Coronavirus: Les médecins de Lombardie dénoncent les failles du système de santé régional

CORONAVIRUS: LES MÉDECINS DE LOMBARDIE DÉNONCENT LES FAILLES DU SYSTÈME DE SANTÉ RÉGIONAL

par Crispian Balmer

ROME (Reuters) - Les médecins de Lombardie, la région d'Italie la plus touchée par l'épidémie de nouveau coronavirus, critiquent dans une lettre ouverte la gestion des autorités régionales et réclament que les leçons des erreurs commises lors de la crise et avant soient tirées par tout le monde.

L'Italie affiche le bilan officiel le plus élevé au monde avec plus de 16.500 morts du COVID-19, dont 55% dans la seule Lombardie. La région accumule aussi à elle seule 39% des 132.547 cas confirmés de contamination dans le pays.

Ce nombre de morts particulièrement élevé en Lombardie, la région la plus riche d'Italie, suscite des interrogations. Les responsables locaux ont avancé comme facteurs d'explication à la plus grave crise sanitaire qu'ait connue le pays depuis la Seconde Guerre mondiale à la fois la forte densité urbaine et une importante proportion de personnes âgées au sein de la population.

Dans une lettre, les médecins présidant les autorités sanitaires des 11 provinces composant la région pointent pour leur part des défaillances dans le système de soins lombard.

Parmi ces manquements, ils évoquent notamment une pénurie d'équipements de protection pour le personnel soignant, une source récurrente de récriminations depuis la découverte du premier patient atteint par le coronavirus en Italie le 21 février.

"Cela a été déterminant dans la mort de nombreux collègues, la maladie d'un nombre plus important d'entre eux et la propagation probable et involontaire de la maladie, particulièrement dans les premières phases de l'épidémie", écrivent les auteurs de cette lettre publiée sur le site internet de la Fédération nationale des médecins, chirurgiens et dentistes (FNOMCeO).

Les responsables lombards n'ont pas réagi dans l'immédiat à cette lettre.

Les médecins se plaignent plus généralement de "l'absence de stratégie" dans la gestion de la crise, du manque de données fiables et d'une capacité de tests limitée. Tout cela a contribué à ce que soit "énormément sous-estimé le nombre de patients et, dans une moindre mesure, le nombre de morts", écrivent-ils.

DES CENTAINES DE MORTS DANS LES MAISONS DE RETRAITE

Alors que la région voisine de Vénétie a entrepris des tests à grande échelle dans un foyer épidémique identifié, la Lombardie a seulement testé les personnes gravement malades lors de leur admission à l'hôpital, faute de capacités pour effectuer davantage de tests.

Les médecins lombards s'en prennent aussi au fonctionnement des maisons de retraite, où des personnes sont mortes sans même avoir été jamais testées. Ils font état dans la seule province de Bergame de 600 morts en un mois sur les 6.000 pensionnaires des établissements locaux.

Le ministère italien de la Santé a annoncé mardi l'envoi d'une commission d'enquête dans la plus grande maison de retraite de Milan, Pio Albergo Trivulzio, où plus de 100 personnes sont mortes depuis début mars.

Le journal La Repubblica a publié en "une" mardi une photo montrant neuf corps dans la morgue de l'établissement tandis que sur un autre cliché, on peut voir la chapelle remplie de cercueils.

Giulio Gallera, le "ministre" de la Santé de la Lombardie, a démenti les affirmations de médias selon lesquelles la région a autorisé des hôpitaux à transférer des patients contaminés dans des maisons de retraite médicalisées, sans protection adéquate, afin de libérer de la place dans les établissements de santé.

"Nous avons toujours agi pour le bien de tout le monde dans une situation d'urgence extraordinaire et nous ne laisserons personne jeter la calomnie sur le travail sérieux, rigoureux que nous avons accompli", a-t-il écrit sur Facebook sans faire mention de la lettre des responsables médicaux des provinces de la région.

Alors que le système de santé est décentralisé en Italie, la Lombardie s'est efforcée de développer des partenariats entre public et privé sur des hôpitaux de pointe, une politique qui, selon ses détracteurs, s'est faite aux dépens de la médecine de base.

"La santé publique et la médecine territoriale ont été depuis de nombreuses années négligées et affaiblies dans notre région", écrivent les médecins dans leur lettre.

(Elvira Pollina et James Mackenzie à Milan; version française Bertrand Boucey)