Climat : l’année où la France s’est découverte victime du réchauffement

CLIMAT - Plus besoin d’aller au pôle Nord pour observer la fonte des glaces. En 2022, pour voir les effets du réchauffement climatique de ses propres yeux… Il suffisait de regarder par la fenêtre, ou de sortir dans son jardin. Incendies géants, pénurie d’eau, récoltes détruites : cette année a marqué un tournant inédit pour le climat en France.

Et pour cause, l’Europe est aux premières loges du dérèglement climatique. Selon le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), il s’agit de la région qui se réchauffe le plus rapidement au monde, juste après l’Arctique. Concrètement, les températures de l’Europe grimpent plus de deux fois plus vite que la moyenne mondiale.

Le continent s’est réchauffé à un rythme accéléré ces trente dernières années, et les effets sont déjà visibles. En 2021, l’Europe avait été frappée par une série d’événements climatiques extrêmes : de graves inondations en juillet, et des incendies destructeurs durant tout l’été. Mais l’année 2022 est allée encore plus loin. De quoi nous rappeler que « même les sociétés bien préparées ne sont pas à l’abri des phénomènes météorologiques extrêmes » appuie le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas.

L’année la plus chaude jamais enregistrée en France

« En 2022, tous les mois de l’année ont été plus chauds que la normale, à l’exception des mois de janvier et d’avril » indique Météo France dans son bilan annuel. Un constat exceptionnel, qui fait de cette année la plus chaude jamais enregistrée en France. « Ces épisodes estivaux auraient été hautement improbables et nettement moins intenses sans l’effet du changement climatique » estime Météo France.

Trois vagues de chaleur impressionnantes ont frappé l’ensemble du pays, début juin, puis au mois de juillet et d’août. Un été étouffant, où les canicules se sont enchaînées, battant à plusieurs reprises des records. La France a vécu ses 40°C les plus précoces, à Saint-Jean-de-Minervois (34), dès le 16 juin. Jamais auparavant une telle chaleur n’avait été observée si tôt dans la saison en France.

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En août, la moyenne des températures a grimpé 2,6 degrés au-dessus de la normale. Durant la période estivale, les hôpitaux ont enregistré un excès de plus de 10 000 décès selon Santé publique France. C’est le niveau de surmortalité le plus important pour un été, depuis la canicule de 2003.

La moitié de ces décès est imputable au covid, mais la canicule a aussi pesé lourd dans la balance. Quatre régions cumulent près des deux tiers de l’excès national de mortalité. Sans surprise, ce sont les régions les plus touchées par les vagues de chaleur : l’Auvergne-Rhône-Alpes (+ 473 décès), la Nouvelle-Aquitaine (+ 436 décès), l’Occitanie (+ 509 décès) et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 316 décès). Cette chaleur inhabituelle a également fragilisé notre écosystème.

L’année où les « méga feux » sont entrés dans notre quotidien

C’est ainsi que l’Europe n’avait pas connu une saison de feux de forêt aussi intense depuis 15 ans. Il ne fait aucun doute que ces catastrophes sont liées au dérèglement climatique. « La majorité des incendies se sont produits dans des endroits où le changement climatique a accru l’inflammabilité de la végétation » souligne Mark Parrington, chercheur de l’équipe Copernicus.

-- AFP ENVIRONMENT PICTURES OF THE YEAR 2022 -- 

A silhouette is seen in front of flames at a wildfire near Belin-Beliet, southwestern France, overnight on August 11, 2022. - French officials warned that flare-ups could cause a massive wildfire to further spread in the country's parched southwest, where fresh blazes have already blackened swathes of land this week. Prime Minister is expected to meet with authorities battling the Landiras blaze south of Bordeaux, and further reinforcements are expected for the 1,100 firefighters on site, the prefecture of the Gironde department said. (Photo by Thibaud MORITZ / AFP) / AFP ENVIRONMENT PICTURES OF THE YEAR 2022

En France, plus de 66.000 hectares sont partis en fumée. Les feux près de Landiras (Gironde) représentent à eux seuls 21 465 hectares. Les images des incendies dans le Sud Ouest ont fait la Une de tous les journaux, et le mot « méga feux » est entré dans le quotidien des Français.

Un terme tout droit venu des États-Unis, utilisé d’habitude pour décrire les incendies gigantesques de Californie. Au-delà de leur intensité, les feux de forêt de cette année ont aussi été inédits par leur localisation. La Bretagne, les massifs du Jura et des Vosges, d’ordinaires épargnés, ont été durement touchés.

A De Havilland Canada Dash 8-400 MR aircraft drops water over a wildfire raging in the Monts d'Arree, near Brennilis, Brittany, on July 20, 2022. - A heatwave fuelling ferocious wildfires in Europe pushed temperatures in Britain over 40 degrees Celsius (104 degrees Fahrenheit) for the first time after regional heat records tumbled in France. (Photo by LOIC VENANCE / AFP)

L’année où la sécheresse nous a coupé l’eau du robinet

Août 2022. Dans plus d’une centaine de communes en France, l’eau ne coule plus au robinet. 93 départements sur 96 font l’objet de restrictions d’eau à différents degrés. Les deux tiers du pays sont classés « en crise ». La sécheresse se voit partout. Le sol craquelé, les fleuves à sec.

La Loire n’est plus qu’un banc de sable avec quelques rivières qui le traverse. L’usage de l’eau est réduit et contrôlé. L’arrosage des pelouses, le lavage des voitures ou encore l’irrigation des cultures en journée sont interdits. Pour continuer d’avoir accès à l’eau potable, la France s’organise : faire venir l’eau par camion-citerne, dessaler l’eau de mer, et en dernier recours, distribution de bouteilles d’eau.

This aerial picture shows a bridge over the dried out Loire River bed at Loireauxence, western France on September 20, 2022. - This summer was France's second-hottest on record with average temperatures 2.3C above the norm, a slew of large-scale wildfires which ravaged much of the southwest and widespread drought as well as several severe storms. (Photo by Damien MEYER / AFP)

Aujourd’hui, « la situation des nappes phréatiques n’est toujours pas satisfaisante » constate Brgm, le service géologique national français, dans son dernier bulletin. « L’accès à l’eau n’est désormais plus garanti en permanence en France » ajoute Marillys Macé, Directrice Générale du Centre d’information sur l’eau. « À ce jour, 27 départements sont encore sous un arrêté de restriction. La situation est inédite, et toujours pas résolue ».

L’année où l’on a eu du mal à produire notre nourriture

« Quand ce n’était pas la sécheresse et les incendies, c’était l’orage et la grêle » souffle Luc Servant, Vice-Président de la Chambre d’agriculture. Les agriculteurs sont à bout de souffle après cette année de tous les extrêmes. « Certaines productions ont été totalement perdues. Le maïs n’a même pas pu être ramassé dans le Sud-ouest, mais aussi dans les pays de Loire et la Normandie. L’ensemble du système agricole a été touché ».

Climat : l’année où la France s’est découverte victime du réchauffement
Climat : l’année où la France s’est découverte victime du réchauffement

Des pertes sur le maïs, le tournesol, les cultures de légumes... La production de pomme de terre a par exemple baissé de 30% cette année. « Dans le sud de la France, cela fait cinq ans que l’on n’a pas eu de bonnes productions à cause de la météo » affirme Luc Servant. « Désormais il y a une vraie crainte du climat chez les agriculteurs. On se demande : mais qu’est-ce qu’on va avoir l’an prochain ? Est-ce qu’on va un jour retrouver nos niveaux de productions d’avant ? ».

À cause de cette baisse de production, mais aussi de l’inflation et de la guerre en Ukraine, le prix des fruits et légumes ne cesse d’augmenter. Pour la viande aussi il faut s’attendre à une augmentation des prix en 2023 : « Il est actuellement très difficile de trouver de quoi nourrir les bêtes à un prix raisonnable » indique Luc Servant. Cet été, les récoltes de foin ont été désastreuses. Résultat : le fourrage qui sert à nourrir les élevages se vend aujourd’hui deux à trois fois plus cher. Un énième exemple du prix à payer face au changement climatique.

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