Covid-19 : les eaux usées, arme ultime pour lire l'avenir de l'épidémie ?

Les eaux usées sont analysées pour détecter la présence du Covid-19, ici à Ivry-sur-Seine.

La courbe de présence du Covid-19 dans les eaux usées en Ile-de-France précède parfaitement celle des tests positifs.

Regarder les eaux usées pour anticiper les pics de contamination au Covid-19. L’idée, à l’étude depuis le printemps dernier et la première vague de Covid-19, semble porter ses fruits et pourrait permettre de surveiller la propagation de l’épidémie dans la population.

Le projet Obépine pour "Observatoire épidémiologique dans les eaux usées" est mené depuis le 5 mars dernier dans plusieurs stations d’épuration de la région Île-de-France, et depuis étendu à plusieurs autres régions.

Une “hausse du nombre de cas 5 à 6 jours avant de les dépister”

Les résultats de cette surveillance en région parisienne montrent une corrélation parfaite entre la concentration du Covid-19 dans les eaux usées et le nombre de cas dans la région Ile-de-France : quand le taux de Covid-19 augmente dans les eaux usées, cela se traduit par une hausse des cas positifs dans les jours qui suivent.

Un communiqué du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche conclut que “l'analyse des eaux usées (...) pourrait permettre une détection très précoce”. “Certaines données nous donnent une prédiction assez fidèle de la hausse du nombre de cas 5 à 6 jours avant de les dépister. Par rapport à des personnes qui sont identifiées par le système de soin par exemple SOS médecins, elle est de deux semaines”, explique Laurent Moulin, microbiologiste au laboratoire Eau de Paris.

La hausse des cas mi-juillet détectée dès juin dans les eaux usées

Ainsi, dès la mi-juin, alors que la France est déconfinée depuis plus d’un mois, les chercheurs observent une évolution. "On a vu réapparaître le virus avec des concentrations très faibles aux alentours du 20 juin dernier dans plusieurs stations d'Île-de-France", indique Vincent Maréchal, virologue à Sorbonne Université.

"Les données épidémiologiques en population ont commencé à devenir positives en Île-de-France à partir de mi-juillet et les hospitalisations se sont accentuées beaucoup plus tard. Dans ce sens, les eaux usées ont été très prédictives de la circulation de la seconde vague", poursuit le virologue.

“Un outil de surveillance” pour les scientifiques

Des résultats salués par la communauté scientifique, qui invitent à renforcer le suivi des eaux usées pour surveiller l’épidémie, et anticiper une possible troisième vague.

Un moyen de vérifier l’efficacité du confinement

Mais au-delà d’une simple détection de la circulation du virus, la surveillance des eaux usées permet d’”évaluer l'impact de certaines mesures, comme le premier confinement ou le couvre-feu”, précise le communiqué du ministère de la Recherche.

Sur la courbe publiée suite à l’étude des eaux usées en Ile-de-France, sont indiquées l’instauration des mesures de couvre-feu (en rouge) et de confinement (en gris), qui entraînent une nette baisse de la concentration du Covid-19 dans les eaux usées (courbe rouge).

Des analyses dans les EHPAD à Marseille

À Marseille, l’analyse des eaux usées est déjà utilisée pour anticiper les clusters dans les EHPAD, et organiser des dépistages massifs dès les premiers résultats dans les eaux usées.

Si l’analyse a débuté en Ile-de-France, elle se poursuit dans d’autres régions comme les Hauts-de-France ou la Bourgogne, où la même tendance est observée avec un décalage entre la détection du Covid-19 dans les eaux usées et la hausse des cas positifs.

Un moyen d’anticiper une troisième vague ?

Avant d’envisager l’analyse des eaux usées comme un modèle prédictif au niveau national, les membres du projet Obépine doivent comprendre pourquoi, dans certaines régions, les deux courbes se confondent et l’analyse des eaux usées ne permet pas d’anticiper la hausse des cas positifs. Mouvement de population ? Comportements différents ? Contenu des eaux usées ? Plusieurs hypothèses sont émises par les chercheurs pour expliquer ces différences de résultat.

Si une explication est trouvée, cette stratégie, en étant déployée au niveau national, pourrait permettre aux autorités sanitaires de surveiller d’anticiper l’arrivée d’une potentielle troisième vague, notamment après les fêtes de fin d’année.