Emmanuel Macron positif au Covid-19 : la santé des présidents de la République, un secret bien gardé

Emmanuel Macron, positif au Covid-19, a promis d'être transparent sur sa santé. Le sera-t-il vraiment, alors que ce sujet est toujours resté secret, voire tabou, chez ses prédécesseurs ?
Emmanuel Macron, positif au Covid-19, a promis d'être transparent sur sa santé. Le sera-t-il vraiment, alors que ce sujet est toujours resté secret, voire tabou, chez ses prédécesseurs ?

Emmanuel Macron, testé positif au Covid-19, a promis de tenir les Français informés de l’évolution de sa santé. Pourtant, la transparence sur ce sujet est loin d’être une tradition chez les présidents de la République.

C’est rapidement devenu l’information de la journée. Jeudi 17 décembre, l’Élysée a prévenu, dans un communiqué, qu’Emmanuel Macron avait été testé positif au coronavirus. Rapidement, comme il est demandé à tous les Français dans le même cas que lui, le chef de l’État s’est mis à l’isolement et la liste de ses cas contacts a été dressée.

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Le jour même, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, assurait sur BFM TV que “la transparence sera[it] la règle” concernant la santé du président de la République. Preuve de sa bonne foi, il expliquait d’ailleurs qu’Emmanuel Macron soufrait de “symptômes réels : une toux et une fatigue importantes”. L’Élysée a ajouté, de son côté, que le chef de l’État était également fiévreux. Dans une vidéo publiée sur Twitter ce vendredi 18 décembre, Emmanuel Macron lui-même a confié souffrir “de maux de tête, de fatigue et de toux sèche”, et affirmé qu’il “rendrait compte, chaque jours, de l’évolution de la maladie”.

Gagner en humanité

S’il joue vraiment le jeu de la transparence, Emmanuel Macron pourrait tirer parti de cette maladie, à condition, bien sûr, qu’il ne développe pas une forme sévère. “Du strict point de vue de la communication, le Covid-19 est une occasion de montrer qu’il est transparent et donc différent des présidents précédents, qu’il est moderne”, commente Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po Paris et auteur de la BD Le Président. “Ça peut lui faire gagner en humanité, en proximité avec les gens”, poursuit-il.

Mais jusqu’ici, la transparence n’a pas vraiment été de mise au sujet de la santé des présidents de la République en France. Loin s’en faut. Car un chef de l’État malade pousse à s’interroger sur sa capacité à gérer un pays. “Un président ne veut pas que se pose la question ‘qui pourrait prendre la relève ?’, car ça diminue son autorité et ça projette les Français dans un avenir où il n’est plus là”, décrypte Philippe Moreau-Chevrolet. Nombreux sont ceux à avoir, donc, préféré entretenir le secret sur leur état de santé.

Pas d’information jusqu’au décès de Pompidou

Ce fut notamment le cas de Georges Pompidou. Quelques jours après sa prise de fonction comme président de la République en 1969, il a appris qu’il souffrait de la maladie de Waldenström - à l’époque pas clairement diagnostiquée comme telle - une forme de cancer du sang. Mais son état de santé a toujours été caché aux Français et même aux membres du gouvernement. Seuls quelques proches conseillers et ministres étaient au courant. Et ce malgré son corps transformé et son visage bouffi par les traitements.

Comme le rappelle Libération, des rumeurs ont commencé à courir sur le sujet à partir de 1972. Et cela a même commencé à se voir : en décembre de cette même année, il n’a fait qu’une simple apparition à l’arbre de Noël de l’Elysée. Quelques semaines après, tout début janvier, il est resté assis pour les vœux à la presse et en février, il n’a pas pu présider un Conseil des ministres, retrace le quotidien.

Son état s’est encore dégradé à l’hiver 1973, période à partir de laquelle il était sous surveillance médicale constante. Et pourtant, là encore, rien n’a fuité. Les informations officielles faisaient état de “grippes à rechute”. George Pompidou a même annoncé qu’il envisageait de se présenter à la présidentielle de 1976. Il n’arrivera en fait même pas au bout de son mandat. S’il a bien confié à ses ministres, quelques semaines avant son décès : “Je passe par des moments bien difficiles. [...] Tout ça finira bien. Enfin, on verra…”, selon Le Parisien, aucune déclaration officielle n’a jamais été faite sur son état de santé, hormis le bulletin annonçant sa mort, le 2 avril 1974.

VIDÉO - E. Macron positif au covid-19 : le président avait promis de la "transparence" sur son état de santé

Mitterrand et son cancer bien caché

Les successeurs de George Pompidou ont promis plus de transparence sur le sujet. Une promesse pas toujours respectée. Ce fut notamment le cas de François Mitterrand, à qui un cancer de la prostate a été diagnostiqué en novembre 1981, soit seulement six mois après son arrivée à l’Élysée. Le président a choisi de garder son état de santé sous silence, comme l’a par la suite révélé son médecin. “C'est un secret d'État. Et vous êtes lié par ce secret”, lui aurait enjoint François Mitterrand, comme le rapporte La Croix.

Un traitement est parvenu à faire reculer la maladie un temps. Mais, au tout début des années 1990, le président de la République a fait une rechute. Il a alors effectué des examens dans le plus grand secret - avec des prélèvements sous pseudonyme - et suivi un traitement bien caché. Entre temps, en 1982, toujours selon le docteur Claude Gubler, le socialiste a fait une embolie pulmonaire lors d’un déplacement en Allemagne. Après une intervention de son médecin pendant la nuit, il a pu réapparaître comme si de rien n’était.

Durant plus de 10 ans, des bulletins de santé tronqués ont été publiés. Finalement, le cancer du chef de l’État a été rendu public après sa première opération, en 1992. Il a dû en subir une deuxième en 1994. Preuve que la santé des présidents a toujours été un grand tabou, le livre du docteur Gubler, intitulé Le Grand Secret et publié en 1996, quelques jours après le décès de François Mitterrand, a été interdit pendant près de neuf ans, rappelle Le Monde.

Jacques Chirac, quant à lui, a tout bonnement refusé la publication de ses bulletins de santé, invoquant le respect de la vie privée, et arguant que ces bulletins n’avaient de toute façon pas empêché ses prédécesseurs de mentir, précise Le Monde. Il a d’ailleurs toujours nié vivement avoir des problèmes de santé, même le fait de porter un appareil auditif !

Mise en scène du corps et de la bonne santé

Et si le rôle de président de la République a évolué sur certains aspects, le corps et la santé n’en font pas partie. Les chefs de l’État français de ces dernières années “se vendent comme des surhommes à l’opinion, ils doivent paraître en forme, incarner la santé”, détaille le professeur de communication politique. Nicolas Sarkozy est par exemple le premier à s’être mis en scène en train de courir et de faire du vélo. François Hollande a entamé un régime pendant la campagne de 2012. Emmanuel Macron se bat pour être perçu comme un président “jeune, énergique, en mouvement”, poursuit-il. “La mise en scène du corps, de la forme, du sport, c’est devenu très important pour les présidents”, conclut le spécialiste.

Ce qui explique notamment que Nicolas Sarkozy, dans la même veine que ses prédécesseurs, est parfois resté opaque sur le sujet de sa santé. Ce n’est qu’en janvier 2008, dans un livre portant sur son ex-femme, Cécilia Attias, qu’a été révélé une opération de la gorge pour traiter un abcès, qu’il a subie en octobre 2007. À l’époque, pour justifié le silence sur ce sujet, le conseiller du président, Henri Guaino, l’avait qualifié de “parfaitement anecdotique”, rappelle Libération.

Durant l’été 2009, il a été hospitalisé à la suite d’un malaise au cours d’un jogging. Pourtant, quelques jours avant, son bulletin de santé - une promesse de campagne ! - avait été publié, précisant que Nicolas Sarkozy avait réalisé des examens cardio-vasculaires et que les résultats étaient bons, précisait à l’époque le quotidien. La version officielle était celle du simple malaise vagal.

Si la santé des président reste toujours un secret bien gardée, “les Français attendent la vérité, la transparence”, commente Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique. Reste à savoir s’ils seront entendus par Emmanuel Macron.

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