Coronavirus : les Indiens obligés d'installer l'application de traçage, sous peine de licenciement ou d'emprisonnement

L'application de traçage Aarogya Setu est utilisée par près de 100 millions de personnes en Inde (REUTERS/Adnan Abidi/Illustration)

Officiellement déployée en Inde sur la base du volontariat, l’application Aarogya Setu, qui permet un traçage des personnes atteintes de la Covid-19, serait dans les faits rendue obligatoire par plusieurs types de contraintes.

Alors qu’en France, le débat fait rage autour des conditions de lancement de StopCovid, l’application imaginée par les pouvoirs publics pour permettre un suivi des personnes ayant contracté le coronavirus, d’autres pays se sont lancés sans retenue dans le traçage de la population en cette période de pandémie.

Ainsi, en Inde, l’outil équivalent, baptisé Aarogya Setu (“un pont pour la santé” en hindi), déployé il y a moins de deux mois, est devenu l’application la plus rapide à atteindre les 50 millions de téléchargements. Au total, cet outil compterait aujourd’hui près de 100 millions d’utilisateurs.

Une application déployée sur la base du volontariat, mais...

Selon une enquête du Massachusets Institute of Technology (MIT), cette large diffusion de l’appli de traçage anti-Covid-19 dans le deuxième pays le plus peuplé au monde (1,35 milliard d’habitants en 2018 d’après la Banque Mondiale) ne serait cependant pas due à une adhésion de la population.

Si Aarogya Setu a été lancée sur la base du volontariat, de nombreuses contraintes pèseraient en effet sur les citoyens pour qu’ils l’installent. Pour les employés de la fonction publique, il s’agirait ainsi d’une obligation, tandis que dans le secteur privé, de nombreux employeurs exigent que leurs salariés aient l’application sur leur smartphone, les menaçant de licenciement en cas de refus.

Une amende et six mois de prison pour ceux qui refusent de la télécharger

Dans la ville de Noida (plus de 700 000 habitants), les personnes refusant d’installer la fameuse application s’exposent même à une amende de 1000 roupies (environ 12 euros, le salaire moyen en Inde étant d’environ 400 euros par mois) et à six mois de prison.

“Si la personne la télécharge immédiatement, nous la laissons partir, explique un policier cité par The Indian Express. Nous faisons cela pour que les gens prennent les ordres au sérieux et téléchargent l’application. Mais s’ils ne le font toujours pas après des avertissements répétés, nous prenons des mesures en conséquence.”

“Il y a là une violation des droits de l'homme qui n'est pas justifiée”

Alors que le MIT a lancé un outil pour “tracer les applications de traçage”, l’institut américain considère que l’Inde est “actuellement la seule nation démocratique au monde à rendre son appli de traçage du coronavirus obligatoire pour des millions de personnes”, faisant ainsi écho aux inquiétudes exprimées par plusieurs députés indiens d’opposition.

“Il y a là une violation des droits de l'homme qui n'est pas justifiée, explique Estelle Massé, analyste politique pour l’ONG Access Now, qui s’intéresse aux questions relatives aux libertés individuelles à l’ère du numérique. Il y a un vrai risque d'initier un outil qui pourra être réutilisé pour la surveillance de masse après la pandémie.” D’autant plus facilement, donc, que cet outil aura été imposé à une part conséquente de la population.