Coronavirus: un million de tests par semaine, est-ce réalisable?

Plusieurs personnes attendant de passer un test PCR à Laval (Mayenne) le 17 juillet 2020. - Jean-François Monier
Plusieurs personnes attendant de passer un test PCR à Laval (Mayenne) le 17 juillet 2020. - Jean-François Monier

"Je me suis entretenu avec les laboratoires hier à qui j'ai fixé un objectif de monter à court terme à 1 million de tests par semaine." Lors d'une conférence de presse tenue jeudi passé de manière conjointe avec Jean Castex et Jean-Michel Blanquer depuis Matignon, le ministre de la Santé Olivier Véran a fait montre de sa volonté de poursuivre le dépistage du Covid-19 à grande échelle en France. La semaine dernière, 900.000 tests ont pu être effectués, ce qui constitue un record depuis le déconfinement, comme l'a annoncé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal dimanche. Pour rappel, un seuil de 700.000 dépistages hebdomadaires avait été fixé au sortir du confinement.

Le but est de "rendre disponibles les tests pour tous ceux qui le nécessitent et tous ceux qui le souhaitent. [...] C'est un effort de diagnostic et de dépistage sans précédent", a poursuivi le ministre, qui assure que ce chiffre "est juste le reflet de notre capacité effective à tester." Lors de son allocution, celui qui a remplacé Agnès Buzyn en février dernier a également souligné que les autorités sanitaires suivaient "attentivement les délais dans lesquels les résultats des tests sont rendus".

"Revoir les priorités"

Reste que cette demande d'Olivier Véran met les professionnels de santé dans l'embarras. Depuis maintenant plusieurs semaines, il n'est pas rare de voir, sur les trottoirs de Paris et de nombreuses villes en France, de longues files de patients qui attendent la possibilité de se faire tester, parfois sans succès. Certains affirment, sur notre antenne, avoir patienté plusieurs heures devant un cabinet médical avant de se faire éconduire.

"Aujourd’hui malheureusement on a un aspect technique qu’il faut souligner, nous sommes en demande de commandes de machines supplémentaires, de réactifs supplémentaires pour faire face à cette demande", explique François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes.

Lionel Barrand, président du Syndicat des jeunes biologistes, se montre pour sa part plus confiant: le chiffre avancé part Olivier Véran est effectivement atteignable, "on y est déjà quasiment", avance-t-il. Il faut en revanche revoir les priorités des personnes testées et "qu'on ait plus de machines".

"A la rentrée ça va exploser, on est à la limite au niveau du personnel et des machines. [...] Ça ne suffit pas si on dépasse nos capacités analytiques totales", aavertit-il.

"On teste un peu dans le vide"

Si les objectifs du gouvernement sont soumis à conditions, les autorités souhaitent elles aussi favoriser la priorisation des personnes testées. Devant les laboratoires, les patients sont présents pour de nombreuses raisons: un voyage à venir, la présence de symptômes ou bien juste pour se rassurer. Une situation qui interpelle.

"On teste un peu dans le vide", déplorait récemment l'infectiologue Eric Caumes auprès de l'Agence France-Presse (AFP), soulignant le coût pour la collectivité de ces centaines de milliers de tests.

"On ne cherche pas du tout à contrôler le virus dans ce pays", a critiqué jeudi sur Franceinfo l'épidémiologiste Catherine Hill, qui répète qu'il faut "tester massivement" des échantillons représentatifs de la population, pour savoir où se trouvent les porteurs asymptomatiques du virus, et non tester "ceux qui veulent bien se faire tester".

Elle suggère notamment de "tester très régulièrement" les salariés et les visiteurs des Ehpad.

Une étude de l'Imperial College de Londres, parue dans The Lancet, conclut aussi qu'il faudrait dépister avec une fréquence hebdomadaire les professionnels de santé et les personnes travaillant auprès de personnes fragiles, même en l'absence de symptômes, pour espérer contrôler l'épidémie de façon efficace.

Autre problème, en raison de la forte affluence dans les laboratoires, les résultats mettent de plus en plus de temps à parvenir. Un résultat plusieurs jours après les premiers symptômes, "ça ne sert plus à rien", juge Catherine Hill, car "la plupart des personnes contaminées ne sont pas contagieuses longtemps".

Vers de nouveaux types de tests?

Pour améliorer la situation, "il ne faut pas tout demander aux laboratoires", mais ouvrir d'autres points de dépistages dans des gymnases, des locaux, réclame François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB), ce coup-ci auprès de l'AFP.

L'Académie nationale de médecine recommande aussi "un réseau de laboratoires dédiés" pour le diagnostic rapide et "des équipes mobiles de dépistage", dotées "d'automates transportables" pour les foyers de contagion jugés critiques.

Autre piste: les tests salivaires, plus simples et indolores, réclamés par les associations de pédiatres qui mettent en garde contre les prélèvements dans le nez chez les enfants, dont ils questionnent l'intérêt et dont l'aspect désagréable risque d'entraîner "des refus des enfants et/ou des parents".

"Des études sont en cours" pour évaluer la fiabilité des "tests salivaires", qui pourraient "être demain des tests rapides, faciles", a assuré jeudi Olivier Véran. D'autres évaluations portent sur les tests oro-pharyngés qu'utilisent certains pays, où l'écouvillon est introduit par la bouche, a conclu Olivier Véran.

Article original publié sur BFMTV.com