"La confrontation physique est le dernier recours": les cours de self-défense séduisent les Français

Dans la salle des mariages de l'hôtel de ville du 14e arrondissement de Paris, aucune longue traîne blanche, mais un groupe de femmes déterminées. Elles participent au cours dispensé par Claude pour s'initier aux techniques de la self-défense.

Cette initiation gratuite, proposée depuis deux ans, attire à chaque fois de nombreuses participantes. Manon, 28 ans, s'y est rendue pour la première fois en juin dernier. "Je viens car je me suis déjà faite agresser, et maintenant j'ai peur de la rue", explique la Parisienne à BFMTV.com.

"C’était un vol de téléphone portable. J’allais à la gare, et l’agresseur est venu et m’a attrapé les deux mains. Je n’ai rien pu faire. Je n’avais pas les outils et les armes pour me défendre."

"Je suis bousculée et j'ai peur"

Manon n’est pas la seule à vouloir gagner en assurance. S’il n’existe aucune statistique officielle et harmonisée à l'échelle nationale -la discipline étant rattachée à plusieurs fédérations de sports de combat- un constat se dresse dans les clubs et associations de l’Hexagone: les inscriptions aux cours de self-défense progressent.

Au sein de la Fédération de sports de combat et d'arts martiaux, par exemple, "il y a eu en quatre ans un bond des inscriptions de 15 à 30% chez les femmes au cours de self-défense", estime Thierry Muccini, son président.

À Paris, une septuagénaire franco-américaine a, par exemple, suivi son premier cours d’initiation au self-défense ce vendredi 7 juin. "Même à cet âge, je suis de temps en temps agressée, notamment par les hommes", affirme-t-elle. "Je suis bousculée et j’ai peur."

Entre les mains de Claude, la septuagénaire et l’ensemble des participantes, apprennent, le temps d’une heure et de façon ludique, les premiers réflexes à adopter en cas d’agression.

"C’est un cours qui s’adresse à toutes les femmes qui n’iraient pas forcément dans une salle d’arts martiaux", annonce l’instructeur en préambule de ses différentes démonstrations. "Apprendre à se défendre est une chose, avec succès en est une autre", poursuit Claude qui rappelle une règle élémentaire: "La confrontation physique est le dernier recours."

Par groupe de deux, les femmes reproduisent les gestes du professeur. Mains en avant devant le visage, pied en arrière puis coup de pied en avant: les participantes répètent les gestes sans jamais entrer en contact physique direct avec leur partenaire.

Dans la salle des mariages, les exercices sont réalisés dans la bonne humeur. Une nécessité pour certaines, les bruits et les gestes pouvant, parfois, raviver un traumatisme passé. "J’ai déjà des personnes qui sont venues après une agression. Certaines ne sont pas restées, car la violence les renvoyait à leur agression", détaille Thierry Muccini, le président de la Fédération de sports de combat et arts martiaux.

En France, plusieurs tendances expliquent ce boom des inscriptions aux cours de self-défense selon les différentes associations: l’envie d’apprendre une nouvelle discipline ou de gagner en assurance, le sentiment d’insécurité ou une agression marquante.

À Nantes, Johann Mau, enseignant au Wing chun defense system, une école d’arts martiaux et de self-défense, a constaté, jusqu'à cette année, une hausse des inscriptions depuis la période Covid.

L'instructeur accueille des femmes, mais aussi des hommes. "En cours particuliers, j’ai des personnes qui ont été agressées et qui n’étaient pas préparées à la violence. Il y a une prise en compte du traumatisme." Comme cette jeune femme "qui avait été bousculée par un homme qui lui a arraché son collier". "J’ai aussi eu un jeune homme qui s’est pris des claques par son agresseur qui lui a volé son téléphone portable", ajoute-t-il.

"Après l'attentat d'Arras, j'ai eu beaucoup de questions"

Les entraînements collectifs, eux, rassemblent plus "des témoins d’agressions ou des personnes qui craignent ces événements".

Johann Mau écoute les maux de ses élèves. "Je ne suis pas psy", rappelle-t-il néanmoins. "Je vais pouvoir leur donner mon point de vue et dire ce qui aurait pu être fait. Par exemple, retirer les écouteurs, donner des conseils stratégiques."

L’instructeur livre à ses élèves les clés pour gagner en confiance, notamment physiquement. "Les femmes se rendent compte qu’elles peuvent frapper et faire mal", détaille Johann Mau.

Les cours de self-défense trouvent aussi leur public dans les villes de taille moyenne. À Chauny (Aisne), un club d’arts martiaux a organisé en avril dernier sa première journée d’initiation à la self-défense "en raison d’une forte demande”, explique Johnny Grocaut, le président du Dojo Naihanchi. Une trentaine de personnes, majoritairement des femmes, ont participé à cette séance.

"Elles sont venues car elles ont subi des agressions ou parce qu'elles les redoutent", poursuit-il. "Il n’y a pas de gros problèmes à Chauny, mais les femmes se sentent en insécurité."

Le président du Dojo Naihanchi avait expliqué à la mairie son intention d’organiser cet unique cours d’initiation. "Elle nous a demandé de le proposer à ses agents ainsi qu’aux personnels des centres hospitaliers et des établissements scolaires", rapporte-t-il. Cinq ou six agents hospitaliers ont participé à cette initiation.

À Nantes, Johann Mau compte aussi parmi ses clients des professionnels de santé. "Le personnel médical a peur", détaille-t-il. À Montpellier, Éric Tiersonnier accueille des infirmières parmi ses élèves, mais pas que. "Dans mes cours, beaucoup de femmes viennent de l’Éducation nationale", précise l’instructeur qui propose des séances collectie exclusivement féminines d'initiation à la self-défense. "Après l’attentat d’Arras, j’ai eu beaucoup de questions: 'qu’est-ce qu’on aurait pu faire' par exemple", détaille-t-il.

"Je n'ai pas donné de coups"

Jenifer, elle, a bien failli mettre ses connaissances en pratique. La jeune femme de 32 ans suit depuis deux ans maintenant des cours auprès de Claude, le professeur qui propose des initiations à la mairie du 14e arrondissement.

"Je n’ai pas donné de coups", précise la jeune femme. "C’était en décembre. Je sortais d’une soirée un petit peu arrosée avec des amis et j’ai senti quelqu’un se rapprocher de moi, me frotter un petit peu", poursuit la jeune qui avait décidé de suivre des cours de self-défense non pas pour apprendre à se battre, "mais pour apprendre, dans des situations de tous les jours, à avoir des réflexes que je n’ai jamais acquis depuis l’enfance".

"Je me suis retournée et je lui ai demandé ce qu’il faisait. Et ça l’a tellement décontenancé qu’il a commencé à m’insulter. Le bus est arrivé, je suis montée dedans."

"Sans les cours cela n'aurait pas été possible. Plus jeune, je me suis faite agresser. On m’avait arraché le sac, confie-t-elle. Depuis cette agression, j’avais tendance à rester figée. Là, aujourd’hui, je peux percevoir ce qu’il se passe autour de moi, et si je me sens en danger, j’ai le réflexe soit de fuir soit de me confronter au pire."

Désormais, la trentenaire installée à Paris affirme ne plus appréhender l'idée de prendre un métro "même tard le soir".

Article original publié sur BFMTV.com