Publicité

Le comédien Arthur Egloff jugé pour agression sexuelle

Le tribunal de Paris. (Image d'illustration) - Alain Jocard - AFP

Arthur Egloff, metteur en scène et comédien notamment connu pour avoir joué dans "Rien à foutre", était jugé vendredi pour avoir agressé sexuellement une amie qui dormait chez lui. Les faits remontent au mois de juillet 2017.

S'agit-il d'une affaire "de parole contre parole", comme l'évoque le tribunal? D'un dossier révélateur de la libération de la parole des femmes, comme le soutiennent la partie civile et le ministère public? Ou d'un procès sans preuve comme le dénonce la défense? Cette question va se poser lors du délibéré de la 10e chambre correctionnelle du tribunal de Paris qui a jugé ce vendredi Arthur Egloff, metteur en scène et comédien, pour des faits d'agression sexuelle qui datent de juillet 2017.

Au terme d'une audience tardive, le parquet a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis et une obligation de soins à l'encontre du comédien notamment connu pour avoir joué aux côtés d'Adèle Exarchopoulos dans Rien à foutre.

Des faits qui font écho avec cette scène du film, qui dure 7 minutes, et dans laquelle le personnage qu'il incarne éconduit par la jeune femme qu'il tente de séduire après avoir fait la fête et consommé de l'alcool.

"Ce sont des faits qui sont sur le très haut du spectre, du traumatisme causé chez la victime", a insisté la procureure.

Ce 28 juillet, Julie*, 29 ans à l'époque, est de passage à Bruxelles pour l'anniversaire de son meilleur ami. N'ayant pas d'endroit pour dormir la veille, limitée financièrement, elle contacte Arthur Egloff, un copain rencontré en classe de première au lycée avec qui elle est restée en contact toutes ces années par messages. Les deux amis de lycée passent la soirée ensemble, vont au restaurant, sur le chemin du retour, le jeune homme achète une bouteille de whisky et de la cocaïne.

"Je l'ai repris avec pour force pour le repousser"

De retour, à son appartement, ils consomment de l'alcool, plus lui qu'elle, selon sa version, et de la drogue, lui plus qu'elle. Arrive le moment d'aller se coucher. Le colocataire d'Arthur Egloff pouvant rentrer dans la nuit, ils vont devoir dormir ensemble dans le même lit. "On était dans le lit, j’étais dos à lui", souffle la jeune femme aux longs cheveux blonds devant le tribunal. Le jeune homme passe alors le bras autour d'elle et lui demande de coucher avec lui.

"Il m’a touché les seins, la culotte, c’était une dizaine de fois, j’ai dû le reprendre avec force pour le repousser, poursuit-elle difficilement. Les seins, le ventre mais c’était surtout axé vers le bas, sur les vêtements."

Aux enquêteurs, Julie a raconté qu'elle avait eu la sensation que lorsque l'homme a mis sa main sur son sexe, elle avait craint qu'il la pénètre avec ses doigts. Après l'avoir une nouvelle fois repoussé, la jeune femme finit par s'endormir. "J’étais avec un ami à la base, je ne pensais pas qu’il m’arriverait ça", se défend-elle. Elle se réveille alors que sa crainte est en train de se réaliser.

"Je me réveille parce que je sens qu’il est en train de bouger ses doigts dans mon vagin, il se frottait à moi avec son sexe en érection, je me suis levée d’un bond, confie-t-elle au bord des larmes. Je suis parti dans la salle à manger, j’ai pris la nappe, je me suis mise sur la banquette et j’ai attendu que le jour se lève pour partir."

"Je ne l'ai pas violée"

De cette "agression en deux phases" comme l'a qualifiée la procureure, Arthur Egloff en conteste vigoureusement la seconde partie. Oui, il reconnaît avoir pu être "lourd". Oui, il admet avoir pu demander à son amie si elle ne voulait pas coucher avec lui, pensant qu'un jeu de séduction s'était installé entre eux, tout en posant sa main sur son corps la première fois. Oui, il a répété cette question à "trois ou quatre reprises" mais après avoir essuyé un premier échec, il l'assure, il n'a plus touché la jeune femme et ne l'a pas violée pendant son sommeil.

"Pour le coup, j’étais très lucide pour savoir qu’après lui avoir demandé [d'avoir un rapport sexuel] plusieurs fois elle est partie. Il n’y a pas de Julie qui est restée et que j'ai violée", se défend-il.

Ce comportement "déplacé" comme Arthur Egloff, pull noir sur jean noir, le qualifie, il le met sur le compte de l'alcool. "Dans la vie, je n'ai absolument pas eu ce genre de comportement, avec l’alcool ça désinhibe", estime-t-il. "Sans alcool, une fois aurait suffi pour que je dise 'ok' et j'arrête."

Se pourrait-il qu'au vu de sa consommation d'alcool, il ne se souvienne plus des faits. "J'étais lucide", martèle-t-il, assurant maladroitement que la consommation de cocaïne lui permettait d'avoir les idées en place. Le tribunal s'interroge sur cette désinhibition dans les mots mais pas dans les gestes.

"Des faits sur le haut du spectre"

Le tribunal s'interroge aussi sur le comportement de la victime juste après les faits. "Nous n’étions pas là, on va juger c’est une lourde responsabilité, rappelle la présidente. On n'est pas en train de remettre en cause, on vous écoute madame, on vous écoute monsieur. Pour juger on va avoir des besoins et dans une infraction, il faut des éléments matériels et des éléments intentionnels, la connaissance que vous devez avoir vous monsieur du consentement."

Du fait qu'elle est restée dans l'appartement juste après les faits, du message amical envoyé à Arthur Egloff le lendemain de cette nuit du 28 juillet 2017 ou de la date tardive - 5 ans après - pour déposer plainte, la procureure y voit simplement tous les signes des victimes d'agression sexuelle. "Tant que les victimes ont une vie qui roule, elles peuvent mettre ces violences sous le tapis", insiste la représentante du parquet.

"Je ne pense pas qu'Arthur Egloff est un monstre, je pense que c’est plus simple, je pense que c’est quelqu'un qui, dans une démarche égoïste, n’a pas su prendre en compte le refus de quelqu'un d’autre."

Comme dans de nombreuses affaires, ces faits qui pourraient être jugés comme viol ont été requalifiés en agression sexuelle, notamment pour être jugés plus rapidement. POur la défense, il s'agit du signe d'un dossier qui ne tient pas. "Ce n’est pas une histoire de parole contre parole mais de deux personnes qui ont des versions différentes, a plaidé Me Hector Lajouanie, l'avocat du comédien. Sans preuve, le doute doit évidemment bénéficier à l’accusé."

* Le prénom a été modifié à la demande de la jeune femme

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Suicide d’Océane Bourdin, violée à plusieurs reprises : "Ses yeux et sa bouche étaient remplis de vomi. Cette image-là restera gravée en nous"