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Covid-19 : pourquoi le traitement à base de colchicine n'est pas si encourageant

L'étude publiée sur la colchicine, anti-inflammatoire supposé efficace contre le Covid-19, ne serait finalement que trop peu fiable.

Samedi 23 janvier, l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM) annonçait que la colchicine était le seul médicament oral efficace pour traiter les malades non-hospitalisés du Covid-19. Mais après la publication complète de l’étude, les résultats seraient finalement peu fiables.

Ce communiqué avait été accueilli comme une très grande nouvelle. La semaine dernière, des chercheurs canadiens affirmaient que la colchicine était très efficace pour les patients atteints du Covid-19 non hospitalisés. Il s’agit d’un anti-inflammatoire pris par voie orale habituellement prescrit dans le traitement de la goutte ou la péricardite aiguë. Selon eux, les conclusions de l’étude affirmaient que pour les patients atteints du coronavirus, le risque d’hospitalisation diminuait de 25% et le risque de décès de 44% par rapport à ceux qui avaient pris un placebo.

Si les résultats de l’étude n’étaient à ce moment que préliminaires, le directeur du Centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal Jean-Claude Tardif affirmait qu’ils étaient très convaincants. À peine la nouvelle annoncée, l’agence grecque de médicaments donnait son feu vert pour la prescription de la colchicine comme traitement contre le Covid-19 dans le pays, bien que cette “découverte scientifique majeure” ne soit publiée dans aucune revue scientifique ni validée par des pairs.

VIDÉO : Covid-19 : la colchicine, nouvel espoir de chercheurs québécois :

“La dose thérapeutique est proche de la dose toxique”

Immédiatement, de nombreux scientifiques ont voulu rester très prudents et ont alerté sur la dangerosité potentielle de cet anti-inflammatoire. Contacté par LCI, le professeur Mathieu Molimard, directeur du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, prévient qu’il ne s’agit pas d’un anti-inflammatoire classique, mais “plus exactement d’un antimitotique, voire d’un anti-cancéreux”. “Toute variation de sa concentration dans votre organisme, même légère, peut éventuellement entraîner des effets indésirables, potentiellement graves. En d’autres termes, la dose thérapeutique est proche de la dose toxique”, ajoute-t-il. Des propos confirmés par le réseau français des 31 centres de pharmacovigilance sur Twitter.

(Twitter/ @@Reseau_CRPV)
(Twitter/ @@Reseau_CRPV)

Le Professeur Molimard soulignait également le fait qu’il ne s’agissait pas d’une étude complète et s’étonnait que ces résultats préliminaires soient publiés par voie de communiqué de presse et non par le biais d’une publication scientifique. De nombreux autres membres de la communauté scientifique, notamment aux États-Unis, ont dénoncé ces résultats préliminaires peu significatifs.

Un écart peu important

Ce mercredi, les résultats complets de l’étude canadienne ont été publiés et la différence entre les patients ayant pris de la colchicine et ceux ayant reçu un traitement placebo est très faible. Sur les 4488 personnes ayant participé à l’étude, 2235 ont pris de la colchicine et 2253 faisaient partie d’un groupe placebo. 4,7% des personnes (104) faisant partie du groupe colchicine ont été hospitalisées ou sont décédés, contre 5,8% (131) dans le groupe placebo. Si l’écart existe, il est minime.

Résultats de l'étude (medRxiv)
Résultats de l'étude (medRxiv)

Dans le groupe colchicine, 5 personnes sont mortes contre 9 dans le groupe placebo. Si la différence peut paraître grande en termes de pourcentage avec presque deux fois plus de décès dans le groupe placebo, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes en raison d’un intervalle de confiance (ndlr : ce qui définit une marge d’erreur) trop important. Il est donc difficile d’affirmer que ces chiffres avec une différence aussi minime de 4 personnes ne sont pas dus au hasard.

(Twitter/ @vincentglad)
(Twitter/ @vincentglad)

Si les résultats peuvent donc paraître à première vue encourageants, ils sont en réalité peu significatifs en raison de l’étude qui n’est pas d’assez grande envergure. La fiabilité des résultats n’est donc pas suffisante pour en tirer des conclusions. L’étude devait initialement porter sur 6000 participants mais seulement 4488 participants (-25%) ont été recrutés à cause de problèmes de logistique.

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