Le coût du SNU, la chère promesse d’Emmanuel Macron, étrillé par la Cour des comptes

Le service national universel a vocation à être généralisé en 2026. Mais cinq ans après son lancement, la Cour des comptes se montre très dubitative sur sa réussite.

Emmanuel Macron avec des volontaires du SNU le 5 juin 2024 à Saint-Lo lors des commémorations des 80 ans de la Libération.
CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP Emmanuel Macron avec des volontaires du SNU le 5 juin 2024 à Saint-Lo lors des commémorations des 80 ans de la Libération.

POLITIQUE - Pas grand-chose ne va. Entre des objectifs « incertains », un coût « largement sous-estimé » et des « difficultés de déploiement », la Cour des comptes a dressé ce vendredi 13 septembre un bilan sévère du Service national universel (SNU), dispositif cher à Emmanuel Macron, cinq ans après son lancement.

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« Plus de cinq années après son démarrage, ses objectifs demeurent incertains et dès lors mal compris par le grand public, en particulier par les jeunes qui en constituent pourtant la cible », écrit la Cour dans son rapport.

Promesse de campagne du chef de l’État, le SNU a été lancé en 2019 avec l’objectif de le rendre à terme obligatoire pour toute une classe d’âge (environ 800 000 jeunes par an). Il comporte une « mission d’intérêt général » et un « séjour de cohésion » comprenant des activités sportives, culturelles et intellectuelles, avec des journées qui débutent par la « levée des couleurs » (drapeau et hymne national) et port de l’uniforme. Il ne concerne jusqu’à présent que des jeunes volontaires âgés entre 15 et 17 ans.

La Cour déplore notamment qu’en « matière de mixité sociale comme d’engagement, les ambitions du dispositif ne sont pas atteintes ». « Les milieux d’origine des jeunes participants se caractérisent, depuis 2019, par une surreprésentation de jeunes dont les parents servent ou ont servi dans les corps en uniforme et de catégories socioprofessionnelles plus favorisées », écrit-elle.

En janvier dernier, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal a annoncé le lancement des « travaux » en vue d’une généralisation du SNU « à la rentrée 2026 ». Cette généralisation, évoquée à plusieurs reprises ces derniers mois (avec quelques contradictions), se heurte à de vives résistances. Depuis mars, ce dispositif est intégré au temps scolaire, avec un stage de douze jours pour les élèves en classe de seconde, volontaires.

Les Sages de la rue Cambon se sont penchés aussi sur le coût du SNU, sujet qui, depuis le départ, fait débat. Ils épinglent « un dispositif sans pilotage budgétaire » et dont le coût est « largement sous-estimé ». « Le chiffrage du coût du SNU dans sa configuration actuelle et généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge (soit environ 850 000 jeunes) est de 2 milliards d’euros », rappellent-ils, mais « il ne correspond pas à une évaluation du coût global du dispositif pour les pouvoirs publics ».

Le coût de fonctionnement annuel du dispositif généralisé serait, selon les Sages, plutôt de « 3,5 à 5 milliards d’euros ». En 2023, un rapport sénatorial estimait de son côté que le coût du SNU pourrait s’élever « entre 2,4 et 3,1 milliards d’euros par an », comme évoqué dans un rapport des inspections générales de 2018. Ce rapport recommandait même de « surseoir » à ce projet.

La Cour des comptes évoque aussi de « multiples difficultés » dans le « déploiement » du SNU, notamment sur l’« identification de lieux d’hébergement susceptibles d’accueillir des mineurs dans le respect des jauges prévues par le cahier des charges, les conditions de recrutement » ou encore la « rémunération des encadrants, le transport des jeunes vers et depuis les centres ».

Elle fait ainsi des recommandations. La Cour des comptes propose notamment de « clarifier les objectifs du dispositif et prévoir leurs modalités d’évaluation », de « créer les conditions d’un pilotage ministériel et administratif adapté aux ambitions du dispositif » - en évoquant l’Éducation nationale, les Armées et les Comptes publics - ou encore de « donner une assise juridique au dispositif, permettant d’assurer sa montée en charge ».

Dans un document annexe au rapport, le ministère de l’Éducation nationale se défend, affirmant que « les objectifs du SNU sont parfaitement clairs et connus depuis l’origine et demeurent inchangés : faire Nation, renforcer la cohésion sociale, proposer un parcours d’engagement aux jeunes ».

« Par ailleurs, de premiers résultats ont été obtenus en termes de mixité sociale et géographique, en particulier grâce au nouveau dispositif ’classes et lycées engagés’ déployé à partir de 2024 », affirme le ministère. De son côté, le ministère des Armées admet « la nécessité de clarifier ses objectifs (du SNU, ndlr) et de créer les conditions d’un pilotage ministériel et administratif adapté à l’ambition gouvernementale retenue ».

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