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Les combats continuent au Haut-Karabakh, tensions diplomatiques croissantes

LES COMBATS CONTINUENT AU HAUT-KARABAKH, TENSIONS DIPLOMATIQUES CROISSANTES

par Nvard Hovhannisyan et Nailia Bagirova

EREVAN/BAKOU (Reuters) - Les combats se sont poursuivis mercredi entre l'Azerbaïdjan et les forces de la région à majorité arménienne du Haut-Karabakh, les plus violents depuis un cessez-le-feu conclu en 1994, sur fond de tensions diplomatiques croissantes entre la France et la Turquie.

Les affrontements, dont chaque camp attribue la responsabilité à l'autre, ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés depuis dimanche.

Ils se sont propagés au-delà de l'enclave séparatiste et menacent de dégénérer en guerre ouverte entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui s'opposent depuis des décennies au sujet du Haut-Karabakh, dans une région du Caucase traversée d'oléoducs essentiels à l'approvisionnement des marchés mondiaux du pétrole et du gaz.

L'absence de tout signe d'apaisement, les deux anciennes républiques soviétiques ayant refusé de nouer un dialogue mardi, alimente en outre les craintes d'une implication de puissances régionales comme la Russie, alliée à l'Arménie par un accord de défense, et la Turquie, soutien traditionnel de l'Azerbaïdjan, dont la population essentiellement musulmane partage des origines communes avec les Turcs.

La Turquie "fera le nécessaire" si l'Azerbaïdjan lui demande une aide militaire dans ce conflit, a encore promis mercredi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, faisant écho à des propos tenus lundi par son président Recep Tayyip Erdogan, que son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev a remercié mercredi.

MACRON DÉNONCE DES DÉCLARATIONS TURQUES "DANGEREUSES"

Le chef de la diplomatie turque a aussi accusé la France, qui compte une importante communauté arménienne, de soutenir une occupation arménienne du Haut-Karabakh, dont l'indépendance proclamée en 1991 n'a pas été reconnue par la communauté internationale.

Alors que les sujets de friction entre Paris et Ankara se multiplient, notamment sur les questions de souveraineté en Méditerranée orientale, Emmanuel Macron a qualifié d'"inconsidérées" et de "dangereuses" les déclarations turques sur le Haut-Karabakh.

"Je le dis en particulier à l'égard de l'Arménie : la France (...) demeure extrêmement préoccupée des messages guerriers que la Turquie a eus ces dernières heures, au fond décomplexant l'Azerbaïdjan dans ce qui serait une reconquête du Nord-Karabakh : ça, nous ne l'accepterons pas", a dit le président français lors d'une conférence de presse en Lettonie.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé mardi à une cessation immédiate des hostilités.

Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, qui s'est entretenu mardi par téléphone avec le président russe Vladimir Poutine, a dit ne pas envisager de recourir pour l'instant au traité de sécurité conclu avec la Russie après la chute de l'URSS mais ne pas l'exclure à l'avenir.

Les deux dirigeants n'ont pas évoqué l'hypothèse d'une intervention militaire russe, a ajouté le chef du gouvernement arménien.

BOMBARDEMENTS RÉCIPROQUES

Le Kremlin a déclaré mercredi que l'armée russe suivait attentivement l'évolution de la situation.

Nikol Pachinian a aussi eu un entretien téléphonique avec le président iranien Hassan Rohani, dont le pays est frontalier aussi bien de l'Arménie que de l'Azerbaïdjan. Selon le gouvernement arménien, Hassan Rohani a exprimé son inquiétude face à l'escalade militaire actuelle.

Un site gouvernemental arménien a publié mercredi les photos des carcasses de deux avions SU-25 abattus, selon lui, par un avion de chasse turc mardi.

La Turquie a démenti cette accusation et un responsable azerbaïdjanais a accusé l'Arménie de mensonge, ces deux appareils s'étant écrasés selon lui dans les montagnes.

D'après les médias arméniens, trois civils ont été tués et plusieurs autres blessés mercredi dans le bombardement de la ville de Martakert, au Haut-Karabakh.

L'Arménie affirme que l'armée azerbaïdjanaise a bombardé l'ensemble de la ligne de front au cours de la nuit et que deux drones ennemis ont été abattus au-dessus de Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh.

L'Azerbaïdjan, qui a fait état de 14 civils tués de son côté depuis dimanche, a diffusé des images montrant des colonnes de fumée s'élever au-dessus du territoire du Haut-Karabakh bombardé par son artillerie.

Des photographies prises dans la ville de Tartar, en Azerbaïdjan, montrent des habitants tentant de s'abriter dans des fossés et des immeubles endommagés par des obus arméniens, selon la population locale.

(Avec Ardee Napolitano et Elizabeth Pineau à Paris; version française Jean-Philippe Lefief, Jean-Stéphane Brosse et Bertrand Boucey, édité par Henri-Pierre André)