Coups de feu, oreille en sang et poing levé: le récit de la tentative d'assassinat de Donald Trump
Pour Donald Trump, ce devait être un meeting comme un autre. Un ultime échauffement avant la convention du "Grand Old Party" organisée à Milwaukee la semaine prochaine, événement qui le verra devenir officiellement le champion du parti républicain pour la prochaine élection présidentielle. Ce samedi 13 juillet 2024, à Butler, en Pennsylvanie, Donald Trump a pourtant bien échappé au pire: une tentative d'assassinat.
Il est 18h08 dans cette petite ville d'environ 13.000 habitants (00h08, heure française) et Donald Trump se trouve sur l'estrade face à ses partisans. Casquette "MAGA" ("Make America Great Again") vissé sur la tête, il déroule depuis quelques minutes son argumentaire habituel, fustigeant l'immigration illégale.
"Si vous voulez vraiment voir quelque chose, regardez de qui vient de se passer...": l'ancien président des États-Unis n'a pas le temps de terminer sa phrase. Il est interrompu par plusieurs détonations. Un, deux, trois, quatre coups de feu.
"On aurait dit un truc du 4 juillet"
Assise au milieu du premier rang, Erin Autenreith se trouve "pile devant" Donald Trump à ce moment-là.
"J'étais dans tous mes états", raconte cette Américaine de 66 ans. "Je le regardais. Puis j'ai entendu des détonations. On aurait dit un truc du 4 juillet (le jour de la fête nationale aux Etats-Unis, NDLR), pan, pan, pan".
L'un de ces "pan" aurait pu se révéler mortel pour Donald Trump. Il porte immédiatement sa main à son oreille droite puis se précipite au sol, derrière son pupitre. "J'ai été touché par une balle qui a transpercé le haut de mon oreille droite", expliquera-t-il quelques heures plus tard sur sa plateforme Truth Social. "J'ai tout de suite su que quelque chose n'allait pas car j'ai entendu un sifflement, des coups de feu, et j'ai immédiatement senti la balle déchirer la peau."
Les agents du Secret service, chargés de la protection de Donald Trump, se ruent sur lui pendant que des cris de terreur émanent d'une foule gagnée par la panique et que d'autres tirs se font entendre. De longues secondes se passent, le temps pour les agents de s'assurer que toute menace est écartée. "Tireur à terre", annonce finalement l'un d'eux. "On peut bouger?", s'enquiert un autre.
La voie est libre. Les agents aident Donald Trump à se relever. L'ancien occupant de la Maison Blanche paraît d'abord sonné. Ses cheveux sont en bataille, sa chemise blanche est déboutonnée au niveau du col et le côté droit de son visage est rougi par le sang.
Trump poing levé
Le Secret service cherche à exfiltrer Trump rapidement mais ce dernier paraît résister. Il demande même aux agents de le "laisser récupérer ses chaussures". Puis l'incroyable instinct du politique reprend le dessus. "Attendez, Attendez, Attendez...", demande Donald Trump. Il brandit le poing dans le ciel et vers la foule, l'air bravache, comme pour montrer qu'il est déjà prêt à reprendre le combat. À ce geste incroyable accompagné d'une exhortation ("Battez-vous!"), ses partisans répondent en écho en criant "USA! USA!". Une image qui restera pour l'histoire.
Donald Trump, toujours entouré par les lunettes noires du Secret service, finit par descendre les marches de l'estrade et s'engouffrer dans un gros SUV blindé. Deux minutes se sont écoulées depuis les premiers tirs. L'ancien chef de l'Etat quitte enfin cette scène dramatique, venue malheureusement s'inscrire dans une longue lignée de faits similaires dans l'histoire américaine, du meurtre d'Abraham Lincoln en 1865 à la tentative d'assassinat de Ronald Reagan en 1981. Donald Trump, lui, en est persuadé: s'il s'en est sorti indemne, c'est parce que Dieu et Dieu seul "a empêché l'impensable".
Les tirs qui ont résonné à Butler ont pourtant bien fait un mort parmi ses partisans. Deux autres ont été grièvement blessés. Joseph, interrogé sur NBC News, se trouvait à côté du spectateur touché mortellement. Il raconte que son voisin a été "atteint à la tête", "est mort instantanément" et "est tombé au pied du gradin".
"Le type s'est retourné et s'est retrouvé coincé entre les bancs", a raconté un autre témoin anonyme devant les caméras de CBS et portant une casquette "Keep America Great. "Il avait une balle dans la tête", a-t-il précisé, ajoutant qu'il y avait "beaucoup de sang" et de la "matière cérébrale".
La victime se trouvait selon toute vraisemblance sur la trajectoire des tirs visant Donald Trump. Mais d'où provenaient ces tirs? Du canon d'un AR-15. Deux lettres et deux chiffres auxquels les Américains ne sont que trop habitués, car cette arme crachant des balles de calibre 5.56 est souvent utilisée par les auteurs de tuerie de masse aux États-Unis.
Un tireur armé d'un AR-15
L'homme qui a actionné la gâchette du fusil semi-automatique, Thomas Matthew Crooks, ne se trouvait pas dans l'enceinte du meeting. Allongé sur le ventre, vêtu d'un T-shirt et d'un pantalon baggy, il a pris place sur le toit d'un hangar, à une centaine de mètres de Donald Trump, pour faire feu. Une position qui semble avoir éveillé l'attention de spectateurs. Plusieurs ont assuré avoir alerté la police de Butler de la présence du jeune homme de 20 ans aux longs cheveux bruns avant que les tirs ne retentissent.
"Nous le pointons du doigt à la police, nous lui disons 'Hé! Il y a un type sur le toit avec un fusil…' Et la police ne savait pas ce qui se passait", a ainsi affirmé un témoin à la BBC.
En saura-t-on davantage sur ce qui s'est passé dans les heures et jours à venir? Thomas Matthew Crooks, abattu par le Secret service, ne pourra pas donner d'explication sur son geste alors que les questions se bousculent.
Crooks, inconnu jusqu'à présent des services de police, a-t-il agi seul? Ses motivations étaient-elles politiques? Diplômé en 2022 du lycée de Bethel Park, localité située à environ 70 kilomètres au sud de Butler, Crooks avait fait il y a quelques années un don certes modeste - 15 dollars - mais qui était destiné au PAC ActBlue, un comité d'action politique chargé de lever des fonds pour le parti démocrate. Un autre élement le classait pourtant de l'autre côté de l'échiquier politique: il était enregistré en tant que républicain sur les registres électoraux de Pennsylvanie pour l'élection présidentielle à venir.
Quelque soient ses motivations, Thomas Matthew Crooks a failli, à quelques centimètres près, en faire basculer le résultat quatre mois avant la tenue du scrutin. Loin d'être mis hors-jeu, Donald Trump, lui, est plus que jamais prêt à livrer bataille contre Joe Biden. Comme prévu, il devrait bien être au rendez-vous de la convention de Milwaukee à partir de lundi. Il "se réjouit" même "de parler à notre grande nation cette semaine depuis le Wisconsin".