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Pour les professeurs et les proviseurs, la préparation de la rentrée est un casse-tête

La rentrée scolaire se prépare, mais les chefs d'établissements gardent en tête la possibilité que le protocole sanitaire soit modifié quelques jours seulement avant le retour en classe.
La rentrée scolaire se prépare, mais les chefs d'établissements gardent en tête la possibilité que le protocole sanitaire soit modifié quelques jours seulement avant le retour en classe.

Craintes autour du port du masque, possibilité de voir le protocole sanitaire chamboulé quelques jours avant la rentrée, peur de mal faire son travail, nécessité d’assurer la sécurité de tous... Chez les enseignants comme chez les chefs d’établissements, les angoisses se multiplient autour de la rentrée scolaire 2020. Et la hausse des contaminations ces dernières semaines dans l’Hexagone rend le contexte moins favorable que prévu.

Si le syndicat SNUipp-FSU a demandé, ce 18 août, le report de la rentrée de quelques jours pour les élèves, aucune réponse du gouvernement ne montre, pour l’heure, qu’il a été entendu. Alors, il faut préparer le retour en classe de tous les élèves avec les informations à disposition, à savoir le protocole sanitaire largement allégé dévoilé le 21 juillet dernier. Sauf qu’à ce moment-là, les chiffres de l’épidémie étaient bien meilleurs.

Le douloureux souvenir du mois de mai

“On va attendre encore un peu avant de finaliser l’organisation”, nous avoue Audrey Chanonat, chef d'établissement dans un collège de La Rochelle et membre de l’exécutif national du Snpden. Si elle préfère temporiser, c’est que la conférence de presse de rentrée, que tiendra le ministre de l’Éducation national Jean-Michel Blanquer le 26 août, pourrait venir tout chambouler. Ou ne rien changer. L’incertitude est totale, et avec elle, le souvenir des mois de mai et juin, quand les protocoles sanitaires étaient modifiés quelques jours seulement avant leur entrée en vigueur, et qu’il fallait courir et rogner sur son temps personnel pour les mettre en place.

“À chaque nouvelle phase, les équipes pédagogiques devaient rester le soir pour préparer les salles de classe afin d’appliquer les consignes”, se souvient Elvis Bruneaux, co-secrétaire du syndicat SUD éducation 92 et professeur des écoles à Nanterre. Résultat, “beaucoup d’enseignants ont l’impression que le gouvernement n'est pas en mesure d’anticiper les choses et du coup, c’est à nous de nous adapter sans avoir les moyens nécessaires”, estime-t-il.

Une période guère plus facile pour les chefs d’établissements. Christel Boury, proviseur dans une cité scolaire de région parisienne et secrétaire nationale du Snpden, se souvient des “week-ends et des nuits entière de travail”. Pour Audrey Chanonat, il s’agit donc de revivre “la même inquiétude que depuis le mois d’avril dernier”.

De l’attente et des questionnements

“Si on savait maintenant ce vers quoi on va tendre, ce serait plus simple pour nous”, avance de son côté Olivier Beaufrère, proviseur d’un lycée en région parisienne et membre du Snpden-Unsa, “il faudra qu’on court après le temps pour tout mettre en place. D’un autre côté, en 10 jours, il peut y avoir tellement d’évolutions... on est dans une situation d’attente”, reconnaît-il. Une attente synonyme de questionnements et d’inquiétudes.

Christel Boury ne sait toujours pas comment elle va gérer la cantine dans son établissement. La secrétaire nationale du Snpden redoute également “de ne pas avoir à la rentrée - ce qui était le cas en mai et juin dernier - le nombre d'agents nécessaire au nettoyage et à la désinfection des locaux”. De son côté, Audrey Chanonat, chef d'établissement dans un collège de La Rochelle, nous rappelle qu’il “manque un certain nombre de textes concernant les personnels à risque”. Reprendront-ils normalement à la rentrée ? Le doute plane. “On n’est pas dans une totale sérénité, c’est certain, on ne peut pas l’être vu le contexte”, conclut-elle.

La crainte autour des conditions de travail

Du côté des professeurs, l’inquiétude provient plutôt des conditions de travail. “On craint que les mesures ne nous empêchent de faire notre travail correctement”, explique Juliette, enseignante dans un collège du Pas-de-Calais. Elle redoute par exemple la changement de salles, effectué par les professeurs et non plus par les élèves, afin de réduire les brassages. Un choix “loin d’être pratique pour certaines matières” et qui, en plus, risque de modifier la façon de travailler, puisque “certains enseignants disposent les tables en îlots, d’autres en U, d’autres encore forment des binômes”, nous décrit-elle.

Mais ce qui cristallise surtout les craintes, c’est le port du masque. “Pour les professeurs, c’est compliqué, mais ça le sera encore plus pour les élèves qui n’osent déjà pas parler en temps normal ou qui ont des troubles de l’oralité”, redoute Juliette, qui comprend cependant la nécessité d’être en sécurité.

Si certains établissements pourront s’en passer au moins dans certaines salles de classe, dans d’autres, il devra être porté constamment. Ce sera notamment le cas dans le collège de La Rochelle dirigé par Audrey Chanonat. “On ne va pas se poser de questions, tout simplement parce que ce sont des enfants et qu’on ne peut absolument pas garantir la distanciation physique entre les élèves”, décrit-elle. Même choix pour Christel Boury, puisqu’aucune salle “ne permet, ni aux professeurs ni aux élèves, de ne pas porter le masque”, sauf pour quelques matières peu choisies.

Des “injonctions paradoxales”

Cette question ne se pose pas en maternelle ni au primaire, puisque le port du masque y est déconseillé pour les élèves. Avec les plus jeunes, les instituteurs n’ont pas non plus à porter cette protection. “On est face à des injonctions paradoxales : à la fois il y a une recrudescence des cas de coronavirus et on demande à la population de porter le masque, et en même temps dans les écoles on ne l’aura pas”, décrit Elvis Bruneaux, co-secrétaire du syndicat Sud éducation 92 et professeur des écoles à Nanterre, qui rappelle que la distanciation sociale avec les plus jeune est impossible. “On a l’impression que l’école est un lieu de non-droit où on ne protège pas le personnel”, regrette-t-il, tout en reconnaissant que porter un masque pour enseigner est relativement compliqué.

Pour lui et pour son syndicat, il faut “sortir de cette alternative” et s’orienter vers un “plan d’urgence pour l’éducation” avec plus de personnel et plus de moyens. Pour lui, tant que de telles mesures n’auront pas été prises, la situation sera “assez mauvaise pour tout le monde, sur le plan sanitaire, psychologique, éducatif et pédagogique”.

En attendant, la rentrée se prépare, même si chacun garde en tête qu’il faudra possiblement modifier les emplois du temps, l’organisation des locaux et la façon de travailler quelques jours, seulement, avant le jour J.

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