Publicité

Covid-19 : pourquoi la campagne de vaccination des enfants est pour l'instant un échec ?

Vaccination contre le Covid-19 d'un enfant à Strasbourg, le 22 décembre 2021 (Photo SEBASTIEN BOZON / AFP)

Un peu plus de 200 000 enfants de moins de 11 ans ont été vaccinés, sur un total de plus de cinq millions en France.

Depuis le 22 décembre, les enfants de 5 à 11 ans peuvent être vaccinés contre le Covid en France, sans condition, avec le vaccin Pfizer et des doses adaptées. Une campagne de vaccination vers les plus jeunes qui peine à réellement démarrer, comparé aux autres pays européens.

En Belgique, 12,1% des 5-11 ans sont vaccinés, 15,6% en Allemagne, 27,9% en Italie et même 51,8% en Espagne. Avec un peu plus de 3,8%, la France fait pâle figure. Si ces pays ont ouvert la vaccination un peu plus tôt que la France (le 15 décembre pour l'Espagne, le 16 pour l'Italie), ces quelques jours de différence ne suffisent pas à expliquer un tel écart.

"Beaucoup d'enfants sont positifs, donc pas éligibles"

Première explication avancée, le nombre d'enfants en condition de se faire vacciner. "Avec les taux d'incidence record depuis plusieurs semaines et la politique du 'laisser circuler le virus à l'école", beaucoup d'enfants sont positifs ou cas contacts, donc ne sont pas éligibles à la vaccination", décrypte le docteur Michaël Rochoy. Un avis partagé par d'autres médecins.

La semaine du 10 janvier, le taux d'incidence chez les élèves de primaire (6-10 ans) était de 5 544 cas pour 100 000 habitants, l'un des plus hauts toute classe d'âge confondues, selon Santé Publique France. Depuis la mi-janvier, plus de 50 000 enfants de 0 à 9 ans sont testés positifs chaque jour.

"Sur 22 enfants, 8 ont eu le Covid entre les deux doses de vaccin"

Après une infection, il faut attendre au moins deux mois avant de pouvoir être vacciné. Les cas contacts doivent eux faire un test négatif 7 jours après le contact pour pouvoir être vacciné. "J'ai fait une session de premières doses fin décembre, avec 22 enfants. Pour la deuxième dose mi-janvier, ils n'étaient plus que 14, les 8 autres ayant été testés positifs au Covid entre les deux doses", illustre le docteur Rochoy, qui vaccine dans le Pas-de-Calais.

Autre explication avancée pour expliquer cette très faible vaccination des enfants, la gestion du Covid chez les enfants. "C'est la conséquence des campagnes de désinformation, qui ont martelé pendant longtemps que les enfants ne font pas de forme graves et qu'ils ne contaminent pas les adultes. Ces messages, répétés, ont convaincu des parents qu'ils n'avaient pas d'intérêt à faire vacciner leurs enfants", tonne le docteur Rochoy.

Des messages contraires

Dans le viseur du médecin notamment, les prises de position de la Société Française de Pédiatrie. Sa présidente Christèle Gras-Le-Guen affirmait ainsi dans Ouest France en novembre dernier que "les moins de 12 ans sont peu affectés par l’infection Covid" et surtout "non contagieux".

Or, selon de nombreuses études et comme l'écrit l'OMS "les enfants et les adolescents peuvent transmettre l’infection à SARS-CoV-2 à d’autres personnes. Des flambées épidémiques de Covid-19 ont été constatées dans des établissements d’enseignement secondaire, des camps de vacances et des garderies, en particulier lorsque aucune mesure de distanciation physique ou de port du masque n’avait été prise pour réduire le risque".

Des freins à la vaccination

S'il semble admis que le risque de forme grave chez les enfants est moindre comparé aux adultes, il n'est pour autant pas nul, comme en atteste les quelques dizaines d'enfants hospitalisés en réanimation avec une infection au Covid.

Également pointé du doigt, les freins, progressivement levés, à la vaccination des enfants. La nécessite d'avoir l'accord des deux parents, puis désormais d'un seul, et la difficulté de trouver des créneaux de vaccination. "Parmi mes patients, certains ont fait 30km pour venir faire vacciner leur enfant. Il y a peu de médecins qui proposent la vaccination pédiatrique", constate le docteur Rochoy.

Vers une vaccination à l'école ?

Face à ce problème, la vaccination pourra prochainement se faire en pharmacie pour les enfants, et non plus uniquement chez un médecin ou dans un des rares centres proposant la vaccination des enfants. Des évolutions qui suivent les recommandations de l'Académie de Médecine et de l'Académie des sciences, qui rappellent qu'au-delà du bénéfice collectif de la vaccination des enfants, "le bénéfice individuel doit être clairement expliqué aux parents : c’est un bénéfice direct incontestable par l’induction d’une immunité qui sera plus forte que celle induite par l’infection seule, ou qui la renforcera, et protègera les enfants en réduisant le risque de formes graves lié à de nouveaux variants, à court et moyen termes.

La rareté des effets indésirables post-vaccinaux doit être mise en balance avec l’existence de formes sévères (PIMS, myocardite, Covid long) dont la fréquence risque d’augmenter avec la recrudescence des cas symptomatiques actuellement observés chez l’enfant".

Pour "hâter la vaccination des enfants âgés de 5 à 11 ans contre la Covid-19", les deux académies recommandent notamment d'organiser "des séances de vaccination à l’école, par des équipes mobiles, en concertation avec la médecine scolaire". C'est le choix fait par certaines régions en Espagne, qui proposent une vaccination dans les établissements scolaires. Dans le pays, plus de la moitié des 5-11 ans sont vaccinés.

VIDEO- Dr Jérôme Marty sur les Frères Bogdanov : "Ces gens pensent qu’ils sont plus forts que le virus, mais il n’y a pas d’homme fort face au virus"