Pourquoi la commission anti fake-news de Macron fait déjà polémique ?

Guy Vallancien en 2019, lors d'une convention à Chamonix (Photo Valentin Flauraud / CHAM)

Le choix d'un de ses membres, le chirurgien Guy Vallancien, est très loin de faire l'unanimité.

À peine créée et déjà critiquée. Emmanuel Macron a lancé une commission pour deux mois et demi avec pour mission pour lutter contre la désinformation et le complotisme dans le débat public. La "commission Bronner", du nom de son président, le sociologue Gérald Bronner, devra rendre, d’ici à la fin de l’année, des propositions concrètes dans les champs de l’éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation.

Pour mener à bien cette mission, 13 experts ont été choisis "conjointement" par l'Élysée et Gérald Bronner. On y trouve le politologue Roland Cayrol, le sociologue Laurent Cordonier, la spécialiste du cyberespace Frédérick Douzet, l’historien Jean Garrigues, l’anthropologue Rahaf Harfoush, l’historienne de la Shoah Annette Wieviorka, la chercheuse en sociologie politique Anne Muxel, le professeur d’histoire géographie Iannis Roder mais aussi des personnalités comme Rudy Reichstadt (directeur de Conspiracy Watch), la professeure des écoles Rose-Marie Farinella, la journaliste et Youtubeuse Aude Favre ou Rachel Kahn, ancienne athlète de haut niveau devenue juriste, actrice et écrivaine ainsi que le chirurgien urologue, membre de l’Académie de médecine, Guy Vallancien.

Sanctionné pour désinformation par l'Ordre des médecins

C'est le nom de ce dernier qui fait polémique. Si Guy Vallancien, 75 ans, a été choisi au sein de la commission car "il fallait un médecin or, il est membre de l’Académie de médecine et a un intérêt pour les questions sociétales", explique Gérald Bronner au Parisien, ses antécédents font tâche, et choquent la communauté scientifique.

L'affaire la plus récente, c'est le blâme dont l’a gratifié la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins en juin dernier, révélait Marianne. En cause, un certificat médical "mensonger" et "constitutif d’un manquement au principe de moralité". Ce certificat qui n'était "appuyé sur aucun élément permettant d’en asseoir la véracité [et] doit être regardé comme mensonger", a estimé l'Ordre des médecins, ce qui est "constitutif d’un manquement au principe de moralité […] et un acte de nature à déconsidérer la profession", poursuit l'Ordre.

Au coeur du scandale du charnier de Descartes

L'affaire la plus emblématique, c'est celle du charnier de l’université Paris Descartes. De 2004 à 2014, Guy Vallancien est directeur du centre du don des corps (CDC), hébergé dans la fac. L'affaire, révélée par L'Express, met en lumière les "conditions indignes" dans lesquelles sont entreposés les corps.

En parallèle, Guy Vallancien créé en 2001 une société privée au sein de l'Université, l’"École européenne de chirurgie", qui fait indirectement commerce de ces corps. Durant les 10 ans où il était à la tête du CDC, Guy Vallancien était donc à la fois directeur de l’organisme chargé des corps, et responsable d'une entreprise qui les monnayait au secteur privé. "Vallancien achetait la mise à disposition des corps au tarif public et les revendait plusieurs fois le prix. Il servait d’intermédiaire entre l’université et les industriels [comme des développeurs de chirurgie robotique, ndlr], à qui il proposait des formations", expliquait un ancien dirigeant de l'université à L’Express.

Vallancien accusé de "minimiser la gravité du Mediator"

Autre affaire qui ternit l'image de Guy Vallancien, ses prises de position lors du scandale du Mediator, antidiabétique prescrit comme coupe-faim en France jusqu’en 2009 et dont le laboratoire Servier qui le commercialisait a été condamné à verser 180 millions d’euros aux victimes et 2,7 millions d’euros d’amende pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires". Entre autres publications sur le sujet, il écrit dans un livre paru chez Gallimard en 2015 : "Rares sont les malades qui furent meurtris par les complications liées au produit […]. Parmi les dossiers de plaignants qui s’entassent à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), seul un nombre infime est à ce jour reconnu comme en relation avec la prise du produit incriminé", rappelle Libération.

En apprenant sa nomination dans la commission anti fake news, Irène Frachon, lanceuse d'alerte dans l'affaire du Mediator, écrit une tribune dans le Monde. Elle y décrit Guy Vallancien comme "un des fers de lance d’une nébuleuse de médecins de haut rang, professeurs de médecine, parfois académiciens de médecine, qui, depuis des années et sans vergogne, tentent de discréditer, minimiser, voire nier la gravité du drame humain causé par le Mediator".

Avec sa nomination, "il est à craindre qu’une telle commission, dont l’un des membres s’est abîmé, non seulement n’apporte aucune réponse raisonnable et raisonnée à la problématique soulevée, mais creuse un peu plus le fossé entre beaucoup de nos concitoyens et les élites qu’ils critiquent, à tort ou parfois à raison", conclut-t-elle.

Des prises de position douteuses

Durant sa carrière, l'urologue des stars, qui a notamment soigné François Mitterrand, s'est distingué par des propos plutôt "étonnants". En 2015, des médias révèlent que des apprentis médecins s'exercent à faire des touchers rectaux et vaginaux sur des patients sous anesthésie, sans leur consentement. Interrogé par la BBC sur le sujet, Guy Vallancien déclare : "Personnellement, je pense que nous pouvons utiliser parfois le corps du patient pour former (...) C’est normal, c’est comme cela que nous apprenons." Interrogé par Slate au sujet d'étudiants qui refusent ces examens, il les qualifie de "mal baisés".

Auprès du Parisien, Gérald Bronner explique qu'il "n'était pas au courant de cette histoire" et qu'il n'a "pas demandé de certificat de moralité, ce qui (l)’intéresse, ce sont ses compétences".

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