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TOUT COMPRENDRE - Gestion de la crise sanitaire: pourquoi Agnès Buzyn est-elle dans le viseur de la justice?

Agnès Buzyn est convoquée le 10 septembre 2021 à la Cour de justice de la République en vue d'une possible mise en examen pour sa gestion de la crise sanitaire. - BFMTV
Agnès Buzyn est convoquée le 10 septembre 2021 à la Cour de justice de la République en vue d'une possible mise en examen pour sa gestion de la crise sanitaire. - BFMTV

Manque d'équipements de protection pour les soignants et pour la population, errements sur la nécessité ou non de porter des masques... Le gouvernement a-t-il commis des erreurs dans sa manière d'anticiper et de gérer la crise sanitaire liée au Covid-19? Une enquête a été ouverte en juillet 2020 par la Cour de justice de la République (CJR) après avoir reçu de nombreuses plaintes, émanant notamment de familles de victimes du Covid-19.

Trois ministres sont nommément visés dans cette affaire: Edouard Philippe (Premier ministre à l'arrivée de la crise sanitaire), Olivier Véran (ministre de la Santé) et Agnès Buzyn. Cette dernière est la première à être convoquée, ce vendredi, devant la CJR, du chef "d'abstention de combattre un sinistre". BFMTV.com fait le point sur ce qui lui est imputé.

· Les déclarations contradictoires d'Agnès Buzyn

Parmi les plaintes jugées recevables par la CJR, un certain nombre visent Agnès Buzyn, chargée de gérer les débuts de l'épidémie au sein du gouvernement. Des prises de positions contradictoires, ayant embrouillé la population sur les précautions à prendre contre la maladie, lui sont notamment reprochées.

Le 24 janvier 2020, elle avait déclaré: "les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles", tout en soulignant que cette analyse pouvait "évoluer".

Elle avait ensuite quitté le gouvernement mi-février 2020 pour briguer, en vain, la mairie de Paris. À la suite de sa défaite, elle avait créé un tollé en qualifiant les élections municipales de "mascarade" et en déclarant qu'elle "savai(t) que la vague du tsunami était devant nous" au moment de son départ du ministère, où elle a été remplacée par Olivier Véran.

Des propos confirmés par la suite en juin 2020 devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion de la crise sanitaire: elle avait indiqué avoir alerté l'Élysée et Matignon en janvier sur le "danger" potentiel du coronavirus.

Pour Me Yassine Bouzrou, avocat de plusieurs plaignants et d'une association de victimes dans ce dossier, "il existe plus que des indices graves d'abstention de combattre un sinistre, sa mise en examen s’impose", a-t-il déclaré ce jeudi sur France info.

· Que risque l'ancienne ministre de la Santé?

L'abstention de combattre un sinistre est un délit sanctionné par l'article 223-7 du Code pénal, qui prévoit une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

À l'issue de son audition de première comparution ce vendredi, l'ancienne ministre de la Santé peut être mise en examen de ce chef d'accusation, ou ressortir sous le statut plus favorable de témoin assisté. Pour cela, elle devra convaincre les juges qu'il n'existe pas suffisamment d'indices graves ou concordants pouvant être retenus contre elle.

· Pourquoi la CJR est-elle chargée de l'enquête?

La Cour de justice de la République est la seule juridiction française à même de juger des ministres qui ont été ou sont encore en exercice, pour les infractions commises dans le cadre de leurs fonctions.

Depuis le début de l'épidémie, la CJR a reçu au moins 14.500 plaintes, selon le procureur général près la Cour de cassation, François Molins. Sa commission des requêtes, qui fait office de filtre, a estimé que neuf plaintes étaient recevables et les a transmises à la commission d'instruction qui mène l'enquête. Depuis, d'autres plaintes ont été jugées recevables et jointes à l'enquête, on en compte seize retenues au total contre l'exécutif.

· Où en sont les actes d'enquêtes visant Edouard Philippe et Olivier Véran?

Des perquisitions ont été menées mi-octobre 2020 par les enquêteurs de l'Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique) et de l'Oclciff (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales).

Ces actes d'enquête ont visé les domiciles et bureaux du ministre de la Santé Olivier Véran, de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe et des ex-membres du gouvernement Agnès Buzyn, Sibeth Ndiaye, mais aussi le directeur général de la Santé Jérôme Salomon et la directrice générale de Santé Publique France, Geneviève Chêne.

Les convocations d'Olivier Véran et Edouard Philippe devraient succéder à celle d'Agnès Buzyn.

Article original publié sur BFMTV.com