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Covid-19: les enfants, clé verrouillée de l'épidémie pour le gouvernement

Le Premier ministre Jean Castex a fait le point, lors d'une conférence de presse ce lundi 6 décembre, sur la cinquième vague de Covid-19, annonçant notamment la mise en place du niveau 3 du protocole sanitaire pour les enfants à l'école primaire. (Photo: via Associated Press)
Le Premier ministre Jean Castex a fait le point, lors d'une conférence de presse ce lundi 6 décembre, sur la cinquième vague de Covid-19, annonçant notamment la mise en place du niveau 3 du protocole sanitaire pour les enfants à l'école primaire. (Photo: via Associated Press)

SCIENCE - La fermeture des écoles était sur la table, ce sera une simple hausse du protocole sanitaire du niveau 2 au niveau 3, uniquement pour les écoles primaires. C’est l’une des rares annonces évoquées par Jean Castex ce lundi 6 décembre pour tenter d’endiguer la cinquième vague de Covid-19, avec la fermeture des discothèques.

Le Premier ministre a bien rappelé que le bouclier vaccinal “ne suffira pas” et qu’il “faut ralentir le niveau de diffusion du virus”. 10% de contacts en moins suffiraient, affirme le ministre, évoquant les modèles de l’Institut Pasteur.

Pour autant, il est loin d’être sûr que les très légères adaptations du protocole dans les établissements scolaires suffiront à atteindre ce chiffre, alors même que les enfants qui vont à l’école primaire sont clairement devenus le vecteur principal cette cinquième vague de Covid-19.

Les enfants non vaccinés, vecteur de l’épidémie de Delta

Le graphique ci-dessous permet de s’en rendre bien compte. On voit bien que le virus circule bien plus chez les 6 à 10 ans que chez les adultes. L’incidence a dépassé les 900 contaminés par semaine pour 100.000 personnes, contre 377 pour la population adulte. Un écart jamais vu avec les précédentes vagues.

Certes, le nombre de tests explose, avec plus de 17.000 tests pour 100.000 enfants de 6 à 10 ans, contre 5400 pour les adultes. Pour autant, le taux de positivité est à peine inférieur chez les enfants, ce qui montre bien que ce n’est pas simplement parce qu’on dépiste plus qu’on a plus de cas: le virus circule plus chez les 6 à 10 ans que dans le reste de la population.

Pendant les premières vagues, les enfants étaient touchés, mais le rôle moteur de l’école a toujours fait débat dans la communauté scientifique. Aujourd’hui, il est plus clair.

Qu’est-ce qui a changé depuis les précédentes vagues? Trois éléments. Il faut rappeler encore une fois que l’on dépiste plus les enfants qu’aux premières vagues. Mais cela n’explique pas tout. Il faut également prendre en compte le variant Delta, plus de deux fois plus contaminant que la souche originale. Surtout, il faut bien comprendre que le reste de la population, à partir de 12 ans, a accès aux vaccins.

Sur le graphique suivant, qui montre les différentes classes d’âge par niveau scolaire comparées aux adultes, on voit que la vague est aussi sans commune mesure avec les précédentes chez les 3 à 5 ans, et même chez les plus petits. On bat aussi des records sur les 11 à 14 ans, mais de manière bien plus limitée (un pic à 549 contre 490 lors de la troisième vague). Pour les 15 à 17 ans, la vague est, comme pour les adultes, plus faible que les trois premières (pour l’instant...).

Des actions trop radicales... ou trop ambitieuses

Mais alors pourquoi ne pas agir sur l’école? D’abord, car des solutions drastiques comme allonger la durée des vacances, fermer les écoles, fermer des classes, c’est impacter les enfants, mais aussi les parents. Or, encore une fois, le gouvernement espère pouvoir passer cette cinquième vague sans avoir besoin d’imposer des mesures trop contraignantes pour les vaccinés.

À l’inverse, le gouvernement remet donc le masque à l’extérieur (alors que le risque de contamination est surtout élevé à l’intérieur) et met en place une “restauration aménagée pour limiter les brassages”, ce qui est déjà le cas dans les écoles primaires. Des actions sont pourtant possibles, mais il aurait fallu les anticiper, en prenant en compte les nombreux avis de scientifiques qui s’accumulent depuis des mois.

Bruno Lina, virologue membre du Conseil scientifique, rappelle ainsi dans le Journal du Dimanche que le dépistage systématique et régulier des enfants dans les écoles permettrait de réduire le nombre de cas. “Le dépistage réactif mis en place récemment par le ministère de l’Éducation nationale, c’est-à-dire le fait de tester toute une classe en cas de découverte d’un enfant positif, est utile mais moins efficace, car il ne permet de détecter que le sommet de l’iceberg”, rajoute-t-il.

Au moment de la dernière prise de parole d’Emmanuel Macron début novembre, l’épidémiologiste Antoine Flahault nous rappelait que des normes sur la ventilation dans les lieux clos semblaient essentielles pour diminuer la circulation du virus. Or, elles n’existent pas dans les lieux publics, y compris dans les écoles.

Il a fallu attendre fin octobre pour que le gouvernement mette en place, “par voie de circulaire”, une aide financière pour les collectivités qui souhaitaient acheter des capteurs de CO2 pour vérifier le niveau d’aération des classes, selon la Gazette des communes.

“Cette situation n’est plus tenable. Quand la population scolaire sera-t-elle enfin considérée: la FCPE réclame depuis le début de la crise sanitaire, des capteurs de CO2, l’embauche d’enseignants pour réduire les effectifs en classe, des remplaçants disponibles pour pallier les absences des personnels notamment malades de la Covid”, note de son côté l’association de parents d’élèves FCPE.

Le vaccin comme seul espoir

De la même manière que le gouvernement parie sur la dose de rappel pour endiguer la cinquième vague, le seul espoir brandit par le gouvernement pour limiter la circulation du virus dans les écoles sans imposer de restriction, c’est le vaccin.

Olivier Véran a précisé que les jeunes de 5 à 11 ans à risque pourront se faire vacciner à partir du 15 décembre. Le professeur Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, a déjà donné son accord à l’ouverture pour l’ensemble des enfants de cette classe d’âge. La Haute autorité de santé et le Comité national d’éthique doivent également rendre leur avis sous peu.

Si les deux instances donnent leur feu vert, les écoliers pourront se faire vacciner à partir du 20 décembre. Reste à voir si l’adhésion sera là, alors que l’on sait que le risque de forme grave est bien plus faible chez les plus jeunes. Reste également à savoir si la campagne sera assez forte et assez rapide pour casser la courbe ascendante de la cinquième vague avant qu’elle n’engorge les hôpitaux.

À voir également sur Le HuffPost: Olivier Véran n’a pas loupé ce député LR qui étrillait la politique sanitaire “sans cap” du gouvernement

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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