Clarisse Agbegnenou donne des pistes pour un meilleur accueil des « athlètes-parents » aux JO - INTERVIEW

JUDO - Colliers d’or et de bronze au cou, Clarisse Agbegnenou rayonne. Lorsque nous rencontrons la judokate, ce jeudi 8 août au siège de Danone dont elle l’une des ambassadrices, elle multiplie les grands sourires et se laisse volontiers photographier. Ce bonheur est toutefois entaché par sa défaite en demi-finale des JO de Paris contre la Slovène Andreja Leski.

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Promise à l’or comme à Tokyo, se contenter du bronze en épreuve individuelle est difficile à encaisser pour la jeune femme de 31 ans qui concourt chez les moins de 63 kg. « Je suis dégoûtée », répète-t-elle en boucle aux personnes qui la questionnent sur cette troisième place. Avant de rapidement ajouter : « Heureusement que j’ai eu la médaille d’or en équipe mixte, parce que je l’avais promise à ma fille, Athéna ».

Allaiter en tant que sportive de haut niveau

Car pour la première fois aux Jeux olympiques, Clarisse Agbegnenou était non seulement athlète, mais aussi maman. Athéna l’a suivie partout : de l’hôtel près du village olympique qui était réservé pour elles, jusqu’à l’Arena du Champ-de-mars où la petite fille de 2 ans l’attendait sagement dans la salle d’échauffement ou dans les gradins.

Emmener sa fille aux Jeux olympiques de Paris n’était pas une option. « Après Tokyo, je voulais commencer ma vie de femme, mais je voulais aussi continuer ma vie de sportive. Je voulais faire les deux...à fond. C’est ma fille qui m’a poussée à faire [les Jeux de] Paris », argue-t-elle au HuffPost.

Si la Fédération internationale de judo a autorisé la judokate à s’entraîner et faire ses compétitions avec Athéna, l’organisation de vie de la championne est complexe depuis deux ans. D’autant que la jeune maman a voulu continuer d’allaiter. « Si pendant les entraînements, elle a besoin de téter, je suis obligée de faire une pause (...) Pendant les combats, j’allaite dans la salle d’échauffement, raconte-t-elle, admettant qu’il y a de la fatigue ».

L’« apaisante » Athéna

L’allaitement et le sport à haut niveau ont même parfois provoqué chez elle des gros coups de pompe. « À un moment donné, je me suis sentie très fatiguée, ma thyroïde tirait (les problèmes de thyroïde peuvent entraîner des difficultés de production de lait NDLR), je ne m’alimentais pas assez », poursuit Clarisse Agbegnenou. Elle précise que son régime alimentaire a dû être repensé avec une nutritionniste pour lui donner suffisamment de force pour porter la double casquette de maman et d’athlète.

« J’espère qu’avec Athéna, nous avons donné envie à d’autres personnes d’avoir des enfants tout en continuant une carrière sportive » - Clarisse Agbegnenou, médaillée d’or et de bronze aux JO de Paris

Si élever Athéna est forcément une source de fatigue, la désormais quintuple médaillée olympique affirme qu’elle « ne s’est jamais sentie aussi forte ». Même les réveils pour allaiter Athéna, entre « 3 et 4 fois par nuit », ne la dérangent pas.

Non seulement sa petite fille a un pouvoir « apaisant », mais elle est aussi un véritable remontant et soutien moral, affirme-t-elle. Après avoir décroché le bronze, Clarisse Agbegnenou n’a aucune envie de célébrer. Elle a préféré retrouver Athéna pour la câliner. « C’était mon petit moment de bonheur », confie-t-elle.

À Los Angeles, « il faudrait un village annexe » pour les coparents

Si tout s’est bien passé pour la mère et la fille à Paris, la judokate voit quand même de nombreux points d’amélioration à réaliser dans l’organisation des Jeux pour faciliter la vie des parents. Déjà, pour les familles de spectateurs, elle défend l’idée de tickets gratuits pour les enfants : « C’est peut-être coûteux, mais, si vous vous voulez [les organisateurs des JO] que ce soit des Jeux pour tous, vous ne pouvez pas mettre des billets payants pour les enfants ». Et s’insurge : « À Paris, des bébés de 6 mois doivent payer leur entrée ! »

Pour les « athlètes-parents » ensuite, Clarisse Agbegnenou a beaucoup d’idées à soumettre aux organisateurs des prochains Jeux olympiques, qui se dérouleront à Los Angeles en 2028. « Il faudrait un village annexe ou un bâtiment dédié aux personnes qui ont des enfants. Il faudrait aussi convier les conjoints, les enfants, les coparents, et leur donner une accréditation pour qu’ils puissent nous aider au village », abonde celle qui a dû batailler avec le comité olympique pour séjourner dans un hôtel avec sa maman et sa fille.

La double championne olympique propose aussi d’embaucher au sein du comité d’organisation « une personne dédiée [aux familles] pour que les athlètes puissent continuer la compétition et avoir leurs enfants à côté » et réclame également « une plus grande nurserie » que celle du village de Paris 2024.

Optimiste sur le fait que les mentalités dans le milieu sportif évoluent vite, Clarisse Agbegnenou est persuadée « qu’en 2028 il y aura plus de parents, enfin je l’espère. Je pense qu’avec Athéna, nous avons donné envie à d’autres personnes d’avoir des enfants tout en continuant une carrière sportive ». Prête à renfiler son judogi pour renouer avec l’or à Los Angeles, la championne reviendra « avec d’autres enfants » et espère que Paris aura été un tremplin pour l’accueil des « athlètes-parents ».

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