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TOUT COMPRENDRE - Didier Raoult accusé de fraude par ses équipes sur l'hydroxychloroquine

Plusieurs collaborateurs du professeur marseillais ont affirmé que Didier Raoult aurait falsifié les résultats d'études destinées à démontrer l’efficacité de l’hydroxychloroquine.  - CHRISTOPHE SIMON / AFP
Plusieurs collaborateurs du professeur marseillais ont affirmé que Didier Raoult aurait falsifié les résultats d'études destinées à démontrer l’efficacité de l’hydroxychloroquine. - CHRISTOPHE SIMON / AFP

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Les accusations s'accumulent à l'encontre du professeur Didier Raoult. Cette fois-ci, selon des révélations de Mediapart, des personnels travaillant au sein de son Institut hospitalo-universitaire (IHU) assurent que le microbiologiste marseillais a falsifié les résultats de certaines de ses études. L'objectif: démontrer, à tout prix, l'efficacité de l'hydroxychloroquine, molécule phare du protocole de soins prôné par le professeur depuis le début de la pandémie de Covid-19.

• Qui est à l'origine de ces accusations?

Tout est parti d'auditions menées ces dernières semaines par l'université d'Aix-Marseille, l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), ainsi que l’Inserm, auprès des membres de l'IHU et portant sur leurs conditions de travail.

Pendant ces auditions, où préservation de l'anonymat et la confidentialité des échanges avaient été garanties, certaines langues se sont déliées. Une dizaine de personnes - biologistes, médecins, internes ou assistants - ont fait part de leur malaise face aux "pratiques scientifiques et éthiques regrettables" du professeur. Et certains sont allés plus loin, affirmant que Didier Raoult aurait volontairement falsifié des résultats pour conclure à l'effet bénéfique de l'hydroxychloroquine.

• Quelles données auraient été falsifiées?

Selon les témoignages, Didier Raoult est accusé d'avoir biaisé les résultats de tests PCR dans une étude comparant des patients de l'IHU, sous traitement d'hydroxychloroquine, et des patients du CHU de Nice, non traités avec cette molécule.

Il aurait en effet utilisé des critères différents pour analyser les deux groupes de patients en modifiant les seuils de positivité des tests PCR. Dans le détail, pour les patients de Marseille, la valeur seuil du test PCR a été abaissée à 34 cycles. Pour les patients de Nice, la valeur seuil initiale de 39 cycles a été conservée. Ainsi, pour un même résultat, on pouvait être déclaré positif à Nice et négatif à Marseille. De quoi prouver l'effet bénéfique de l'hydroxychloroquine.

Pour bidouiller ces chiffres, le professeur n'aurait par ailleurs pas hésité à "évincer les médecins biologistes des plannings" et, en contrepartie, "mis en place un logiciel pour automatiser la déclaration des résultats dans le logiciel de l'AP-HM, sans validation préalable par les médecins biologistes".

• Pourquoi les salariés sont restés silencieux?

Si les employés sont restés silencieux jusqu'à ces auditions, c'est en raison du climat délétère qui régnait dans les couloirs de l'IHU, expliquent-ils. Plusieurs d'entre eux font état d'intimidation voire d'agressions et de violences envers ceux qui oseraient contrarier le professeur.

D'anciens salariés de l'institution ont accepté de témoigner auprès de BFMTV. Ils décrivent, eux aussi, Didier Raoult comme un homme "autoritaire", qui voulait toujours "que les résultats aillent dans son sens":

"Cela passait par des humiliations de personnes, par des brimades ou des insultes et une remise en cause permanentes des compétences", raconte l'un d'entre eux, sous couvert d'anonymat. "On nous disait souvent, tais-toi, tu n'es pas là pour réfléchir."

D'autres reprochent par ailleurs la surmédiatisation du microbiologiste, estimant que cela rendait difficiles les critiques à son encontre. "La médiatisation renforcée de Didier Raoult" nourrissait un "climat de culte de la personnalité" avec la "diffusion de vidéos de Didier Raoult en boucle, à l’intérieur du bâtiment", expliquent-ils, rappelant des manifestations de la part de citoyens croyant aux propos du professeur.

• Quelles suites?

La fin de la carrière scientifique de Didier Raoult a déjà été actée puisqu'il a pris sa retraite de professeur d'université praticien hospitalier le 31 août dernier. Il devrait aussi quitter son poste de directeur de l'IHU le 30 septembre 2022.

Mais ce n'est pas la première affaire qui éclabousse le scientifique. Il est aussi accusé d'avoir pratiqué des essais non déclarés contre la tuberculose. Une affaire saisie par la justice. Le risque encouru pour l'IHU et Didier Raoult est important, puisque selon le Code de la santé publique, enfreindre la législation en matière d'essais cliniques est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

On lui reproche aussi d'avoir enfreint le code de déontologie médicale en promouvant le recours à l'hydroxychloroquine pour lutter contre le Covid-19, en dépit des recommandations sanitaires.

Suite à ces plaintes, Didier Raoult avait été entendu début novembre par l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux. Celui-ci pourra décider de sanctions allant d'un simple avertissement à une radiation.

Si ces nouveaux faits rapportés "étaient avérés", cela "constituerait des dysfonctionnements graves", a réagi l'AP-HM dans un communiqué, en prenant "l'initiative d'une enquête interne afin de confirmer la véracité des faits.

Article original publié sur BFMTV.com