Quand la crise sanitaire gèle leur projet bébé

(Crédit photo : Getty Images)
(Crédit photo : Getty Images)

Lors du premier confinement, les observateurs prédisaient qu’un baby-boom serait probablement une conséquence de l’enfermement des couples au sein du domicile. En réalité, avec les mois de recul dont nous bénéficions aujourd’hui, il semble qu’aux États-Unis comme en France, les projets d’agrandissement de famille aient été le cadet des soucis des ménages.

À New York, le centre de fertilité Langone a vu les demandes de congélation des ovocytes augmenter de 41% en comparaison avec la même période l’année précédente. Ce chiffre serait probablement plus élevé sans les trois mois de fermeture du centre à cause de la pandémie. Le directeur de l’établissement, James A. Grifo, a une explication simple à cet attrait pour la congélation d’ovocytes. Pour lui, alors que les temps sont plus incertains que jamais, cette dernière serait une manière de reprendre le contrôle sur quelque chose : "Une grande quantité de femmes ont peur de tomber enceintes maintenant. Mais elles veulent aussi faire quelque chose pour protéger leur fertilité, et ne pas perdre un temps précieux. Donc congeler ses œufs est une manière de dire : ‘Bon, je ne peux pas tomber enceinte maintenant. J’ai peur du virus mais je vais quand même faire quelque chose’."

VIDÉO - Florence s’est fait retirer l’utérus, elle nous raconte les conséquences de cette opération :

Une étude du mois de juin de la the London School of Economics and Political Science rapporte que les effets de la pandémie de Covid-19 a bien eu des effets négatifs sur la fertilité dans différents pays dont la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Plus de 50% des personnes ayant répondu à cette étude – en France, Allemagne et Espagne – ont précisé qu’elles avaient prévu de repousser leurs plans de faire un enfant. Francesca Luppi, Bruno Arpino et Alessandro Rosina, co-auteurs de l’enquête, concluent : "Une des conséquences de cette urgence sanitaire a été l’une des plus sévères crises financières du siècle, des événements pareils sont toujours suivis par un déclin de la fertilité."

“Comme pour tout le reste, c’est une question d’attente et de patience”

Nina a 36 ans, et avait prévu de commencer un parcours de PMA en 2020. Elle a finalement décidé de modifier ses plans et de faire congeler ses ovocytes pour se donner le temps d’attendre que la situation se tasse avant de se faire inséminer : "Comme pour tout le reste, c’est une question d’attente et de patience. Je suis décidée à faire un bébé toute seule mais je ne veux pas le faire dans n’importe quelles conditions. Et je ne veux pas entamer des démarches qui vont s’annuler d’elles-mêmes si on ne peut pas voyager par exemple. J’ai choisi d’attendre un peu plus mais dès que les conditions seront plus favorables, je reprendrais mes projets."

VIDÉO - Illana Wizman lève le tabou sur le post-partum : “C’est une période complètement invisibilisée”

“Ça m’évite de penser que chaque jour est un jour de perdu pour mes projets”

Anne, elle, a 39 ans et a fait le même choix que Nina mais pour des raisons légèrement différentes : "J’ai toujours imaginé que je ferais la rencontre d’un mec bien et que nous aurions un jour un enfant. Un truc de film ou de publicité où tout se passe parfaitement. Mais je n’ai personne dans ma vie actuellement et les rencontres ne sont pas facilitées par la situation. Oui, je pourrais faire du tout virtuel ou espérer gagner au loto des rencontres. Mais je suis attachée à mes habitudes, à aller boire un verre ou aller au restau avec un type qui me plait pour savoir si il n’y aurait pas un peu plus entre nous. Tout ça s’est stoppé net. Et je sais que de mon côté, dans mon corps, ce n’est pas le cas. J’avais besoin de gagner du temps alors j’ai décidé de faire congeler mes œufs. Comme ça, si cette rencontre a lieu dans un an, ou dans trois, au moins je sais qu’il me reste cette carte à jouer. Ça m’évite de penser, chaque jour qui passe, que c’est un jour de perdu pour mes projets à venir."

“On met toutes les chances de notre côté pour la suite”

Manon et son compagnon Alex ont fait le choix ensemble : "On ne sait pas de quoi demain sera fait, si on aura encore du travail dans un mois ou dans un an ou si la situation sanitaire va vraiment s’améliorer, ce serait dingue de faire un enfant maintenant. C’est pour ça qu’on a opté pour la congélation. On sait qu’on veut des enfants ensemble, on ne sait juste pas quand ce sera possible. J’ai vu mon médecin il y a quelques semaines pour qu’il m’oriente dans ma démarche mais je fais tout ça dans le cadre d’un projet de couple. J’ai l’impression qu’on n’a pas le choix et que c’est la meilleure chose à faire. De cette manière, on met toutes les chances de notre côté pour la suite, quand ça ira mieux dans le monde, dans notre pays et dans nos vies."

Pour ces trois femmes et pour beaucoup d’autres, la pandémie a eu pour conséquence de geler leurs projets de maternité. Avec la congélation d’ovocytes, elles s’offrent un peu de sérénité de ce côté et s’assurent d’avoir plus tard des opportunités même si la situation met du temps à se stabiliser.

Ce contenu peut aussi vous intéresser :

À lire aussi :

>> On leur a fait "un point du mari" sans leur consentement

>> "J'ai avorté à trois reprises et j'essaie de faire la paix avec mon utérus"

>> Ils ont décidé d'avoir un enfant sans vivre ensemble