La Cour constitutionnelle de Taïwan maintient la peine de mort
La plus haute cour de Taïwan a confirmé vendredi la constitutionnalité de la peine de mort, tout en jugeant qu'elle devait être limitée à "des circonstances spéciales et exceptionnelles".
La Cour constitutionnelle avait été saisie par un groupe de condamnés à mort, auxquels s'étaient joints l'organisation Amnesty International et la Coalition mondiale contre la peine de mort.
Les demandeurs soutenaient que la peine capitale constituait une violation des droits fondamentaux protégés par la Constitution, dont le droit à la vie et le droit de ne pas subir de tortures ou d'actes cruels, inhumains ou dégradants.
Une décision de la Cour favorable aux plaignants aurait signifié l'abolition immédiate de la peine capitale dans l'île, où 35 exécutions ont eu lieu depuis la levée d'un moratoire en 2010.
Mais dans un arrêt lu en public par son président Hsu Tzong-li, la Cour a confirmé la constitutionnalité du châtiment suprême, qui à Taïwan s'exécute en tirant une balle de pistolet à hauteur du coeur, dans le dos du condamné allongé sur le ventre et sous anesthésie générale.
"Le droit à la vie doit être protégé au plus haut niveau en vertu de la Constitution. Cependant, une telle protection n'est pas absolue", a-t-elle statué.
La Cour a toutefois précisé que le champ d'application de la peine de mort "doit être limité à des circonstances spéciales et exceptionnelles".
Elle a aussi jugé que la peine de mort ne pouvait être prononcée contre les accusés atteints de troubles mentaux, "même si leur santé mentale n'a pas eu d'influence sur leur crime".
La porte-parole la présidence, Karen Kuo, a qualifié cette décision de "jalon important pour le système judiciaire taïwanais".
"Le président (Lai Ching-te)... attend avec impatience que les administrations compétentes modifient les règlements conformément au jugement afin de répondre aux valeurs de justice procédurale et de droits de l'homme", a-t-elle dit.
Trente-sept condamnés attendent actuellement dans les couloirs de la mort des prisons taïwanaises.
La dernière exécution, celle d'un homme de 53 ans condamné pour un incendie volontaire dans lequel avaient péri six personnes, remonte à avril 2020.
Les lois de l'île prévoient la peine de mort pour une cinquantaine d'infractions, dont le trafic de drogue. Dans la pratique, elle n'est désormais prononcée que dans des affaires de meurtre.
Les exécutions ont lieu sans préavis, une fois tous les recours épuisés. Depuis 2020, une loi permet au condamné d'enregistrer un message audio ou vidéo pour sa famille et d'assister à des rites religieux juste avant d'être mis à mort.
Environ 80% des Taïwanais sont favorables à la peine de mort, selon un récent sondage de l'Association chinoise des droits humains.
Un avocat de la Fondation pour la réforme de la justice, qui milite pour l'abolition de la peine de mort, a dit "regretter cette décision".
"Nous constatons que le taux de criminalité n'a pas augmenté, et en fait a même diminué ces dernières années, lorsque nous avons procédé à relativement moins d'exécutions", a déclaré vendredi M. Lin Yong.
"Nous regrettons que la cour n'ait pas déclaré la peine de mort inconstitutionnelle mais nous continuerons à oeuvrer pour aider les gens à comprendre l'importance du respect de la vie", a-t-il ajouté.
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