Contre le narcotrafic, ce que prévoit de faire le gouvernement de Michel Barnier
Après des drames à Poitiers et Rennes, le Premier ministre veut un plan contre la criminalité organisée. Didier Migaud et Bruno Retailleau l’ont présenté.
POLITIQUE - Un programme en deux temps. Didier Migaud et Bruno Retailleau, les ministres de la Justice et de l’Intérieur, ont dévoilé ce vendredi 8 novembre depuis Marseille les grandes lignes du plan du gouvernement Barnier contre le narcotrafic. C’est « une menace » qui « sape les fondements de notre République », ont insisté les deux ministres.
« La lutte contre le narcotrafic exige autre chose que des formules toutes prêtes » - TRIBUNE
Le plan contre la criminalité organisée se fera en deux temps. Sur le long terme, le gouvernement soutiendra la proposition de loi transpartisane issue du dernier rapport du Sénat sur le narcotrafic. L’examen, prévu au Palais du Luxembourg à partir du 27 janvier 2025, se fera en procédure accélérée - une seule lecture par chambre -, a indiqué Bruno Retailleau, ancien sénateur et à l’origine de la mission d’information sur le sujet.
Mais « ce vecteur législatif n’épuise pas toute la lutte contre cette pieuvre », a estimé le ministre. D’autres mesures à mettre en application sur le court terme ont donc été dévoilées, principalement sur le volet judiciaire.
· Moyens renforcés et agents de liaison à Bogota
Le Garde des Sceaux a annoncé la mise en place « dans les prochaines semaines » d’une cellule de coordination nationale « chargée de dresser un état de la menace, fixer une stratégie opérationnelle et de la mettre en œuvre ».
En parallèle, les moyens humains seront renforcés dans plusieurs secteurs. Ce sera le cas pour les équipes du parquet de Paris qui travaillent sur la lutte contre la criminalité organisée au niveau national, avec un renfort de 40 % et cinq postes de juges supplémentaires seront également créés dans la capitale. Hors du territoire national, le gouvernement compte déployer un magistrat de liaison à Bogota en Colombie, premier maillon de la chaîne de trafic de cocaïne notamment.
Bruno Retailleau a aussi annoncé une « nouvelle organisation administrative » touchant à l’OFAST, « fondamental sur un rôle de pilotage, de coordination, d’enquête et d’investigation ». Des moyens supplémentaires seront alloués aux 24 antennes de l’office de lutte contre le trafic de stupéfiants.
· Un parquet national spécialisé
La création d’un parquet national contre la criminalité organisée (et non pas contre les stupéfiants, comme évoqué dans le rapport sénatorial) a aussi été confirmée. Mais en attendant le feu vert indispensable du Parlement sur ce point, Didier Migaud a promis que « sa main ne tremblera pas » pour mobiliser d’autres moyens à sa disposition.
La transmission d’information entre les juridictions sera « obligatoire », a-t-il fait savoir, déplorant le manque de coordination et de centralisation de l’information entre les différentes équipes mobilisées. Il s’est aussi dit favorable à la création de cours d’assises spéciales, composées uniquement de magistrats professionnels, pour les « crimes en bande organisée » liés notamment aux stupéfiants. Recourir uniquement à des magistrats professionnels plutôt qu’aux jurys populaires qui composent normalement les cours d’assises « permettrait d’éloigner le risque de pression exercée sur les jurés en vue d’orienter la décision judiciaire finale ».
Bruno Retailleau et Didier Migaud ont aussi présenté plusieurs mesures visant à faciliter les enquêtes : une évolution du statut du repenti, « mieux protéger les enquêteurs au contact d’informateurs », la possibilité d’utiliser une identité d’emprunt numérique…
· Nouveau cadre dans les prisons
Une partie de l’intervention du Garde des Sceaux a aussi été consacrée à des changements d’organisation dans les prisons pour « ne pas faire de la détention une caisse de résonance des réseaux criminels comme ça l’est parfois ». Il a donc plaidé pour la création de « quartiers spécifiques pour empêcher la poursuite de l’activité criminelle en prison », un recensement des établissements pénitentiaires les plus à même d’accueillir les détenus de la criminalité organisée et l’instauration d’un « dispositif de détection fine des profils des détenus du haut du spectre ».
· Frapper au portefeuille
Enfin, les deux ministres ont plaidé pour des mesures permettant de toucher aux ressources des trafiquants, avec des « mesures spécifiques » pour les mineurs qui occupent le plus souvent le bas de l’échelle du trafic (guetteurs, livreurs, etc).
Possibilité de fermeture par le préfet des commerces soupçonnés de participer au blanchiment, obligation d’ouvrir une enquête patrimoniale dans les enquêtes liées au trafic de stupéfiants, création d’une procédure administrative d’urgence de gel des avoirs… Le ministre de l’Intérieur s’est aussi prononcé pour « couper les aides sociales » et « expulser de son logement le délinquant qui trafique ». « Il faut que le voyou qui roule en grosse cylindrée puise s’expliquer sur son financement », a-t-il tancé.
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