Climat, Ukraine... Comment l'élection de Trump pourrait redonner de l'air à Macron sur la scène internationale

En retrait depuis l'arrivée de Michel Barnier à Matignon, le chef de l'État français pourrait profiter du retour du milliardaire à la Maison Blanche pour s'imposer comme son principal interlocuteur européen sur les sujets internationaux.

La réélection de Donald Trump peut-elle donner de l'air à Emmanuel Macron sur la scène européenne et internationale, à l'heure où il est en recul sur la scène politique française? La question est ouverte ce mercredi 6 novembre alors que l'Union européenne va probablement devoir multiplier les bras de fer avec le successeur de Joe Biden.

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Des sujets économiques au climat, l'occasion pourrait être belle pour le président français, jugé démonétisé par certains à Bruxelles depuis la dissolution, de regagner en épaisseur politique.

Bien conscient de cette opportunité, Emmanuel Macron a appelé à "un réveil stratégique européen" lors du Conseil des ministres. Quelques heures plus tôt, il a appelé le chancelier allemand Olaf Scholtz pour travailler conjointement "pour une Europe plus unie, plus forte, plus souveraine", selon un porte-parole du gouvernement allemand.

Le chef de l'État pourrait bien être tenté de redevenir l'interlocuteur privilégié européen de Donald Trump comme il était parvenu à le faire au début de son premier quinquennat. À l'époque, il avait profité de l'affaiblissement d'Angela Merkel, occupée pendant des mois à former son gouvernement et l'effacement du Royaume-Uni, traditionnel allié des États-Unis, alors tourné vers les négociations pour le Brexit.

Avec un certain succès: le locataire de l'Élysée avait été le premier dirigeant étranger à avoir les honneurs d'une visite d'État avec un dîner symbolique à Mount Vernon, la prestigieuse résidence de George Washington. Le bilan avait cependant été plutôt maigre, ne faisant pas bouger les grandes lignes, notamment sur la guerre en Syrie.

Premier dossier en haut de la pile pour le locataire de l'Élysée dans les prochains mois: la question de l'augmentation des droits de douane sur les produits européens d'au moins 10 à 20%. Mode, parfums, vins et spiritueux... La mesure pourrait durablement frapper la France. Les exportations de vin français vers les États-Unis pèsent à elles seules 2,1 milliards dans la balance commerciale française.

Manifestement soucieux de ne pas froisser Donald Trump, Emmanuel Macron a d'ailleurs été l'un des tous premiers dirigeants mondiaux à saluer la victoire de Donald Trump ce mercredi.

Second dossier sur lequel la France pourrait vouloir prendre l'avantage: les questions climatiques. Donald Trump a déjà annoncé vouloir sortir à nouveau les États-Unis des accords de Paris pour le climat.

Acté lors de sa première présidence avant un retour sous Joe Biden, celui qui signe un retour historique à la Maison Blanche devrait reprendre ses habits de climato-sceptique et sortir à niveau des accords les États-Unis de cet accord environnemental.

Le nouveau président a déjà promis que son pays allait "forer (du pétrole) comme des malades". De quoi inquiéter alors que les Américains sont ceux qui ont le plus gros bilan carbone par habitant de toute la planète.

En 2018, Emmanuel Macron avait joué la carte du bras de fer avec Donald Trump en appelant à "make our planet great again" depuis l'Élysée, soit presque mot pour mot le slogan du président des États-Unis pendant sa campagne. Quelques minutes avant la diffusion de ce message, il s'était fendu d'un coup de fil à son homologue américain, évoquant "de nouvelles initiatives" européennes pour lutter contre le réchauffement climatique.

La méthode n'avait cependant guère porté ses fruits: Donald Trump n'avait pas reculé sur son retrait des accords de Paris.

Derniers dossiers sur lequels Emmanuel Macron pourrait tenter d'influer sur Donald Trump: les sujets diplomatiques. Le président des États-Unis a déjà assuré pendant sa campagne qu'il trouverait un accord entre la Russie et l'Ukraine "en moins de 24 heures", sans plus de précisions.

De quoi faire craindre pour Kiev un infléchissement des dépenses américaines en sa faveur. Depuis le début du conflit, en février 2022, les États-Unis sont le plus grand donateur en faveur de l'Ukraine, avec plus de 60 milliards d’euros d’aide militaire et un soutien indéfectible montré par Joe Biden.

Ces derniers mois, l'Union européenne a adopté au forceps un accord pour financer une nouvelle aide militaire destinée à l'Ukraine. L'Allemagne, l'un des principaux bailleurs de fonds, est désormais réticente à mettre la main à la poche, au grand dam d'Emmanuel Macron. Le probable désengagement américain sur le sujet pourrait donner du grain à moudre à la France pour reprendre sa casquette de premier défenseur de Volodymyr Zelensky.

Quant à la question de la guerre entre Israël et le Hamas, Donald Trump a assuré à plusieurs reprises que la sécurité d'Israël dépendait directement de lui. S’adressant à des représentants de la communauté juive en septembre, il s’était présenté comme le "protecteur" d’Israël, déclarant que le pays cesserait d’exister si les démocrates remportaient l'élection.

Cela pourrait-il pousser le chef de l'État français, soucieux d'afficher un certain équilibre entre son soutien à Israël et sa préoccupation quant au sort de Gaza, perpétuellement pillonné depuis les attaques du 7 octobre, à s'engager plus? Jusqu'ici, Emmanuel Macron a toujours veillé à maintenir une posture d'équilibre.

Alors que les communautés juive et musulmane vivant en France comptent parmi les plus importantes d'Europe, la crainte de tensions au sein de l'Hexagone, sur fond d'explosions d'actes antisémites, est dans toutes les têtes. De quoi peut-être pousser le chef de l'État à ne pas se mettre en scène avec ou contre Donald Trump sur ce dossier.

En attendant son investiture en janvier prochain et les futures rencontres avec Emmanuel Macron, la diplomatie française s'active déjà en coulisses. Le ministre de la Défense Sébastien Lecornu recevra ce mercredi soir son homologue allemand pour discuter des conséquences du retour du milliardaire à la Maison Blanche.

Article original publié sur BFMTV.com