elysée est orientée vers la présidentielle"

Car dans la tête d'Emmanuel Macron, il n'y a pas que le Covid-19, estime Philippe Moreau-Chevrolet. "La gestion de la crise à l'Elysée est orientée vers la présidentielle de 2022, et le sanitaire relégué au second plan. Penser à la réélection, c'est normal dans une situation "classique", mais pas dans le cadre d'une crise d'une telle ampleur", explique le spécialiste de communication politique.

"Les actions et les choix de l'exécutif ont pour priorité de ne pas se mettre à dos une partie de la population, avec des gestes d'apaisement à destination des opposants au confinement, des opposants aux vaccins ou des défenseurs de Raoult... c'est une gestion de crise par les sondages et non pas par la santé", décrypte Philippe Moreau-Chevrolet.

Macron "veut prendre le dessus sur les scientifiques"

L'un des exemples les plus flagrants de cette gestion via les courbes de popularité, pour Michaël Rochoy : les "paris" d'Emmanuel Macron, et sa position vis-à-vis du Conseil scientifique. "Quand le président met de coté le Conseil Scientifique, refuse d'écouter les médecins qui alertent sur la situation en février, fait le 'pari' de ne pas reconfiner, ce ne sont clairement pas des décisions qui sont prises d'un point de vue sanitaire, il veut prendre le dessus sur les scientifiques c'est évident".

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Début février, le Canard Enchainé rapportait les propos du président. "J’en ai marre de ces scientifiques qui ne répondent à mes interrogations sur les variants que par un seul scénario : celui du reconfinement". Selon l'hebdomadaire Le Point du 17 février, Emmanuel Macron parlerait même désormais des "connards du Conseil scientifique".

Un sentiment de dépossession démocratique

Un refus de confiner qui semble rattraper Emmanuel Macron alors que l'épidémie ne cesse de s'aggraver et que l'hypothèse d'un confinement en Ile-de-France se renforce. Cette gestion plus politique que sanitaire de la crise pourrait se retourner contre le président, met en garde Philippe Moreau-Chevrolet.

"Les décisions sont concentrées à l'Elysée, le Conseil scientifique n'a pas l'air consulté dans les décisions, il n'y a pas de débat démocratique sur les mesures sanitaires et aucun objectif chiffré n'a été fixé sur les restrictions ou leur allègement. Cette sentiment de dépossession démocratique crée inutilement de la défiance et pourrait coûter cher à Emmanuel Macron en 2022", conclut Philippe Moreau-Chevrolet.

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