Covid-19: au travail ou à la maison, comment gérer l'incertitude au quotidien

Des élèves portant des masques dans une salle de classe à Valence, en Espagne, le 7 septembre 2020 (photo d'illustration)
 - JOSE JORDAN © 2019 AFP
Des élèves portant des masques dans une salle de classe à Valence, en Espagne, le 7 septembre 2020 (photo d'illustration) - JOSE JORDAN © 2019 AFP

Mon entreprise tiendra-t-elle bon? Sera-t-on reconfinés? Pourra-t-on se réunir en famille à Noël? Partir en vacances à la Toussaint? Se marier alors que la noce a déjà été reportée une première fois? Alors que la pandémie de Covid-19 est loin d'être terminée, que certaines mesures sanitaires ont été durcies et qu'elles pourraient l'être encore plus, les prochains mois s'annoncent tout aussi incertains que les précédents.

De quoi se faire du tracas. Ce que confirme Jean-Luc Aubert, psychologue spécialiste des enfants et des adolescents. "L'incertitude génère de l'anxiété et de l'angoisse", assure-t-il à BFMTV.com. D'autant plus quand le flou a envahi toutes les strates de la vie, allant de la sphère professionnelle au cadre privé, passant par les relations sociales et les loisirs.

"C'est comme la peur du noir. Chez soi ou dans un endroit que l'on ne connaît pas, la peur est la même mais peut s'intensifier du fait de l'environnement inconnu qui nous entoure. Là, on est dans ce climat qui comporte de nombreux points d'interrogations, avec en plus des réponses contradictoires qui n'aident pas à rassurer."

Une nouvelle forme de précarité

Imane Adimi, psychologue clinicienne et psychothérapeute, a elle aussi remarqué chez certains de ses patients de nouvelles inquiétudes en lien avec la situation sanitaire actuelle. Si certains developpent des troubles dépressifs, d'autres voient leurs phobies et obsessions s'exacerber.

"J'ai le cas d'une famille dont les parents ont perdu leur emploi, raconte-t-elle à BFMTV.com. Avec les difficultés financières, la crainte d'un reconfinement, la question d'un éventuel enseignement à distance et les nouveaux rapports sociaux qu'il faut mettre en place, ça commence à devenir très compliqué pour eux."

Cette psychothérapeute craint même une nouvelle forme de précarité, cette fois psychique et psychologique. Une souffrance invisible mais bien réelle, estime Imane Adimi, qui peut selon elle toucher des personnes qui n'avaient jusqu'à présent aucun trouble et pourtant insérées, aussi bien professionnellement que socialement.

Le cerveau programmé pour l'incertitude

Pourtant, Anne Giersch, psychiatre et directrice du laboratoire neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie à l'Université de Strasbourg, rappelle que le cerveau humain est programmé pour faire face aux incertitudes.

"Au quotidien, on est en permanence confronté à des incertitudes, explique-t-elle à BFMTV.com. Cette incertitude, ce n'est pas seulement ne pas savoir de quoi l'avenir sera fait. Elle est même inhérente à nos vies, à tous les niveaux. Et même rien que d'un point de vue visuel, qui est mon domaine de compétences."

Quelques illustrations simples du quotidien: un objet que l'on ne parviendrait pas à reconnaître parce qu'en partie caché ou placé au second plan, ou encore un mouvement détecté à un endroit où l'on ne s'y attendrait pas. "Les informations qui nous entourent sont très rarement complètes", poursuit Anne Giersch.

Long terme vs court terme

Mais par différents moyens, comme les souvenirs, les a priori, la déduction ou les expériences vécues, le cerveau parvient à traiter et coder cette incertitude. "On le fait sans s'en rendre compte", ajoute la psychiatre. Malgré cela, cette experte en neuropsychologie reconnaît néanmoins que l'addition d'incertitudes peut conduire certains à se sentir débordés.

C'est pour cela que le psychologue Jean-Luc Aubert a modifié la prise en charge de ses patients. Lui qui leur demandait habituellement de se projeter et de se fixer des objectifs à moyen et long terme leur recommande aujourd'hui l'inverse.

"Je les invite à gérer les choses au jour le jour. La recette: formuler des projets à court terme. Réfléchir à ce que l'on fera le week-end prochain sans forcément penser aux grandes vacances. Et puis il ne faut pas non plus oublier que cela se terminera bien un jour."

Article original publié sur BFMTV.com