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Corée du Nord : la loi interdisant d'avoir un chien existe-t-elle vraiment ?

Kim Jong-Un aurait fait passer une loi interdisant aux habitants de Pyongyang d'avoir un chien. Mais il pourrait s'agir d'une fausse rumeur.
Kim Jong-Un aurait fait passer une loi interdisant aux habitants de Pyongyang d'avoir un chien. Mais il pourrait s'agir d'une fausse rumeur.

Selon de nombreux médias, Kim Jong-Un aurait interdit aux habitants de Pyongyang d’avoir un chien comme animal de compagnie et ordonné aux maîtres de s’en débarrasser. Il pourrait s’agir d’une fausse rumeur.

L’information a été reprise dans de nombreux médias internationaux : le dictateur coréen Kim Jong-un aurait fait passer une loi obligeant tous les propriétaires de chiens de la capitale à se débarrasser de leurs animaux à quatre pattes en les confiant à des zoos ou, pire, aux restaurants pour qu’ils soient mangés. Selon le média sud-coréen Chosun Ilbo qui a rapporté la nouvelle, l’argument avancé par Kim Jong-un pour motiver sa décision est que posséder un chien symbolise une “tendance corrompue de l’idéologie bourgeoise”.

Pour Juliette Morillot, spécialiste des deux Corées et auteure de Le monde selon Kim Jong-un, la réalité est sans doute bien différente et beaucoup d’indices montrent que cette annonce ressemble fort à une fake news.

Le chien, un plat très consommé en août

“En Corée du Nord comme du Sud, il est traditionnel de manger du chien”, entame-t-elle. Ce plat est particulièrement prisé durant trois jours du début du mois d’août, pendant lesquels il fait très chaud. “Le chien permet de faire transpirer, et d’abaisser ainsi la température du corps”, rapporte Juliette Morillot. On lui prête aussi la capacité d’améliorer les performances sexuelles des hommes.

En Corée du Sud, le rapport au chien a changé ces dernières décennies. En 1988, année où le pays a accueilli les jeux olympiques, les restaurants de chiens, qui avaient jusque-là pignon sur rue, sont devenus plus anonymes. Par la suite, la plupart des élevages ont fermé, les marchés ont été interdits et, à partir des années 2000, les Sud-Coréens ont commencé à avoir des canidés comme animaux de compagnie, retrace la spécialiste.

En Corée du Nord, la tradition autour de la viande de chien s’est maintenue, avec cette idée d’un plat aux vertus médicinales. Des restaurants spécialisés sont ouverts toute l’année, même si c’est donc plutôt au mois d’août que ce plat est consommé.

Signe extérieur de richesse

Pour autant, “à partir des années 2005-2006, j’ai commencé à voir des chiens de compagnie à Pyongyang”, nous décrit la spécialiste, qui s’est très souvent rendue dans le pays. Et pas n’importe lesquels : “des chiens chics, toilettés, portant des colliers avec des strass”, poursuit Juliette Morillot.

Les propriétaires sont souvent de “la nouvelle génération, travaillent dans le commerce et ont de l’argent”, nous explique-t-elle. Il s’agit là d’un signe de statut social. Mais cette tendance reste très largement à la marge dans les grandes villes, où les gens ont déjà à peine de quoi se nourrir eux-mêmes.

À la campagne, en revanche, les chiens sont plus présents et n’ont pas forcément de lien avec le statut social. Ils accompagnent leurs maîtres aux champs, à la chasse, jouent avec les enfants et protègent la maison.

Aucun intérêt à se mettre une élite à dos

Certes, comme l’avance le quotidien Chosun Ilbo, avoir un chien juste pour le prestige est considéré “comme un symbole bourgeois” et le gouvernement “donne de temps en temps des directives pour éviter les modes de vie bourgeois”, nous explique Juliette Morillot. Cependant, pour elle, Kim Jong-un “ne se mettrait pas à dos cette élite en interdisant les chiens de compagnie”, qui ne sont d’ailleurs pas particulièrement propices à la consommation. Ce sont les chiens d’élevage, appelés chiens jaunes, qui sont destinés à être mangés. “Il s’agit de races particulières”, qui sont généralement élevées dans des fermes à cet effet, précise la spécialiste.

Par ailleurs, pour elle, si Kim Jong-un avait pris une telle décision, “ça aurait été annoncé dans tous les journaux nord-coréens et dans l’organe de presse du parti” puisqu’il s’agit d’une loi sur la vie quotidienne, poursuit-elle. Or, aucune de ses sources sur place ne lui a confirmé l’interdiction d’avoir un chien qui aurait, selon le Chosun Ilbo, été mise en place fin juillet.

D’autre part, si des activistes ont relayé la nouvelle, ça n’a pas été le cas du Daily NK, qui n’hésite pourtant habituellement pas à critiquer la Corée du Nord, mais “de manière objective, avec des analyses”, précise Juliette Morillot. À l’inverse, le Chosun Ilbo, qui a dévoilé l’information, avait également été parmi les premiers à relayer l’histoire de l’éventuelle maladie - voire du décès - de Kim Jong-un il y a quelques mois, avant que le dictateur nord-coréen ne refasse son apparition comme si de rien n’était. Autant d’indices qui lui font penser que cette loi n’a pas vu le jour.

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