Contre le narcotrafic, Bruno Retailleau veut s’inspirer de ce rapport du Sénat

Bruno Retailleau sur le banc des ministres au Sénat le 2 octobre 2024.
THOMAS SAMSON / AFP Bruno Retailleau sur le banc des ministres au Sénat le 2 octobre 2024.

POLITIQUE - La part belle aux (ex) collègues. Désormais ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau mise sur la lutte contre le narcotrafic comme un moyen de « rétablir l’ordre ». Et pour ce faire, il entend s’appuyer sur un rapport sénatorial rendu fin mars et qui étrillait à l’époque la politique menée par Gérald Darmanin.

Fusillade à Poitiers : Bruno Retailleau accusé par Manuel Bompard d’avoir « inventé une rixe qui n’a pas eu lieu »

Contre le trafic de stupéfiants, « il nous faut un arsenal législatif nouveau » a redit Bruno Retailleau le 1er novembre. Le ministre s’exprimait en marge d’un déplacement à Rennes, où un enfant a été tué fin octobre sur fond de trafic de drogue. Ce samedi 2 novembre, un adolescent de 15 ans a succombé à ses blessures, après la fusillade à Poitiers qui a fait plusieurs blessés, tous mineurs, là encore sur des soupçons de narcotrafic.

Estimant que la France est « à un point de bascule », l’ancien sénateur de Vendée a cité plusieurs volets de lutte à mener de front, de l’amélioration des services de renseignements à la lutte contre « la corruption qui s’étend dans diverses administrations » et la création d’un parquet national spécialisé. Soit exactement les préconisations d’une commission d’enquête du Sénat au printemps dernier.

Un parquet spécialisé comme pour le terrorisme

En mai 2024, les sénateurs Jérôme Durain (socialiste) et Étienne Blanc (LR) cosignaient un rapport appelant à « un nécessaire sursaut » pour « sortir du piège du narcotrafic ». Dressant le constat d’une France « submergée », des grandes métropoles aux zones rurales en passant par les villes moyennes, ils alertaient sur « des failles béantes » dans le dispositif répressif.

Parmi les points décriés, les Opérations Place Nette de Gérald Darmanin au « bilan décevant » et qui s’apparentent à « vider l’océan à la petite cuillère », « l’abandon » des territoires d’Outre-mer où transite la drogue en provenance du continent américain, le manque de moyens techniques pour les investigations, les failles juridiques ou encore l’absence d’une stratégie coordonnée pour lutter contre les « flux financiers » issus du trafic qui constituent pourtant « le nerf de la guerre. » Enfin, les sénateurs déploraient « l’éparpillement » des acteurs. « On s’est parfois demandé si l’Europe avait un numéro de téléphone : la commission d’enquête se demande désormais si la lutte contre le narcotrafic en a un et s’il lui est possible de parler d’une même voix et d’agir d’un même mouvement, ce qui est aujourd’hui loin d’être le cas », écrivaient-ils.

Leurs préconisations ? Créer un Parquet national antistupéfiants, « référence sur le narcotrafic pour la sphère judiciaire » sur le modèle du parquet antiterroriste et renforcer financièrement et statutairement l’Ofast afin d’en faire le vrai « chef de file » de la lutte antistup. Ils plaident aussi pour « durcir la procédure pénale » avec notamment la création d’un dossier confidentiel pour limiter la divulgation lors des procès de certaines méthodes spéciales d’enquête, dont les trafiquants profitent par la suite.

En parallèle, les sénateurs insistaient sur l’importance de taper les trafiquants au porte-monnaie en faisant du volet patrimonial et financier un « incontournable » de la lutte. Et d’évoquer un recours « plus fréquent » à la présomption de blanchiment ainsi que la création d’une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée - une « enquête de patrimoine ». « Si une personne qui a un appartement, une grosse voiture ou des titres en bourse ne peut pas démontrer qu’il les a acquis légalement, alors son patrimoine est confisqué », détaille sur franceinfo le rapporteur du texte Étienne Blanc ce samedi 2 novembre.

Un débat au Parlement possible d’ici fin 2024 ?

Le locataire de la place Beauvau le sait, une partie de ses mesures ne relève pas de son champ de compétences. Justice et Intérieur doivent être « au coude à coude » dans la lutte contre le narcotrafic, a-t-il redit depuis Rennes. Une visite conjointe avec le Garde des Sceaux Didier Migaud et des annonces sont d’ailleurs prévues vendredi 9 novembre à Marseille, régulièrement touchée par des drames en lien avec le narcotrafic.

Sur le plus long terme, les auteurs du rapport Étienne Blanc et Jérôme Jourdain ont déposé en juillet au Sénat une proposition de loi reprenant leurs recommandations. Pas inscrite jusqu’à présent à l’ordre du jour de la chambre haute, elle pourrait l’être prochainement, à la demande du gouvernement. « Le gouvernement étudie notre projet pour durcir la lutte », a confié l’élu LR au Télégramme le 31 octobre.

Début octobre, le Garde des Sceaux Didier Migaud avait dit son souhait de voir la proposition sur la table « avant la fin de l’année ». Un avis partagé par son collègue place Beauvau qui évoque, lui, une possible niche parlementaire pour reprendre le texte « au plus tard au tout début d’année ».

Une fois à l’ordre du jour de la Chambre haute, à majorité de droite, le travail - transpartisan qui plus est - a des chances de passer une première étape. Quid de l’Assemblée, où Les Républicains ne sont plus que 40 ? « Je pense qu’on peut trouver un consensus », veut croire Bruno Retailleau. Mais certains points risquent de crisper les débats. Au moment de la présentation du rapport, l’association des avocats pénalistes (Adap) s’inquiétait notamment de la création du dossier confidentiel, possible « réduction des droits et des moyens de la défense (...) préjudiciable à l’ensemble des citoyens ».

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