En Colombie, la guerre de l'eau est déclarée
C'est l'un des pays les plus pluvieux au monde. Et pourtant, la Colombie, qui accueille cette année la COP16 sur la biodiversité, manque cruellement d'eau ! Chaque épisode de sécheresse met à mal un système hydroélectrique inadapté, notamment dans les zones surpeuplées. Bogotá et ses 8 millions d'habitants vivent désormais au rythme des coupures du robinet. La création d'une police de l'eau apportera-t-elle la solution ?
Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir n°933, daté novembre 2024.
Entouré de montagnes boisées, le lac du barrage San Rafael fait grise mine. Perchée sur les Andes à près de 2800 mètres d'altitude, cette grande masse d'eau est une des principales sources de la capitale colombienne, Bogotá. Désormais à moitié vide, elle dévoile des étendues de terre et de pierre qui contrastent tristement avec la verdure qui l'entoure. Deux ans après l'épisode de sécheresse qui a touché la France en 2022, c'est au tour d'un des pays les plus riches en eau d'en manquer.
Selon les dernières données de la Banque mondiale publiées en 2020, la Colombie est en effet le pays recevant le plus de pluie au monde ! Depuis des mois pourtant, Bogotá se trouve soumise à des restrictions d'eau drastiques à cause d'une pénurie de cette précieuse ressource. Comment la situation a-t-elle pu se dégrader aussi rapidement ?
"La Colombie est clairement dans le top 10 des pays les plus pluvieux au monde, confirme le climatologue de l'Université del Rosario à Bogotá, Benjamin Quesada. Mais cela cache des disparités saisonnières et spatiales, ainsi qu'une grande variabilité selon les années. " À l'origine de cette forte variabilité : le phénomène El Niño, qui se caractérise par l'apparition d'eaux très chaudes dans la partie est de l'océan Pacifique équatorial. Cette montée des températures a pour conséquence une forte réduction des précipitations en Colombie. Ce phénomène climatique avait démarré en juin 2023 et, à partir de janvier dernier, a chevauché la saison sèche du pays, ce qui n'a fait qu'aggraver la situation. Au point que les barrages qui alimentent la capitale du pays se sont retrouvés à seulement 19 % de leur capacité en mars.
Cette conjoncture météorologique a été aggravée par d'autres facteurs, notamment la déforestation. Même si ce fléau est en baisse en Colombie ces dernières années, il reste élevé et concernait encore 800 km² en 2023 (près de huit fois Paris). Un véritable dé[...]