Dans la course à Matignon, le Premier ministre idéal de Macron n’existe pas

Pour Matignon, Emmanuel Macron recherche le mouton à cinq pattes.
CHRISTOPHE SIMON / AFP Pour Matignon, Emmanuel Macron recherche le mouton à cinq pattes.

POLITIQUE - Tout l’été, Emmanuel Macron s’est creusé la tête. Qui nommer à Matignon ? Après des élections législatives aux airs de défaite cinglante pour son camp, et une Assemblée nationale plus morcelée que jamais, l’équation n’est pas simple. Son entourage a bien tenté d’alimenter la chronique médiatique en pleine trêve estivale, mettant au pot commun des noms comme Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve. Sans suite.

En parallèle, la candidate désignée par les forces du Nouveau Front populaire, Lucie Castets, a occupé le terrain, sacrifiant ses vacances prévues en Italie pour apparaître à la une des journaux et effectuer des visites, à Lille ou à Orléans. Le chef de l’État lui a finalement fermé les portes de Matignon le 26 août, expliquant que son éventuel gouvernement « serait immédiatement censuré par l’ensemble des autres groupes représentés à l’Assemblée nationale ».

De quelles cartes dispose désormais Emmanuel Macron dans son jeu ? Il espère nommer un Premier ministre à la tête d’un gouvernement « stable », qui ne serait pas sous la menace d’une motion de censure, plutôt issu des rangs du centre droit ou du centre gauche, pourquoi pas un profil technique (c’est-à-dire pas politique) ou une personnalité consensuelle, au-dessus de la mêlée. Mais cette personne existe-t-elle ? La question se pose. Et, en l’état, la réponse est non.

Grandes orientations

Le 23 juillet sur France 2, quand le journaliste Thomas Sotto lui fait remarquer qu’il n’a plus la majorité à l’Assemblée, le Président rétorque : « Oui, mais la politique économique que nous menons depuis sept ans, je pense que c’est bon pour le pays tout court ». Manière de montrer que s’il est ouvert à une « cohabitation », comme il l’a exprimé devant les leaders du NFP venus le rencontrer à l’Élysée le 23 août, pas question pour lui d’infléchir sa politique économique et sociale (retraites, salaire, travail...). Nouveau critère, donc : que le Premier ministre, sans être nécessairement issu des rangs macronistes, partage quelques grandes orientations avec le Président. Ou, en tout cas, ne lui soit pas trop éloigné en prônant par exemple, comme l’a promis le NFP, l’abrogation de la réforme des retraites.

Mais au regard de l’état des équilibres à l’Assemblée nationale, chacun des trois principaux blocs (NFP, Macronie et RN) aura bien du mal à en convaincre un autre de ne pas le censurer s’il accède à Matignon. Seule hypothèse donc : que le Président nomme un Premier ministre plutôt marqué à droite qui bénéficierait de la mansuétude du Rassemblement national. Dès lors, si seule la gauche est opposée à ce profil, celui-ci pourrait se maintenir grâce à l’abstention du RN.

« Comptez sur nous pour les censurer »

En effet, l’abstention ou le soutien de l’extrême droite serait nécessaire dans la mesure où un accord de coalition entre les seuls LR et le camp présidentiel ne suffit pas à obtenir la majorité absolue. Or, un tel scénario comporte plusieurs risques, et notamment celui de rendre cet hypothétique gouvernement redevable du RN, et donc, à sa merci. Le jour où le RN décidera de voter la censure (au prétexte d’une polémique quelconque), ce gouvernement tombera. Sans parler de la difficulté à justifier auprès des électeurs une dépendance pareille au parti lepéniste, après avoir appelé au « front républicain » au second tour des législatives.

Soulignons au passage que la légitimité d’un éventuel Premier ministre issu de LR serait largement questionnée. « Les mecs sont 45, ils sont arrivés 4ème aux législatives, et il faudrait les appeler à Matignon ? Comptez sur nous pour les censurer à la seconde où ils arrivent », prévient le député LFI Aurélien Taché auprès du HuffPost. On rappellera par ailleurs que le parti de droite est la seule force politique dite « républicaine » n’ayant pas appelé à faire barrage au RN. Ce qui s’accomode mal avec l’obligation évoquée par Emmanuel Macron de prendre en compte « les circonstances exceptionnelles » de l’entre deux tours des législatives.

L’autre option sur laquelle semble miser Emmanuel Macron est la dislocation du Nouveau Front populaire. Si les forces de gauche venaient à se séparer, comme ce fut le cas à l’automne avec la Nupes, ce serait un formidable moyen pour le Président de ramener à lui des forces socialistes ou écologistes et de montrer, comme il tente de le faire depuis le début des discussions, qu’elles n’avaient rien à faire avec les Insoumis. Manque de chance, le NFP, pour l’instant, maintient son unité et se renforce même au gré des interventions présidentielles. Quand Emmanuel Macron a rejeté l’idée de nommer Lucie Castets à Matignon le 26 août, la gauche dans son ensemble a su parler d’une voix et dénoncer un « déni de démocratie ».

Ainsi, sans présager de ce qui peut se passer dans les prochaines heures et les prochains jours (tout est tellement rapide en politique), force est de constater qu’en l’état actuel des choses, le profil parfait recherché par Emmanuel Macron ressemble fort au mouton à cinq pattes. Et alors que l’entourage présidentiel évoque une nomination « sous huitaine », la crise politique issue de la dissolution semble partie pour durer bien plus longtemps.

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