Coronavirus : la rentrée scolaire angoissante des personnels à risque

Dans l'éducation, comme ailleurs, des personnes jusque-là considérées comme vulnérables dans le cadre de l'épidémie de Covid-19 on fait leur retour au travail, à la suite d'un nouveau décret sur le sujet.
Dans l'éducation, comme ailleurs, des personnes jusque-là considérées comme vulnérables dans le cadre de l'épidémie de Covid-19 on fait leur retour au travail, à la suite d'un nouveau décret sur le sujet.

Un décret publié le 30 août réduit considérablement la liste du personnel considéré comme vulnérable au Covid-19. De quoi inquiéter ceux qui souffrent d’une pathologie mais doivent tout de même retourner à l’école en ce jour de rentrée.

L’école a rouvert ses portes aux élèves ce mardi 1er septembre. Une reprise particulière dans le contexte sanitaire actuel, qui s’accompagne d’un protocole très allégé par rapport au printemps dernier, malgré le port du masque obligatoire pour le personnel, les collégiens et les lycéens.

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Pas de quoi rassurer les membres du personnel de l’éducation qui étaient, jusqu’au 31 août, encore considérés comme vulnérables dans le cadre de l’épidémie de Covid-19. Le décret du 25 avril dernier, complété le 6 mai, précisait que les personnes âgées de plus de 65 ans, souffrant d’antécédents cardiovasculaires, de diabète, de pathologie chroniques respiratoires, d’insuffisance rénale chronique, d’un cancer sous traitement, d’obésité, d’immunodépression, d’une cirrhose, de syndrome drépanocytaire majeur ou étant au troisième trimestre de grossesse pouvaient bénéficier de l’activité partielle en raison des risques plus élevés de développer une forme grave du coronavirus. Une loi qui concernait également les salariés vivant sous le même toit qu’une personne vulnérable.

Mais un nouveau décret a été publié au Journal officiel ce 30 août, pour une entrée en vigueur le lendemain. Il réduit la liste des personnes considérées comme vulnérables à celles souffrant d’un cancer évolutif sous traitement, d’immunodépression, âgées de 65 ans ou plus et souffrant d’un diabète associé à une obésité ou des complications micro ou macrovasculaires, et les personnes dialysées ou présentant une insuffisance rénale chronique sévère.

Un décret mis en place la veille de la rentrée

Résultat, dans l’éducation - comme dans tous les autres métiers - des personnes considérées à risque jusque-là ont dû reprendre le chemin du travail. “C’est comme si, une fois l’été passé, le Covid-19 avait changé et qu’il était devenu moins dangereux pour moi”, résume Fabrice*.

Ce professeur de sciences économiques et sociales dans un lycée des Yvelines n’avait pas repris les cours en présentiel au printemps dernier, en raison d’un diabète. Mais cette pathologie n’est plus considérée comme suffisamment à risque pour lui permettre de bénéficier de l’activité partielle.

Après des semaines sans savoir s’il reprendrait le chemin du lycée, puisque le décret n’est sorti que tardivement, il a donc fait sa rentrée auprès des élèves ce 1er septembre. Même s’il n’est “pas d’un naturel stressé”, il pointe les conditions générales de rentrée qui pourraient, il le craint, conduire à déclencher des clusters dans les établissements scolaires.

“J’ai des classes de seconde, qui sont toutes à 36 élèves”, énumère-t-il. Le professeur s’occupe aussi des premières, pour qui les sciences économiques et sociales sont l’une des spécialités possibles depuis la mise en oeuvre de la réforme du baccalauréat. Or, cette réforme s’accompagne d’un brassage très important des élèves, puisqu’il existe désormais trop de spécialités pour que les classes soient formées sur le modèle classique des filières. “J’ai un groupe d’une vingtaine d’élèves qui viennent de huit classes différentes, il y a donc un brassage qu’on ne peut pas éviter”, nous précise-t-il, “ce n’est pas très sécurisant”.

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Une prise de risque inévitable avec les enfants

L’inquiétude gagne aussi Pierre*, enseignant du premier degré en milieu rural dans la Sarthe. Il avait été considéré comme vulnérable par son médecin en raison d’un IMC trop important. Sa conjointe et sa fille étaient également considérées à risque au printemps dernier. “Il y a un donc un enjeu personnel mais aussi familial”, résume-t-il. D’autant qu’il se trouve dans un département classé Zone de circulation active du virus.

Pour cet enseignant, qui entame le début d’année dans une école maternelle, la reprise s’accompagne “d’une prise de risque incompressible, dû au fait qu’on ne peut pas empêcher les contacts avec des enfants, qui sont potentiellement porteurs du virus”.

Même constat chez Nadia, Atsem dans une école maternelle de la Creuse. “Je suis dans une classe de petite section et on sait très bien que le premier jour s’accompagne de pleurs, alors on prend les enfants dans nos bras, quelque soit le virus qui se promène”, décrit-elle. “Ça fait partie de notre métier, de réconforter les enfants, de faire qu’ils soient bien dans leur apprentissage”, poursuit Nadia.

Mais pour cette asthmatique, le contact avec des enfants qui pourraient être porteurs du coronavirus est loin d’être sans risque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle était, jusqu’au 31 août, considérée comme personnel vulnérable. “Cette rentrée est angoissante, constate l’Atsem. C’est anxiogène de savoir qu’on était considéré à risque par le corps médical il y a encore quelques semaines”.

Choisir entre sa santé et sa conscience professionnelle

Malgré leur inquiétude, aucun des trois n’a choisi de se faire arrêter par son médecin. “Je m’arrête seulement lorsque je ne peux vraiment pas aller travailler. Or, je ne suis pas en crise actuellement”, précise Nadia, qui se sentirait “coupable de laisser [s]es collègues se débrouiller avec une surcharge de travail supplémentaire”.

“Ça a fait l’objet d’une discussion familiale, nous confie Pierre*, dont la compagne et la fille sont également à risque. Peut-être que si je me tournais vers mon médecin, il me dirait de m’arrêter, mais je ne l’ai pas fait.” Même choix du côté de Fabrice*, qui a longtemps hésité. “On est tiraillé entre la sécurité que nous doit notre employeur et notre conscience professionnelle”, décrit ce professeur qui souffre de diabète.

Un choix qui s’accompagne tout de même d’une pointe d’amertume. “On a le sentiment qu’on est sur une logique de guerre économique, avec quelque chose qui serait de l’ordre du pourcentage de perte”, regrette Pierre*, qui rappelle que “quand on est vulnérable, l’anodin n’est pas au rendez-vous, on parle d’un virus qui pourrait être létal”.

Des précautions personnelles

Alors, chacun s’organise pour prendre le moins de risques possibles, et anticipe d’ores et déjà ce qui pourrait arriver en cas de contamination dans les établissements. “On essaie de tout faire pour que ça se passe le mieux possible, je suis dans un lycée où l’équipe de direction prend au sérieux la question du Covid-19 et du protocole sanitaire, décrit Fabrice*. Mais c’est sûr que si un foyer se déclenche dans mon établissement, je me poserais la question de m’arrêter... même si je ne sais pas si ce serait accepté puisque ma pathologie n’est plus considérée comme à risque” aux yeux de la loi.

De son côté, Pierre* avait décidé de se faire tester avant la rentrée, dans l’espoir de découvrir qu’il avait “déjà été confronté au virus sans développer de forme grave”. Ce qui n’a pas été le cas. Il devra donc vivre, comme tous les personnels à risque, dans l’angoisse d’une contamination qui pourrait entraîner des complications.

*Certains prénoms ont été modifiés

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