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Cinéma. “Mémoires de mon corps”, ou la danse du masculin et du féminin

“Je vois la vie à travers un trou”, déclare le danseur Rianto, de la tristesse plein les yeux et un sourire amer sur les lèvres. C’est sur cette déclaration à la fois sexuelle et énigmatique que s’ouvre Kucumbu Tubuh Indahku (Mémoires de mon corps), le nouveau long-métrage de l’Indonésien Garin Nugroho, dont Rianto interprète le rôle principal.

Mémoires de mon corps met en scène Juno, un gamin pauvre qui vit dans un village de Java, au début des années 1980. Abandonné par son père, il rejoint un centre de danse lengger, une forme de danse traditionnelle dans laquelle des hommes féminisent leur apparence et leur gestuelle. Juno a du mal à apprivoiser son corps souple. “Ses doigts, ses jambes et ses yeux semblent posséder une vie qui leur est propre. Tout son corps fait naître le désir aussi bien chez les hommes que chez les femmes, qui l’entraînent depuis la scène où il se produit comme danseur de lengger jusque dans leur lit, pour qu’il devienne leur amant”, note Tempo.

“Ton corps est fait pour danser”, lui a dit son premier professeur de danse, un homme à la fois raffiné et violent qui lui a expliqué que lengger est formé de deux mots javanais : leng, le trou, et ger, la crête du coq. Telle est la première introduction à la sexualité que reçoit Juno, encore un tout jeune enfant.

Le masculin et le féminin dans un même corps

Le film retrace le parcours de Juno, et l’évolution de son identité. “Son village célébrant encore la tradition de la danse lengger, l’harmonie féminine et masculine dans le corps de Juno passe pour naturelle. Son corps dansant possède son propre esprit. Mais Juno grandissant, cette osmose naturelle est remise en question par la société, parfois dans des bains de sang. À cette violence s’ajoute l’abandon du jeune danseur par son père qui n’arrive pas à surmonter le traumatisme des persécutions qu’il a subies en 1965 [lors d’une violente vague de répression du Parti communiste et de ses sympathisants]. Jusqu’au lynchage, sous ses yeux, de sa nouvelle professeure de danse que Juno considère comme une mère. Ainsi, tout au long de sa vie, Juno fuit la violence qui oblige son corps à se soumettre à la définition du genre”, écrit Tempo.

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