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Corruption : Eva Kaili, une vice-présidente du Parlement européen dans la tourmente

La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili le 7 décembre lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles.
AFP La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili le 7 décembre lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles.

PARLEMENT EUROPÉEN - Des plateaux de télévision aux couloirs de Bruxelles avant d’arriver en cellule. Depuis vendredi 9 décembre, le nom de la vice-présidente de cette grande institution de l’Union européeene est sur toutes les lèvres, depuis la révélation d’une vaste enquête de corruption concernant d’importantes sommes d’argents versées par le Qatar pour peser sur les décisions prises au sein du Parlement européen.

En l’espace de trois jours, Eva Kaili a été perquisitionnée et interpellée, puis écrouée dimanche dans cette enquête menée par un juge belge et ouverte depuis mi-juillet. Rapidement dépouillée de son immunité parlementaire en raison d’une infraction en « flagrant délit », elle avait précédemment été écartée de son mouvement politique, le Parti socialiste grec (Pasok-Kinal) après les premières révélations de cette enquête pour « corruption » et « blanchiment d’argent » en bande organisée. Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) du Parlement européen avait par ailleurs annoncé sa suspension « avec effet immédiat ».

Lâchée de toute part et désormais dans le viseur de la justice, qui est vraiment la vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili, à la fois politicienne précoce et ex-présentatrice de télévision désormais engluée dans cette affaire impliquant le Qatar.

Entrée en politique à 20 ans

Il ne lui aura fallu que 11 mois après son élection à ce poste pour voir ses délégations de vice-présidente de l’assemblée européenne être suspendues. Placée en détention depuis ce dimanche 11 décembre à Bruxelles, Eva Kaili a été prise la main dans sac, littéralement. En effet, des « sacs de billets » ont été retrouvés au domicile de cette quadragénaire, un temps perçue dans son pays natal comme une étoile montante du parti socialiste Pasok-Kinal.

Originaire de Thessalonique, deuxième ville de Grèce, Eva Kaili est entrée en politique à l’âge de 20 ans seulement. Étudiante en architecture, elle devient dès 1998 conseillère municipale de sa ville natale. Avec son diplôme d’architecture en poche, elle se lance alors dans des études des relations internationales et européennes et suit également un cursus en journalisme.

C’est par cette première porte médiatique que les Grecs la découvrent alors : sur leurs écrans de télévision. Elle présente alors les journaux sur l’une des grandes chaînes privées, Mega, de 2004 à 2007. Âgée de 29 ans, c’est à cette période qu’elle intègre le Parlement grec pour la première fois, devenant au passage la plus jeune députée du Pasok.

La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili lors d’une prise de parole à Bruxelles, le 7 décembre 2022.
ERIC VIDAL / AFP La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili lors d’une prise de parole à Bruxelles, le 7 décembre 2022.

Poursuivant son parcours précoce en politique, elle est élue au Parlement européen en 2014 dans le groupe des Socialistes et Démocrates, un mandat qu’elle conserve lors du scrutin européen de 2019. Finalement élue vice-présidente du Parlement européen dès le premier tour en janvier 2022, elle se retrouve membre de la délégation visant à développer les relations de l’Union Européenne avec la péninsule arabe.

Des liens étroits avec le Qatar

C’est d’ailleurs pour cette raison que l’élue grecque de 44 ans s’est rendue au Qatar, peu de temps avant le début de la Coupe du monde de football 2022, saluant alors -en présence du ministre qatari du Travail- les réformes de l’émirat depuis son obtention du Mondial-2022.

« Aujourd’hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d’un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe », déclarait-elle le 22 novembre. « Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait-elle également affirmé ce même jour, à la tribune du Parlement européen.

L’ambassadeur de l’UE à Doha Cristian Tudor avait alors assuré sur Twitter la publicité de cette rencontre jugée positive.

Une prise de parole et une visite à Doha, qui avec du recul, a fait réagir de nombreux élus européens de la gauche et des libéraux sur les liens entretenus par Eva Kaili avec le petit Pays du Golfe Persique. « Je crains maintenant de comprendre... », a notamment commenté samedi sur Twitter le Français Pierre Karleskind (Renew, libéraux).

« Cheval de Troie »

Mais dans son pays natal, Eva Kaili s’est déjà distanciée à plusieurs reprises du Pasok. Premier exemple lors de l’accord entre Athènes et Skopje pour mettre fin à un long conflit sur l’appellation du petit pays balkanique, désormais nommé « Macédoine du Nord », elle avait twitté : « J’ai honte. C’est un dommage irréparable pour l’Histoire, la Macédoine et les Grecs ».

Elle se positionnait alors sur la même ligne que le parti conservateur grec qui s’opposait à cet accord, et considérait que le nom de Macédoine liée à l’histoire d’Alexandre le Grand et à une région du nord de la Grèce ne pouvait être donné à un autre pays.

Nouvelle sortie controversée en 2019, lorsqu’elle déclare que « les allocations sont pour les fainéants », critiquant alors les aides sociales distribuées par la gauche radicale (Syriza) pour faire face à la crise économique qui avait mis le pays à genoux et précipité de nombreux Grecs dans la pauvreté.

Le président du parti socialiste grec, Nikos Androulakis a assuré samedi que Mme Kaili « agissait comme un cheval de Troie de la Nouvelle démocratie », la droite au pouvoir. « Je l’avais informée qu’elle ne serait plus candidate avec notre parti aux prochaines élections européennes », a-t-il insisté. Le président du parti, lui-même député européen, lui reprochait aussi d’avoir tenté de minimiser l’affaire des écoutes qui éclabousse l’actuel gouvernement conservateur.

Désormais à la marge de son parti et de ses responsabilités à Bruxelles, les ennuis ne font que commencer pour Eva Kaili. D’autant plus que son compagnon à la vie, l’Italien Francesco Giorgi, ex-assistant parlementaire et spécialiste des questions de droits humains et des affaires étrangères, de sept ans son cadet, a été lui aussi interpellé dans le cadre de cette enquête.

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