Conflit Israël-Liban : Pourquoi le Hezbollah est devenu la nouvelle cible prioritaire de Tsahal

Au Liban, et notamment dans la lutte contre Israël, le Hezbollah s’est imposé comme un acteur incontournable, un pouvoir officieux même (photo d’illustration prise en novembre 2023 dans les rues de Beyrouth).
AHMAD AL-RUBAYE / AFP Au Liban, et notamment dans la lutte contre Israël, le Hezbollah s’est imposé comme un acteur incontournable, un pouvoir officieux même (photo d’illustration prise en novembre 2023 dans les rues de Beyrouth).

PROCHE-ORIENT - C’est l’histoire d’une organisation dont l’existence tout entière est justifiée par son opposition brutale à Israël. Alors que le premier anniversaire de l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas contre l’État hébreu approche, l’un des principaux alliés du mouvement armé palestinien, le Hezbollah libanais, se retrouve sur le devant de la scène et concentre désormais une large part de l’attention (militaire) de Tel-Aviv. Logique quand on connaît la place centrale qu’occupe le « Parti de Dieu » au Liban.

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Après des mois des frappes et d’actions commando dans la bande de Gaza, Israël a en effet multiplié ces dernières semaines les opérations contre le Liban, et plus précisément contre le mouvement chiite qui domine au sud du pays. Explosions simultanées de bipeurs des combattants du Hezbollah, puis de talkies-walkies, éliminations de chefs militaires, frappes aériennes… Les attaques sont quotidiennes depuis l’été, et s’intensifient depuis le début de la semaine avec un lourd bilan humain à la clé. Et la menace d’une opération terrestre est même brandie côté israélien, poussant une coalition menée par la France à exiger un cessez-le-feu de 21 jours.

« L’acteur non étatique le plus lourdement armé au monde »

Et pour cause : l’État hébreu craint le Hezbollah, né au début des années 1980 comme une organisation militaire clandestine vouée à repousser l’envahisseur israélien et aujourd’hui devenu un acteur cardinal au Liban, sur le plan politique et surtout militaire.

Au gré des différentes périodes de conflit ouvert avec Israël, le Hezbollah s’est forgé au Proche-Orient l’image du « champion de la résistance arabe à Israël ». C’est à ce titre d’ailleurs qu’il est le seul mouvement au Liban à avoir le droit de détenir légalement des armes - et quel arsenal ! -, devant être en capacité de repousser toute nouvelle incursion israélienne. Ainsi, au Liban, le Hezbollah est vu comme le mouvement qui a obtenu le départ des troupes israéliennes du Liban en 2000, qui a su résister en 2006 à l’État hébreu et qui a bouté les terroristes sunnites de Daech hors du pays en 2017. Un narratif qu’il veut faire vivre, par exemple avec son « musée du jihad » ouvert en 2023 à Baalbek, où le mouvement a vu le jour.

Or cette réputation s’appuie aussi sur une réalité : la puissance de feu du Hezbollah. Comme l’expliquait cet été Mohanad Hage Ali, universitaire libanais spécialiste du mouvement, ce dernier posséderait désormais « des centaines de milliers de roquettes de précision, des milliers de drones, mais aussi des armes manufacturées localement », et peut-être même des « armes antiaériennes ». Un arsenal autrement fourni que celui de son allié de la bande de Gaza, au point que de l’avis des spécialistes du mouvement, il semble même capable de mettre en difficulté le dôme de fer israélien. Et d’infliger des dégâts très lourds à Tsahal en cas d’incursion terrestre au Liban.

Depuis 2006, les Israéliens ont appris à ce propos et à leurs dépens que les combattants libanais sont professionnalisés, bien formés et équipés, et encadrés par des militaires iraniens. Tout cela au service de « l’acteur non étatique le plus lourdement armé au monde », pour reprendre la formule employée par Middle East Eye et fondée sur un rapport du Centre d’études stratégiques et internationales.

Un incontournable de la société libanaise, mais…

Raison pour laquelle, relatent Les clés du Moyen-Orient, l’objectif actuel d’Israël n’est pas véritablement d’éradiquer le Hezbollah, mais davantage de lui infliger des dégâts suffisants pour qu’il se désolidarise du Hamas et qu’il fasse redescendre la pression à la frontière. Ce qui n’a que peu de chances d’aboutir, le Hezbollah n’ayant de cesse de réaffirmer qu’il existe pour protéger les Libanais de leur voisin du sud, dont il ne reconnaîtra jamais l’existence.

D’autant qu’au-delà de ce rôle de rempart - plus solide que l’armée régulière libanaise -, le Hezbollah est aussi un État dans l’État qui contrôle des rouages essentiels au fonctionnement du pays (port, aéroport, infrastructures…), se rend indispensable auprès d’une partie de la population par son action caritative (construction d’écoles et d’hôpitaux, aide à l’emploi, pensions versées aux familles des combattants, reconstruction des maisons touchées par des bombardements israéliens…) et reste une influence majeure au sein de la société civile.

Le port de Berouth, plaie ouverte

Un autre aspect qu’Israël tente de combattre, cherchant à développer le sentiment de rejet chez les maronites (chrétiens), les sunnites et les Druzes du Liban. Cela s’ajoute d’ailleurs à l’idée de plus en plus répandue que le « Parti de Dieu » a profité du délitement de l’État libanais pour prospérer aux dépens des masses, et que ses accointances avec l’Iran, la Syrie et les houthis du Yémen font peser le poids des sanctions internationales sur le pays. Autant d’éléments qui font que le Hezbollah fait régulièrement face à ces critiques, lesquelles se sont encore aggravées depuis l’explosion du port de Beyrouth, à l’été 2020, une plaie qui demeure ouverte au Liban.

Reste que les Libanais « n’ignorent pas que le mouvement chiite souhaite éviter une guerre ouverte et faire pression pour un cessez-le-feu à Gaza », pour citer à nouveau Mohanad Hage Ali. De quoi mettre Israël sur une ligne de crête, alors que la situation à Gaza a déjà propulsé Netanyahu et son gouvernement sous le feu des critiques et des mises en garde internationales.

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