Philippe rappelle Collomb à l'ordre sur les 80 km/h

Le ministre de l'Intérieur a émis vendredi des réserves sur la décision du gouvernement de limiter à 80 km/h la vitesse sur les routes secondaires à double sens, estimant que les départements devraient être associés plus avant à cette mesure controversée. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau

STRASBOURG (Reuters) - Le Premier ministre a adressé vendredi un rappel à l'ordre voilé à Gérard Collomb, qui a manifesté ses réserves quant à la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, en soulignant que cette mesure controversée avait été débattue et "assumée" par l'ensemble du gouvernement.

Edouard Philippe a annoncé en janvier dernier une série de mesures pour lutter contre la mortalité routière, dont la réduction, de 90 km/h à 80 km/h, de la vitesse sur quelque 400.000 kilomètres de routes secondaires sans séparateur central à partir du 1er juillet. Son efficacité sera évaluée à partir du 1er juillet 2020.

Le dispositif, qui n'était pas une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, est très impopulaire, particulièrement dans les zones rurales et auprès du lobby automobile.

"Quand on a l'honneur d'exercer des responsabilités publiques, il faut parfois choisir entre de mauvaises décisions qui rendent populaire et des décisions bonnes qui rendent impopulaire", a affirmé Edouard Philippe en marge d'un déplacement à Strasbourg.

"Le gouvernement, dans sa globalité, a choisi et assume ce choix", a-t-il insisté, ajoutant qu'il savait pouvoir "compter sur l'engagement du ministre de l'Intérieur pour faire en sorte que cette mesure du gouvernement soit mise en oeuvre dans d'excellentes conditions."

Gérard Collomb, qui se trouvait jeudi à Rungis (Val-de-Marne) dans le cadre d'un tour de France des ministres pour expliquer l'action gouvernementale, a refusé de répondre alors qu'un participant à une réunion publique lui demandait sa position sur le sujet. "Je prends un joker sur la question", a-t-il lancé.

Prié de s'expliquer vendredi matin sur BFM TV, Gérard Collomb a estimé que les départements devraient être associés plus avant à cette mesure et s'est défendu d'une boutade : "Le Premier ministre a décidé, donc moi tout ce que fait le Premier ministre me plaît par définition."

PHILIPPE ASSUME L'IMPOPULARITÉ

"Je pense que le but recherché est un bon but. Evidemment, on a beaucoup de morts sur les routes de France et donc il convient de prendre l'ensemble des mesures qui permettraient de diminuer cela", a-t-il jugé.

Mais, a-t-il nuancé, "les routes départementales en question appartiennent souvent aux départements, donc ça veut dire qu'il faut peut-être davantage travailler avec eux si l'on veut que la mesure prenne sa pleine effectivité."

Gérard Collomb a évoqué un tropisme "chiraquien" chez le juppéiste Edouard Philippe dans la lutte contre l'accidentologie.

Lors de sa réélection, en 2002, Jacques Chirac avait décrété la sécurité routière grande cause nationale. Au nombre de ses décisions, la mise en place en 2003 des radars automatiques qui avait permis une diminution notable de la mortalité sur les routes.

"L'ensemble des positions s'est exprimé avant que la mesure soit prise, elle a été décidée, elle a été annoncée, elle est assumée, elle entrera en vigueur le 1er juillet", a martelé Edouard Philippe, précisant qu'il s'en était entretenu à de "nombreuses reprises" avec le ministre de l'Intérieur.

"Nous avons évidemment identifié le fait que la prendre serait susceptible de poser dans la population française des questionnements, des interrogations, des critiques, peut-être même à certains égards des agacements, voire de la colère", a-t-il poursuivi.

"Je suis prêt à assumer cette impopularité parce que je crois fondamentalement que réduire le nombre de morts et de blessés sur les routes françaises est un véritable enjeu de politique publique."

Après douze années de baisse continue, la mortalité routière augmente depuis 2014 en France (3.477 morts en 2016) avec la vitesse pour première cause (31%), suivie de l'alcool (19%) et des stupéfiants (9%). En 2016, les routes à deux voies non séparées ont été le théâtre de 55% des accidents mortels, soit 1.911 tués.

(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)