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Covid-19 : les contaminations à l’hôpital ont-elles été sous-estimées ?

Dès le début de l’épidémie, une étude a montré les risques de contamination au Covid-19 en milieu hospitalier.

Dès le début de l’épidémie de coronavirus, des études ont montré les risques de transmission en milieu hospitalier. Depuis, de nombreux cas groupés ont été mis au jour dans les hôpitaux de France.

Les exemples ne manquent pas. Le 2 février, 13 membres du personnel du service pneumologie de l’hôpital de Lorient ont été testés positifs au Covid-19. Le 25 janvier, un foyer de contamination a été découvert à l'hôpital d’Ars-en-Ré (sur l’île de Ré). Il concernait 11 patients et quatre membres du personnel dans le service de soins de suite. Le 21 janvier, c’est l’hôpital de La Rochelle, toujours en Charente-Maritime, qui enregistrait 26 soignants positifs au coronavirus, dans tous les services. De quoi faire dire à Pierre Thepot, directeur du groupe hospitalier littoral Atlantique, qu’il s’agissait d’une “situation Covid tout à fait critique” et qu’il “n’avait jamais connu ça”, rapporte Sud Ouest. La veille, une campagne de dépistage réalisée à l’hôpital de Compiègne révélait 75 cas positifs chez des soignants de tous les services, selon BFM.

Une étude inquiétante sortie dès février

La liste des contaminations au coronavirus en milieu hospitalier pourrait s’allonger encore. Les exemples remontent d’ailleurs au tout début de l’épidémie. Le rassemblement évangélique qui a eu lieu fin février 2020, à Mulhouse, en est l'illustration. Comme le révélait à l’époque France Bleu, “une infirmière des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, présente au rassemblement, aurait été à l’origine de la contamination de 250 collègues soignants, selon le directeur général de l’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand-Est”.

Et, avant cela, une étude menée sur 138 cas de Covid-19 à Wuhan, montrait que le virus “était fréquemment associé à des transmissions présumées liées à l'hospitalisation”, rapportait début février 2020, la revue médicale Jama Network. Comme le détaillait le New York Time, 40% des 138 cas étudiés auraient été transmis à l’hôpital : chez 17 personnes admises pour autre chose et 40 soignants. Dans ce cas, le patient 0 était arrivé à l’hôpital avec un problème abdominal et le Covid-19 n’était pas soupçonné.

Une étude, menée à Wuhan, a montré les risques de transmission du coronavirus à l’hôpital.
Une étude, menée à Wuhan, a montré les risques de transmission du coronavirus à l’hôpital.

Les hôpitaux pas préparés au début de l'épidémie

“Dès mars, je m’étais inquiété pour ces structures et en particulier les Ehpad, vu le profil du virus”, se souvient Yvon Le Flohic, médecin généraliste, épidémiologiste et membre du collectif Du côté de la science. “Le risque nosocomial était net et assez évident, puisqu’on n’était pas préparés sur le plan technique : les hôpitaux n’étaient pas étanches au Covid-19, il n’y avait pas de double circuit, pas assez de masques, pas assez de blouses, le personnel n’avait pas l'habitude…", rappelle-t-il.

“J’ai la certitude que l’hôpital a fortement participé à la propagation de l’épidémie”, estime-t-il, citant notamment les exemples de l’étude de Wuhan et de l’hôpital de Strasbourg après le rassemblement évangélique pour appuyer ses propos. D’autant qu’au début, “dès que quelqu’un avait une suspicion de Covid, on le mettait à l’hôpital même s’il n’y avait pas de gravité”, se souvient le médecin.

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Des lieux parfaits pour le virus

Or, le milieu hospitalier, tout comme les Ehpad, sont des endroits idéaux pour un virus tel que le nouveau coronavirus. “On a beaucoup de monde, dans un lieu clos, avec du passage. Avec des personnes qui peuvent exporter le virus - qui ne restent pas toujours dans le lieu - et, en plus, à la fois la population vectrice, qui est jeune, asymptomatique ou avec très peu de symptômes, et la population à risque”, nous résume Yvon le Flohic. “C’est là qu’on a le plus de risques”.

Et ce, même si l’incidence est faible dans la région. “Sur le terrain, on a eu des périodes où quasiment tous les cas étaient reliés soit à l’hôpital, soit à des Ehpad”, précise le médecin et infectiologue.

Une faible proportion des chiffres

Les bilans hebdomadaires de Santé Publique France n’ont pas donné de détails sur les transmissions nosocomiales - c'est-à-dire en milieu hospitalier - avant novembre 2020. Selon les derniers chiffres, arrêtés au 17 janvier 2021, depuis le début de l’épidémie, il y a eu 2986 signalements de cas de coronavirus nosocomiaux, “survenus au cours ou au décours d’une prise en charge dans un établissement de santé”. Ce qui représente, en tout, 33 541 personnes contaminées : 20 160 patients, 13 371 professionnels et 10 visiteurs. Un chiffre bien faible quand on le compare au 3,3 millions de cas de coronavirus officiellement recensés en France depuis le début de la pandémie. Mais ces résultats de Santé Publique France “sont sous-estimés”, selon Yvon Le Flohic.

Toujours selon Santé Publique France, plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces contaminations. La “découverte fortuite d’un cas” semble être l’explication la plus fréquente. Elle est suivie par “le non-respect strict des mesures barrières”, les visites et les transmissions entre membres du personnels notamment pendant les pauses. Dans une faible proportion des cas, la transmission pourrait se faire lorsque les patients se déplacent dans les couloirs, lors de soins ou dans les cas de chambres doubles.

Enfin, les services les plus touchés ne sont pas forcément ceux qui sont normalement les plus exposés au Covid-19. Selon les derniers chiffres sur le sujet, dévoilés lors du point du 17 novembre dernier, les transmissions en réanimation et aux urgences ne représentent chacune que 2% des transmissions nosocomiales, soit la part la plus faible.

Notamment parce que dans les services les plus exposés, les soignants sont mieux équipés, “avec des visières par exemple, qui évitent la transmission par les yeux”, précise le docteur Yvon Le Flohic.

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Des risques évitables

Pour lui, là où les risques ont été les plus élevés, “c’est quand on a demandé à certains soignants de venir même s’ils étaient positifs au Covid-19. C’est quand même énorme : on met en place des procédures de double circuit, on augmente le niveau de protection et on demande à des gens contaminés de venir travailler”, commente-t-il. Des situations dont avaient notamment fait part Le Parisien et Le Dauphiné Libéré et que plusieurs délégués syndicaux avaient dénoncé.

Outre l’abandon de cette pratique, d'autres solutions peuvent permettre de réduire les contaminations en milieu hospitalier, nous explique le médecin et épidémiologiste, Yvon Le Flohic. D’abord “il faut vacciner les soignants, mais aussi faire des tests préventifs et itératifs”, notamment pour repérer les asymptomatiques mais aussi les super-contaminateurs. Et ainsi, éviter autant que possible les risques de contamination à l’hôpital, chez les soignants comme chez les patients.

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