Conduite sous l'emprise de drogue ou d'alcool: les limites des annonces de Gérald Darmanin
"Être beaucoup plus dur avec ceux qui conduisent sous l'emprise de drogues, de stupéfiants ou d'alcool bien évidemment." Voilà la promesse faite par le ministre de l'Intérieur, neuf jours après l'accident de la route provoqué par Pierre Palmade, annonçant le retrait des 12 points du permis en cas de conduite sous stupéfiants ou après avoir consommé de l'alcool.
Vendredi 10 février, l'acteur circulait sur une route départementale en Seine-et-Marne à bord de son véhicule, en compagnie de deux passagers quand il a fait une embardée avant de percuter un autre véhicule qui circulait dans le sens opposé. Trois personnes ont été grièvement blessées, dont une femme enceinte qui a perdu son bébé. L'acteur a lui été contrôlé positif à la cocaïne et aux drogues de synthèse.
Selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), les stupéfiants sont responsables de 21% des accidents de la route mortels, soit un mort sur cinq. Les effets sont variables selon les drogues consommées, le cannabis entraînant une somnolence quand la cocaïne ou les substances de synthèses provoquent une altération des perceptions.
Une systématisation des contrôles "anti-drogue"?
Actuellement, la conduite sous l'usage de stupéfiants est sanctionnée de la perte de six points de permis de conduire. Des peines complémentaires peuvent aussi entraîner une suspension du permis pour une durée maximale de trois ans et une annulation du permis, avec trois ans maximum d'interdiction de demander un nouveau permis.
Interdite en France, la consommation de drogue est testée de manière automatique uniquement en cas d'accident de la route mortel ou corporel. Un test salivaire est alors réalisé. S'il est positif, un prélèvement sanguin est alors ordonné, réalisé par un médecin sous la surveillance policière. La Cour de cassation a en effet prononcé plusieurs décisions affirmant que seul le test sanguin fait office de preuve pour que la circonstance aggravante soit retenue devant une juridiction.
"Les contrôles routiers de stupéfiants sont donc aléatoires et totalement discrétionnaires", tranche Me Vincent Julé-Parade, avocat spécialisé en droit du dommage corporel.
L'an dernier, 800.000 contrôles routiers dits "contre la drogue" ont été réalisés, insiste aujourd'hui le ministère de l'Intérieur. "On a pu lutter contre la vitesse avec des moyens automatisés, rappelle l'avocat. Comme en matière de lutte contre l'alcoolémie au volant, c'est la certitude du contrôle et de la sanction qui fonctionne. Cela demande toutefois d'importants moyens humains" pour systématiser les contrôles.
Le délicat dépistage des drogues de synthèse
À cette nécessité de moyens humains pour réaliser ces contrôles et augmenter leur nombre s'ajoute la délicate question technique. Les drogues de synthèse comme la 3-méthylméthcathinone, dite 3-MMC, aux effets similaires à la cocaïne, ne sont détectables que par une prise de sang, ce qui rend inutile un dépistage automatique en cas de contrôle sur le bord des routes.
Le ministre de l'Intérieur propose également le retrait des 12 points de permis en cas de conduite avec 0,8 gramme d'alcool par litre de sang, soit environ quatre verres d'alcool. Ce seuil est actuellement celui qui fait passer l'infraction de contraventionnelle à délictuelle, c'est-à-dire entraînant un jugement devant un tribunal.
"Une voiture, c’est une arme létale, ils ne sont pas conscients que s’ils n’ont plus de permis ils n’ont plus d’assurance. Et s’ils ont un accident de la route, c’est très grave, ce sont eux qui sont directement impliqués", rappelle Norbert Pirault, porte-parole de l'association Victimes et Citoyens.
Les mesures annoncées par Gérald Darmanin ce week-end devraient faire l'objet d'un texte, qui devrait arriver rapidement à l'Assemblée nationale. Certaines mesures devraient, elles, faire l'objet de décret ministériel.
Gérald Darmanin veut également "rendre obligatoire la visite médicale de tout consommateur avéré de drogue, pour qu'il soit autorisé à conduire s'il se soigne", et dit par ailleurs travailler "avec Éric Dupond-Moretti pour renommer en 'homicide routier' les accidents mortels dus à la drogue et à l'alcool". La mesure prévoyant le retrait de l'intégralité des points d'un conducteur sous drogue ou sous alcool ne sera qu'une mesure administrative temporaire, le retrait d'un permis ne pouvant être prononcé que par un juge.