"Ici, il y avait un collabo": ce village de l'est de l'Ukraine se déchire après sa libération
Yarova, village qui comptait 1840 habitants avant la guerre, est situé dans le Donbass, dans l'est du pays. Prise par les Russes, la localité en a été libérée à la mi-septembre par les forces ukrainiennes. Mais le ressentiment demeure contre les partisans de l'ancien occupant comme BFMTV a pu le constater dans un reportage diffusé ce dimanche.
Le 19 septembre dernier, Yarova est repassé sous le contrôle des forces ukrainiennes. Ce village du Donbass était auparavant occupé par l'envahisseur. Mais cette libération n'a pas ramené la paix dans les rues de cette localité proche de Donetsk, ni dans les esprits.
Les patriotes ukrainiens y pointent ceux qui, parmi les habitants, ont épousé la cause russe. Ainsi, à l'occasion d'un reportage diffusé ce dimanche par BFMTV, Mykola, un retraité de Yarova, a guidé nos caméras jusqu'aux maisons de ces collaborateurs présumés.
Deux récits irréconciliables
Au volant, il commence: "Dans cette maison-là, il y avait un 'collabo'". "Il faudrait tous les envoyer en Russie", peste-t-il. Puis, il s'arrête devant un second portail: "Nous sommes devant la maison du prêtre collabo qui est détenu par le Renseignement pour avoir collaboré, et organisé de fausses élections."
Une femme, aux vues diamétralement opposées, arrive. Un dialogue s'engage alors entre elle et Mykola. Un dialogue, ou plutôt une fracture entre deux récits qui semblent irréconciliables.
Oui, il a été arrêté mais je l’aime bien, moi", dit-elle d'abord. "Il aidait surtout les Russes à conquérir l’Ukraine", rétorque Mykola. "Moi, je n'ai rien demandé à personne", lui lance-t-elle plus tard. "Donc tu ne veux pas d'Ukraine ici, c’est ça?" tempête le retraité.
"Seul Dieu peut pardonner"
La fracture tranche parfois des liens anciens, courant le long d'une même artère. D'autant que le village vit depuis huit ans dans l'ombre de la prétendue "République populaire de Donetsk", cette région sécessionniste que la Russie vient d'annexer à sa Fédération.
Ainsi, tandis que Mykola et sa femme, Rubov, ont perdu leur fils à la guerre, tombé revêtu de l'uniforme ukrainien, celui de leurs voisins a choisi de combattre avec les pro-Russes et ce, dès 2014.
"J'ai dit à mon voisin : ‘Je ne veux pas rester à côté de toi, ton fils a rejoint les séparatistes en 2014. C’est un bâtard’. Il m’a répondu : 'Ne l'appelez pas comme ça!'. Je lui ai dit : 'Mon fils est mort pour défendre son pays, le tien est un bâtard'", se souvient Mykola.
Pour Rubov non plus, il n'est pas question de pardonner: "Non, seul Dieu peut pardonner. Je prie Dieu pour qu’ils paient pour mes larmes, ma peine'." Le couple l'affirme d'ailleurs: si les collaborateurs ne sont pas condamnés, poursuivant leur existence en toute impunité dans le village, ils quitteront Yarova.
Article original publié sur BFMTV.com
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