Cinq grandes victoires de l'ONU, qui fête ses 75 ans

Le siège des Nations Unies à New York. Le service de sécurité des Nations unies a remis à la police new-yorkaise un journaliste accrédité à l'Onu et travaillant pour une télévision iranienne après avoir trouvé une arme de scène dans ses affaires. /Photo d - -
Le siège des Nations Unies à New York. Le service de sécurité des Nations unies a remis à la police new-yorkaise un journaliste accrédité à l'Onu et travaillant pour une télévision iranienne après avoir trouvé une arme de scène dans ses affaires. /Photo d - -

L'Organisation des nations unies (ONU) célèbre ce samedi ses 75 ans. Cette institution internationale qui a officiellement vu le jour le 24 octobre 1945, en remplacement de la Société des nations, compte aujourd'hui 193 États membres. Sa vocation: maintenir la paix et la sécurité dans le monde et développer les relations amicales entre les nations. Elle ambitionne également de promouvoir les droits de l'Homme, fournir une aide humanitaire et garantir le droit international. Comme le stipule sa charte fondatrice, l'ONU a pour but de "préserver les générations futures du fléau de la guerre".

Mais elle est souvent critiquée, notamment pour ses échecs. Du massacre de Srebrenica en Bosnie, en passant par l'enlisement du conflit israélo-palestinien, ou plus récemment avec la Syrie et la difficile application de l'accord sur le climat, nombreux sont ceux à pointer ses limites. Pourtant, l'ONU se félicite d'apporter nourriture et aide humanitaire à 86,7 millions de personnes dans le monde, de couvrir les besoins en vaccins de la moitié des enfants de la planète et de protéger 82,5 millions de personnes fuyant la guerre, la famine ou la persécution. BFMTV.com revient sur cinq moment forts de l'histoire de cette organisation.

• Son rôle dans la décolonisation

Comme elle se le targue elle-même, la décolonisation est présentée comme "l'un des chapitres les plus importants de l'histoire de l'Organisation" et l'une des plus grandes réussites de l'ONU. En 1960, la "Déclaration sur l'octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux" était adoptée - à titre de comparaison, l'Algérie était alors en pleine guerre et n'est devenue indépendante que deux ans plus tard.

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, se félicitait d'ailleurs que le comité spécial de la décolonisation des Nations Unies ait "accompagné de nombreux territoires dans leur cheminement" vers l'indépendance. "Les peuples des territoires doivent faire entendre leur voix", ajoutait-il, évoquant notamment le cas de la Nouvelle-Calédonie - le "non" l'a emporté lors d'un deuxième référendum organisé début octobre.

• Le maintien de la paix

Quelque 95.000 personnels militaires, de police et personnels civils sont actuellement déployés à travers 13 missions de maintien de la paix, comme au Liban, au Soudan ou au Mali. Il est toujours très difficile d'évaluer l'impact de ces opérations, pointe pour BFMTV.com l'historien Pierre Grosser, chercheur au centre d'histoire de Sciences Po Paris. "On a évidemment en tête les échecs des années 1990, comme au Rwanda ou en ex-Yougoslavie." Mais selon lui, beaucoup de progrès ont été faits dans les efforts de médiation depuis le début des années 2000. "On ne peut pas dire que ces opérations aient été spectaculaires ou fondamentales pour sauver la paix mais elles y ont tout de même contribué."

Pour Romuald Sciora, chercheur associé à l'Iris spécialiste des Nations unies et co-auteur du livre "Qui veut la mort de l'ONU?", c'est en coulisses que l'ONU a, par le passé, assuré le maintien de la paix. Et selon lui, les Nations unies ont certainement évité une troisième guerre mondiale durant la Guerre froide.

"Au moment de la crise des missiles de Cuba (une succession d'événements en 1962 qui ont opposé les États-Unis et l'Union soviétique au sujet des missiles nucléaires russes pointés en direction des États-Unis depuis Cuba, NDLR), l'ONU a permis de rapprocher les deux grandes puissances, analyse-t-il pour BFMTV.com. Sans refaire l'histoire de manière chronique et même si l'ONU n'a aucun pouvoir exécutif, elle a favorisé un dégel en mettant en place, par l'entremise de son secrétaire général de l'époque, un dialogue."

• Une caisse de résonance des enjeux du monde?

Pour l'historien Pierre Grosser, l'ONU a le pouvoir de fixer un nouveau vocabulaire et d'imposer un nouvel agenda. "C'est notamment ce qui a été fait sur la question environnementale et sur les droits des femmes." Selon ce spécialiste des relations internationales, auteur de "L'histoire du monde se fait en Asie: une autre vision du XXe siècle", si L'ONU "ne peut pas faire d'exploit", elle peut néanmoins "mettre sur la table" des problèmes fondamentaux, aux États membres de s'en emparer.

"Ce n'est pas toujours très spectaculaire mais beaucoup de choses ont avancé grâce aux nouvelles idées poussées à l'intérieur de l'ONU. C'est une caisse de résonance des problèmes et des enjeux du monde contemporain mais aussi un lieu de batailles d'idées et de mots, comme en ce moment avec la Chine sur les droits de l'Homme. Cette dernière bagarre pour placer ses pions à des postes d'influence au sein des agences et permettre des conditions au respect des droits de l'homme."

• Des symboles

"Les symboles sont parfois plus forts que les actes politiques", ajoute Romuald Sciora, spécialiste des Nations unies. Il cite ainsi le discours de Yasser Arafat - le leader palestinien - invité à s'exprimer à la tribune de l'ONU, en 1974, "porteur d'un rameau d'olivier et d'un fusil de combattant de la liberté", lançait-il alors. Quelques jours plus tard, l'Assemblée générale de l'ONU votait la reconnaissance du droit des Palestiniens à l'autodétermination. "C'était la première fois qu'un acteur palestinien, jusque-là considérés comme des terroristes, pouvait s'adresser au monde entier." L'année dernière, c'était le "comment osez-vous" de la jeune militante écologiste Greta Thunberg qui résonnait à la tribune de l'ONU, dénonçant l'inaction des dirigeants de la planète contre le changement climatique.

Mais si les symboles son forts, Romuald Sciora relativise tout de même leur portée. "L'ONU politique de 1945 n'a jamais pu aboutir et n'a jamais vraiment eu le succès espéré, ce qui a conduit aux tragédies que l'on connaît, comme le Rwanda. Si, après la Guerre froide, les dirigeants du monde ont tout de même pu se parler, l'ONU politique est aujourd'hui quasi absente de la scène internationale."

• Le succès de ses agences

Cette année, le prix Nobel de la paix a été décerné au Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. En soixante-quinze ans, l'Organisation des Nations Unies, ses institutions spécialisées - comme le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) ou le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) - et ses fonctionnaires ont reçu douze prix Nobel de la paix. Pour Romuald Sciora, ce sont les agences de l'ONU qui font le succès de cette organisation.

"Aujourd'hui, l'ONU politique est mort et ne ressuscitera pas alors que nous sommes en pleine crise du multilatéralisme. Son secrétaire général est absent, même symboliquement, des grands théâtre de crise, alors qu'il aurait pu être une voix, notamment pour s'opposer à Donald Trump lors de son retrait de l'OMS. Mais l'ONU va survivre à travers ses agences."

Article original publié sur BFMTV.com