Coronavirus : ce que l'on sait et ce qu'on ignore encore sur la deuxième vague en France

Ce qu'on sait et ce qu'on ignore encore sur la deuxième vague du coronavirus en France
Ce qu'on sait et ce qu'on ignore encore sur la deuxième vague du coronavirus en France

Depuis quelques semaines, les indicateurs montrent que l’épidémie de Covid-19 reprend en France. Mais on est encore loin des chiffres du printemps dernier. Que sait-on de cette deuxième vague du coronavirus ?

Le terme de “deuxième vague” du coronavirus a fait son apparition en France durant l’été, alors que les contaminations commençaient à repartir à la hausse.

Depuis, les chiffres ont continué à évoluer et la situation s’est aggravée dans certaines régions, mais on est encore bien loin de ce que le pays a connu au plus fort de la crise, entre mars et mai dernier.

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Peut-on parler de deuxième vague ?

Lors d’une réunion qui s’est tenue le 28 juillet dernier, l’OMS affirmait qu’il n’y avait “qu’une seule grosse vague” du Covid-19. Cela dépend en fait de la définition médicale du terme “vague”, encore au coeur du débat scientifique, selon The Guardian. A priori, cela implique en tout cas une résurgence ou un retour saisonnier.

Pour le nouveau coronavirus, il semblerait - en France du moins - que la saisonnalité n’influence pas tant la virulence du virus que les habitudes de vie, qui ont un impact sur la transmission. En été, l’ouverture régulière des fenêtres permet un renouvellement de l’air. En hiver, la tendance à vivre dans des espaces plus confinés favorise la transmission du virus.

Olivier Bouchaud, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Avicenne de Bobigny, précisait d’ailleurs sur France Inter le 24 août dernier que la courbe des contaminations risquait de repartir à la hausse dans l’Hexagone avec le retour de la saison hivernale.

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La deuxième vague est-elle déjà enclenchée ?

Comme le précise Keith Neal, professeur émérite en épidémiologie et maladies infectieuses à l’université de Nottingham, au Guardian, le recul dans le temps est nécessaire pour identifier les différentes vagues d’une épidémie. Difficile donc, pour l’heure, d’affirmer que la deuxième vague a commencé à déferler sur le pays.

Cependant, plusieurs indicateurs montrent que l’épidémie progresse. Le nombre des nouveaux cas est très peu parlant pour comparer la situation actuelle à celle de mars et avril dernier, parce que le nombre de tests a beaucoup augmenté. En revanche, l’évolution d’indicateurs comme le taux de positivité - qui indique la part des cas positifs par rapport au nombre de personnes testées -, le R0 ou encore le nombre d’actes recensés par SOS Médecin, indique bien une reprise d’activité du Covid-19.

Selon le dernier bulletin épidémiologique de Santé Publique France, le taux de positivité était de 5,2% pour la semaine 31 août au 6 septembre contre 4,4% la semaine précédente, 3,7% entre le 17 et le 23 août, et 3,1% entre le 10 et le 16 août.

Pour la quatrième semaine consécutive, les actes de SOS médecins pour suspicion de Covid-19 sont en hausse, toujours selon Santé Publique France. Si l’on est encore loin des chiffres du printemps dernier, les données montrent tout de même une progression importante. En mars, jusqu’à près de 2 500 interventions par jour ont été enregistrées et elles ont plafonné à 1 500 pendant plusieurs jours d’affilée.

Depuis le 4 septembre, SOS médecins réalisent entre 700 et 800 interventions quotidiennes liées au Covid-19, il y en a même eu presque 1 000 le 8 septembre. Ce chiffre n’atteignait même pas les 300 durant toute la première moitié du mois d’août.

Pourquoi les contaminations augmentent-elles bien plus que les décès ?

Les chiffres officiels des contaminations sont actuellement bien plus élevés qu’au pire de la crise en France. Près de 10 000 nouveaux cas par jour sont enregistrés depuis le 9 septembre. En mars et avril dernier, ce chiffre tournait aux alentours de 5 000.

Si la courbe des contaminations prend donc bien la forme d’une deuxième vague, ce n’est pas encore le cas des décès. Loin s’en faut. Entre une vingtaine et une trentaine de morts liées au Covid-19 sont enregistrées ces derniers jours. Rien à voir avec les 1 000 décès quotidiens de début avril.

Ce décalage s’explique en grande partie par la politique de dépistage. Au début et au plus fort de la crise, seuls les cas les plus graves étaient testés, tandis que les asymptomatiques, les personnes malades invitées à rester chez elles ou les cas contact n’avaient pas la possibilité de se faire dépister. Ce qui garantissait non seulement un taux de positivité élevé, mais surtout un nombre de cas officiels bien plus bas que le nombre de cas réels. La France est passée de 5 000 tests par jour en mars à 90 000 après le confinement !

Comme le précise Le Monde, qui reprend une étude de l’institut Pasteur, moins d’un cas sur 10 était à l’époque comptabilisé. Invité au 20 Heures de France 2 ce 13 septembre, le professeur Gilbert Deray, chef du service néphrologie de la Pitié-Salpêtrière expliquait lui aussi qu’on “avait au moins 10 fois plus de cas [en mars et avril dernier] que maintenant”, soit 100 000 personnes contaminées chaque par le coronavirus, contre les 10 000 actuellement. Une différence entre chiffres réels et chiffres officiels qui explique que le nombre de décès soit actuellement bien loin de ce qu’il était au plus fort de la crise, malgré un nombre très élevé de contaminations.

L’autre explication réside dans la catégorie de personnes atteintes. “Le virus circule sans doute à un niveau élevé, mais la dynamique est aujourd’hui chez les plus jeunes : c’est pour ça qu’il y a relativement peu de cas graves. Les personnes les plus à risque, notamment les plus âgées, se protègent mieux”, affirme Ségolène Aymé, directrice de recherche émérite à l’Inserm, dans Le Monde. Entre le 1er mars et le 12 mai, 89% des décès liés au Covid sont survenus chez les plus de 65 ans.

Les passages en réanimation et les décès vont-ils augmenter ?

Personne ne peut prédire l’avenir, mais les passages en réanimation sont en hausse depuis plusieurs semaines. 128 personnes ont été admises dans ce service à cause du Covid-19 entre le 10 et le 16 août. Elles étaient 174 la semaine d’après et 210 la suivante. Entre le 31 août et le 6 septembre, 288 patients ont dû être placés en réanimation, selon Santé Publique France.

Par ailleurs, il faut prendre en compte le fait qu’il y ait un décalage entre le contact avec le virus, l’arrivée des symptômes et la dégradation de l’état de santé. “Il y a, en moyenne, environ trois à quatre semaines entre la contamination et le décès”, précise Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie des maladies infectieuses à l’université de Montpellier, dans Le Monde.

Le virus est-il moins agressif ?

Les spécialistes s’accordent à dire que le virus n’est pas moins virulent aujourd’hui qu’en mars. Il y a bien eu une mutation, comme l’explique notamment Éric Billy, chercheur en immuno-oncologie, puisque la souche initiale D614 s’est rapidement changée en G614. Mais cette transformation a eu lieu dès le mois de mars dans l’Hexagone, selon des données de la revue Cell.

Une information confirmée par Karine Lacombe, cheffe du service maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, sur France Inter le 24 août dernier. “L'histoire d'un virus qui serait moins transmissible ou moins grave est une histoire totalement construite, on n'en sait rien pour l'instant", expliquait-elle.

La France est-elle mieux préparée ?

Les connaissances sur la maladie ont beaucoup progressé depuis le début de l’épidémie. Et s’il n’y a pas encore de vaccin, la prise en charge des patients s’est améliorée. “Il y a certains symptômes sur lesquelles on peut agir. Maintenant, on sait beaucoup mieux prévenir les complications, notamment sur l’embolie pulmonaire”, nous précisait Gérald Kierzek, médecin urgentiste, chroniqueur chez LCI/TF1 et auteur de Coronavirus - Comment se protéger ? 50 questions-réponses, interrogé la semaine dernier.

“La mortalité pour les patients atteints de Covid-19 qui arrivent en réanimation a baissé de 50%. Il y a eu des progrès sur les anticoagulants, sur la façon dont on intube, on ventile…”, a par ailleurs affirmé Gilbert Deray, chef du service néphrologie de la Pitié-Salpêtrière sur France 2 ce 13 septembre.

“Nous sommes préparés. Nous avons plus de moyens qu'au printemps. [...] Nous avons des masques, nous avons des tests, nous avons des connaissances. Nous savons mieux soigner les patients”, expliquait pour sa part Denis Malvy, responsable de l'unité maladies tropicales au CHU de Bordeaux, auprès de France 3.

Des avancées certaines que Ségolène Aymé, directrice de recherche émérite à l’Inserm, a tout de même tempéré dans Le Monde, fin août : “on a fait des progrès dans la prise en charge des patients [...] , mais nous sommes incapables pour l’heure d’en mesurer les bénéfices précisément”.

Outre la prise en charge, c’est également la saturation des services hospitaliers qui reste à craindre. Dans les Bouches-du-Rhône, les trois quarts des lits dédiés au Covid-19 étaient déjà occupés le 8 septembre, selon France info.

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