TOUT COMPRENDRE. Le Royaume-Uni face à ses plus violentes émeutes depuis plus de 10 ans après la tuerie de Southport
Depuis l'attaque au couteau dans laquelle trois enfants ont été tuées, des manifestations xénophobes, islamophobes et anti-migrants se multiplient dans plusieurs villes britanniques. Le Premier ministre Keir Starmer a promis de faire "tout ce qu'il faut pour traduire ces voyous en justice aussi vite que possible".
Deux hôtels attaqués en moins de 24 heures, des policiers ciblés par des projectiles et des manifestations anti-migrants dans plusieurs villes en une semaine. Des émeutes d'une ampleur inédite secouent le Royaume-Uni, et en particulier l'Angleterre, après l'attaque au couteau dans laquelle trois enfants ont été tués et dix autres personnes ont été blessées à Southport, ce lundi 29 juillet.
Le pays n'a pas connu une telle flambée depuis 2011, après la mort d'un jeune homme métis, Mark Duggan, tué par la police au nord de Londres. "Je vous garantis que vous regretterez d'avoir participé à ces désordres" que ce soit directement ou indirectement, "en ayant provoqué ces actions en ligne", a déclaré ce dimanche 4 août le Premier ministre Keir Starmer, arrivé au pouvoir il y a moins d'un mois et qui connaît déjà sa première crise politique.
• Pourquoi ces émeutes?
Les violences ont commencé après une attaque au couteau à Southport, un drame qui a donné lieu à une flambée de rumeurs et de désinformation sur les réseaux sociaux sur la religion et l'origine du suspect, désigné à tort comme musulman. Depuis le mardi 30 juillet, des manifestations xénophobes ont lieu de Liverpool à Hull en passant par Belfast, Leeds, ou Sunderland. À Southport, une mosquée a été prise pour cible.
À Middlesbrough, des débordements ont également eu lieu dans le centre-ville. Une équipe de l'AFP a eu sa caméra cassée par des manifestants, rapporte l'agence de presse. À Aldershot, des dizaines de personnes arborant des pancartes avec des inscriptions hostiles aux demandeurs d'asile se sont rassemblées dans le calme. D'autres manifestations ont eu lieu, notamment à Bolton ou Weymouth.
Ce dimanche, environ 700 personnes s'en sont pris à un hôtel hébergeant des demandeurs d'asile à Rotherham. Des projectiles, tels que des bouteilles de bière, des canettes, des chaises et de longs morceaux de bois ont été lancés sur le bâtiment et sur les policiers alignés devant.
Sur place, au moins dix policiers ont été blessés, mais aucun personnel ou client de l'hôtel, a indiqué la police locale. Certains participants ont brisé des vitres de l'établissement, ont déclenché un feu, jeté des projectiles sur les policiers, quand d'autres ont crié des slogans comme "Mettez les dehors".
Quelques heures plus tard, un autre hôtel, cette fois à Birmingham, était pris pour cible par "un important groupe d'individus", annonçait la police locale, qui précise qu'un de ses agents a été blessé.
• Quelle est la réaction du gouvernement?
La ministre de l'Intérieur Yvette Cooper a qualifié ces actes de "tout à fait effroyables", tandis que le Premier ministre a promis que son gouvernement ferait "tout ce qu'il faut pour traduire ces voyous en justice aussi vite que possible".
"Ceux qui ont participé à cette violence seront confrontés à la pleine force de la loi", a promis Keir Starmer.
Le ministère de l'Intérieur a mis en place un dispositif de protection pour les mosquées qui pourraient faire l'objet d'actes de haine. Toute mosquée peut se signaler auprès des autorités pour en bénéficier, mais les moyens de police ne seraient pas suffisants, selon le Conseil musulman.
La société Mosque Security, qui fournit des services de sécurité aux mosquées, a reçu des requêtes de "plus de 100 mosquées", sur les environ 2.000 que compte le pays, indique à l'AFP Shaukat Warraich, son directeur.
Les forces de l'ordre ont en outre indiqué avoir procédé à près de 150 arrestations depuis ce samedi.
• Quel rôle de Nigel Farage et l'English Defense League?
Si les condamnations se sont multipliés ces dernières heures, l'ancien Premier ministre conservateur Rishi Sunak ayant dénoncé des "scènes choquantes", un homme est pour l'instant silencieux: Nigel Farage. Le leader du parti d'extrême droite Reform UK, qui a obtenu ses premiers sièges au Parlement britannique début juillet, n'a pas réagi aux attaques de ce dimanche.
Au lendemain de l'attaque de Southport, il a été accusé de jeter de l'huile sur le feu à travers d'une vidéo dans laquelle il se demande "si on nous cache la vérité". Nigel Farage et son parti sont accusés d'avoir incité ou légitimé la violence qui s'est déchainée après l'attaque au couteau dans la ville de Southport.
Un autre mouvement d'extrême droite islamophobe, l'English Defense League, est aussi particulièrement scruté outre-Manche. Plusieurs de ses soutiens ont participé aux manifestations ces derniers jours et ont affronté la police à Southport.
• La presse britannique dénonce un "jour de honte"
Le pays n'avait pas connu une telle flambée de violences depuis 2011, après la mort d'un jeune homme métis, Mark Duggan, tué par la police au nord de Londres
À l'unisson, la presse britannique a condamné ces troubles. "Honte à vous", écrit à l'adresse des émeutiers le journal Metro, qui dénonce "des scènes horribles dans plus d'une dizaine de villes". "Jour de honte", titre The Sun "L'extrême-droite se déchaîne", titre le Daily Mirror, qui pointe "l'attaque de voyous" contre l'hôtel de Rotherham.
Le Daily Mail attaque lui frontalement Tommy Robinson, fondateur de l'English Defence League, publiant une image du militant d'extrême droite visiblement en vacances sur une île de la Méditerrannée.
"Il alimente les émeutes dans le Royaume-Uni depuis le transat d'un hôtel cinq étoiles en Chypre", dénonce le journal.