Comptes de campagne LFI 2017: Sophia Chikirou mise en examen pour escroquerie aggravée

Sophia Chikirou prise en photo lors d'une conférence de presse le 25 janvier 2017 à l'occasion de la campagne présidentielle (GEOFFROY VAN DER HASSELT)
Sophia Chikirou prise en photo lors d'une conférence de presse le 25 janvier 2017 à l'occasion de la campagne présidentielle (GEOFFROY VAN DER HASSELT)

La figure Insoumise Sophia Chikirou a été mise en examen mardi à Paris notamment pour escroquerie aggravée et abus de biens sociaux dans l'enquête sur les comptes de campagne 2017 du candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, dont elle est proche.

Pour cette convocation repoussée déjà plusieurs fois, Mme Chikirou, 45 ans, est arrivée mardi matin vers 09h40 au tribunal judiciaire de Paris accompagnée de l'un de ses avocats, Me Dominique Tricaud, ont constaté des journalistes de l'AFP et du Monde.

En fin de matinée, une source judiciaire a annoncé à l'AFP sa mise en examen pour escroquerie aggravée, abus de biens sociaux et recel d'abus de confiance.

"Ne croyez pas un seul instant que l'affaire est fondée, nous pouvons marcher tête haute", a indiqué dans l'après-midi Mme Chikirou sur X, qui annonce qu'elle va demander "des confrontations" et "des actes complémentaires".

"Pas une seule de ces accusations (visant Mme Chikirou) n'a le moindre fondement concret", avait aussi dit dans l'après-midi Jean-Luc Mélenchon, s'exprimant à Paris.

Sur son site internet, La France insoumise avait éreinté "une opération politico-judiciaire sans fin commencée en 2018 ciblant l'entourage de Jean-Luc Mélenchon" et "assuré Sophia Chikirou de son amical soutien et de toute sa confiance".

La justice soupçonne Mediascop, la société de conseil en communication de la députée de Paris, d'avoir surfacturé certaines prestations lors de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2017, soit une possible escroquerie au préjudice de l'Etat s'agissant de dépenses de campagne remboursées par l'argent public.

Une enquête avait été ouverte à Paris en avril 2018, nourrie de signalements de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) puis de la cellule de renseignement financier Tracfin.

En octobre, le parquet avait diligenté des perquisitions spectaculaires, notamment car une partie a été diffusée en direct sur la page Facebook de Jean-Luc Mélenchon, au siège du parti, chez le leader Insoumis et de nombreux collaborateurs, déclenchant l'ire du parti de gauche radicale.

"Il n'y a pas eu de surfacturation", "d'enrichissement personnel", de "détournement de fonds publics", avait déjà balayé Mme Chikirou à l'époque après son audition libre par la police anticorruption (Oclciff).

- "Principe du capitalisme" -

Début novembre 2018, le dossier avait été confié à des juges d'instruction.

Selon un rapport d'enquête de mai 2022 dévoilé par Mediapart et dont l'AFP a eu connaissance, Mediascop avait vu sa rentabilité passer de 12% pour la présidentielle 2012 à 22% pour celle de 2017, un niveau "supérieur" à des entreprises similaires, même si les experts soulignaient que la comparaison était "difficile".

"Le prix libre, c'est le principe du capitalisme", avait défendu une source proche de Mme Chikirou à l'AFP.

Toujours d'après Mediapart, Mme Chikirou aurait pu grâce à ce cycle électoral 2017 et ses fonctions à Mediascop se "verser à titre personnel plus de 135.000 euros de salaires et dividendes avant impôts".

La députée a publié mardi après-midi sur son site internet une note de 26 pages de ses avocats qui contestent en droit et en fait toute escroquerie, reprenant les déclarations dans l'enquête de nombre de cadres LFI dépeignant Mme Chikirou comme simple "représentante de Mediascop" dans la campagne 2017, sans pouvoir de décision.

Si Mme Chikirou s'exprimait alors publiquement comme directrice de la communication de M. Mélenchon, la mandataire financière Marie-Pierre Oprandi, l'un des personnages-clé de la campagne Mélenchon, a estimé en audition que Mme Chikirou était alors uniquement "prestataire. Elle n'(était) pas militante mais je suppose qu'elle partag(eait) nos idées", a-t-elle dit.

L'enquête a d'abord abouti à de premières mises en examen au printemps 2021 de l'association l'Ere du peuple et de Mme Oprandi principalement pour "prêt illicite de main-d'oeuvre", loin des soupçons d'escroquerie et de surfacturations initialement évoqués, ce que le parti de gauche radicale avait vu comme une victoire.

Mais la justice avait finalement alourdi les charges, mettant en examen en septembre 2021 le député LFI de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, salarié en 2017 en tant que trésorier de l'Ere du peuple, notamment pour "prêt illicite de main-d'œuvre, faux, escroquerie et tentative d'escroquerie".

En février 2022, l'association elle-même avait vu ses poursuites aggravées, avec l'ajout des infractions d'"escroquerie et tentative d'escroquerie aggravée" et "faux et usage de faux".

gd-ldp/asl/ybl