Corée du Nord: Un texte atténué soumis ce lundi au Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité des Nations unies s'apprête à voter lundi après-midi sur une résolution préparée par les Etats-Unis en vue d'imposer de nouvelles sanctions à la Corée du Nord, ont confirmé des diplomates. /Photo prise le 29 août 2017/REUTERS/Andrew Kelly

par Michelle Nichols NATIONS UNIES (Reuters) - Le Conseil de sécurité des Nations unies s'apprête à voter lundi après-midi sur une résolution préparée par les Etats-Unis en vue d'imposer de nouvelles sanctions à la Corée du Nord, ont confirmé des diplomates. La position de la Russie et de la Chine sur ce projet de résolution, à la portée atténuée lors des négociations menées au siège new-yorkais des Nations unies, reste incertaine. Un veto d'un des deux membres permanents enterrerait le texte préparé en réaction au dernier essai nucléaire du régime, le 3 septembre (1). De source diplomatique, on rapporte que le texte a été atténué ces derniers jours dans l'objectif de rallier les votes russe et chinois. Mais Pyongyang a prévenu lundi les Etats-Unis qu'ils paieraient le prix de leur initiative à l'Onu en faveur de sanctions supplémentaires. Dans une déclaration reprise par l'agence officielle de presse KCNA, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères dénonce la "frénésie" de Washington qu'il accuse de manipuler le Conseil de sécurité. "Dans l'éventualité où les Etats-Unis finiraient par fabriquer une 'résolution' illégale et injustifiée sur des sanctions accrues, la RPDC veillera fermement à ce qu'ils en paient le prix exigible", souligne le ministère. "Le monde verra comment la RPDC mate les gangsters américains en mettant en oeuvre une série d'initiatives plus dures que ce qu'ils ont jamais envisagé", poursuit-il. Dans sa version initiale, préparée par les Etats-Unis à la suite de l'essai nucléaire nord-coréen du 3 septembre, il prévoyait entre autres un embargo pétrolier, une suspension des exportations textiles nord-coréennes et un gel des avoirs ainsi qu'une interdiction de déplacement de Kim Kong-un. PLAFONNER LES IMPORTATIONS DE BRUT ? La nouvelle version, que Reuters a pu consulter dimanche soir, ne réclame plus un embargo sur le pétrole. Les importations nord-coréennes de produits pétroliers raffinés seraient en revanche plafonnées à deux millions de barils par an, les importations de pétrole brut seraient pour leur part plafonnées à leur niveaux actuels. Le texte fixe aussi des limites aux exportations vers la République populaire démocratique de Corée de condensats de gaz et de gaz naturel liquéfié. Avec 500.000 tonnes par an, selon des chiffres des autorités sud-coréennes, la Chine fournit la quasi-totalité du pétrole brut acheminé vers la RPDC. La Corée du Nord importe aussi de Chine 200.000 tonnes de produits pétroliers chaque année, d'après des données de l'Onu. Les exportations de brut russe vers Pyongyang représentent environ 40.000 tonnes par an. A Pékin, le ministère des Affaires étrangères a formé l'espoir qu'un consensus pourrait être trouvé parmi les membres du Conseil de sécurité. S'exprimant lors du point de presse quotidien, le porte-parole du ministère a souligné que la direction chinoise convenait que l'essai nucléaire du 3 septembre appelait une réponse nécessaire. Geng Shuang a ajouté que l'objectif d'une dénucléarisation de la Corée ne pourrait être obtenu que par des moyens pacifiques et diplomatiques. TEXTILE ET TRAVAILLEURS EXPATRIÉS De même, la dernière version connue du projet de résolution ne propose plus de placer Kim Jong-un sur une liste noire. Des quatre autres responsables nord-coréens initialement visés, un seul reste concerné. La compagnie aérienne Air Koryo, contrôlée par l'armée, ne ferait plus l'objet d'un gel de ses avoirs. Le projet retient en revanche une interdiction sur les exportations nord-coréennes de produits textiles, deuxième secteur d'exportation de l'économie de la RPDC en 2016 derrière le charbon et les minerais. D'après des données de la KOTRA, une agence gouvernementale sud-coréenne, les exportations de textile ont représenté en 2016 quelque 750 millions de dollars. La Chine en a absorbé près des quatre cinquièmes. Quant aux travailleurs nord-coréens détachés à l'étranger, l'idée n'est plus d'interdire tout embauche et tout paiement de ressortissants nord-coréens à l'étranger, mais de les soumettre à autorisation d'une commission du Conseil de sécurité. Cette disposition n'aurait pas d'effet rétroactif, à condition que le Nord soumette d'ici le 15 décembre au Conseil de sécurité une liste des Nord-Coréens déjà sous contrat à l'étranger, avec indication de la fin de leur engagement. Il y aurait, selon des sources diplomatiques, entre 60.000 et 100.000 Nord-Coréens travaillant à l'étranger. Une enquête des Nations unies publiée en 2015 a accusé le régime nord-coréen d'obliger quelque 50.000 ressortissants à travailler à l'étranger, principalement en Chine et en Russie, afin de récupérer des devises. Ces expatriés rapporteraient entre 1,2 et 2,3 milliards de dollars par an de recettes à l'Etat nord-coréen. Depuis 2006, le Conseil de sécurité a adopté huit trains de sanctions contre la Corée du Nord pour la dissuader de poursuivre le développement de ses programmes d'armement nucléaire et de missiles balistiques. La dernière résolution en date remonte au 5 août dernier. Adoptée à l'unanimité à la suite de deux tirs de missiles balistiques intercontinentaux intervenus en juillet, cette résolution 2371 interdit les exportations nord-coréennes de charbon, de fer, de minerai de fer, de plomb, de minerai de plomb et de produits de la mer et vise à réduire de 3 à 2 milliards de dollars les revenus annuels que la RPDC tire de ses exportations. Elle plafonne aussi à son niveau actuel le nombre de travailleurs expatriés nord-coréens. (1) Pour être adoptée, une résolution doit obtenir les voix d'au moins neuf des 15 membres du Conseil de sécurité et éviter un veto de l'un de ses cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne). (avec Jack Kim à Séoul et Philip Wen à Pékin; Jean-Stéphane Brosse, Julie Carriat et Henri-Pierre André pour le service français)