TOUT COMPRENDRE - Emmanuel Macron veut-il la fin de la gratuité de l'université?

Emmanuel Macron, le 11 janvier 2022 à Paris - LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Emmanuel Macron, le 11 janvier 2022 à Paris - LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

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C'est davantage une évocation qu'une annonce. La sortie, qui pourrait impliquer un changement de taille, est passée relativement inaperçue en fin de semaine dernière.

En clôture du Congrès de la Conférence des présidents d'universités jeudi, en visioconférence, Emmanuel Macron a estimé au sujet de l'université que le système actuel d'études supérieures, "sans aucun prix", n'était pas un système tenable dans le temps.

• Qu'a déclaré exactement Emmanuel Macron?

In extenso, voici la phrase prononcée par Emmanuel Macron face aux présidents d'universités:

"On ne pourra pas rester durablement dans un système où, l'enseignement supérieur n'a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont considérés comme boursiers et où pourtant nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l'argent public que partout dans le monde, pour répondre à la compétition internationale. Si nous ne réglons pas ces problèmes structurels, nous nous mentirons à nous-mêmes", a indiqué le chef de l'Etat. "Nous avons besoin d'une transformation systémique de nos universités", a-t-il ajouté.

"Je le reconnais sans ambages, nous avons commencé à colmater les brèches, mais nous devons redoubler d'efforts pour que, à l'horizon de dix ans, notre université soit plus forte", a-t-il également déclaré.

• Que coûtent les frais universitaires actuellement?

A l'heure actuelle, les étudiants doivent débourser la somme de 170 euros pour s'acquitter des droits d'inscription en licence à l'université, et de 243 euros en master, selon le site service-public.fr. Les étudiants boursiers sont exonérés du paiement de ces droits.

En 2018, Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait annoncé que les étudiants étrangers extra-européens pourraient payer des droits d'inscription plus élevés, allant jusqu'à "un tiers du coût réel". Une somme qui peut aller jusqu'à 2770 euros par an en licence et 3770 euros en master.

La hausse avait été validée en 2020 par le Conseil d'Etat. Plusieurs universités avaient annoncé qu'elles n'appliqueraient pas cette augmentation des droits d'inscription pour les étudiants étrangers.

En octobre 2019, un an après l'annonce d'Édouard Philippe, le Conseil constitutionnel s'était prononcé, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par des organisations syndicales étudiantes, sur le coût des droits d'inscription à l'université.

Les "sages" de la rue Montpensier avaient affirmé le principe constitutionnel de la gratuité de l'enseignement supérieur en se fondant sur le préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que "l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat".

Dans sa décision, qui concernait là l'ensemble des étudiants, le Conseil constitutionnel indiquait toutefois que "cette exigence ne fai(sait) pas obstacle", pour l'enseignement supérieur public, "à ce que des droits d'inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants".

• Pécresse et Jadot critiquent la sortie

A gauche et à droite, la sortie d'Emmanuel Macron fait réagir. Dimanche, au Grand Jury de RTL, Le Figaro et LCI, le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot a fustigé "le président le plus antijeunes de la Ve République".

"C'est choquant, l'éducation est au coeur d'une société de l'intelligence, de la solidarité et de l'épanouissement et de l'émancipation, comme l'hôpital ça doit rester gratuit", a-t-il fait valoir.

Sur Europe 1 ce lundi, c'est la candidate Les Républicains (LR) Valérie Pécresse qui a dénoncé une "provocation" d'Emmanuel Macron, tout en expliquant vouloir donner "un nouvel élan à l'autonomie universitaire".

"Parler de la hausse des frais d'inscription pour les familles qui sont aujourd'hui en vraie problématique de pouvoir d'achat, alors même qu'il y a un désengagement aussi fort de l'Etat pour l'université, pour moi c'est de la provocation", a ajouté celle qui fut ministre de l'Enseignement supérieur de 2007 à 2011 pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Réagissant au mot-dièse lancé sur Twitter, le député La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud a quant à lui estimé que #SiLuniversitéEtaitPayante les enfants des classes populaires n'accéderaient pas à l'enseignement supérieur et à la promotion, le savoir serait le monopole des héritiers, notre peuple perdrait des millions de talents".

Article original publié sur BFMTV.com