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La Ciivise rend son rapport final, et voici trois mesures essentielles qu’elle propose

La Ciivise rend son rapport final, voici trois préconisations que le gouvernement doit mettre en place.
Catherine Falls Commercial / Getty Images La Ciivise rend son rapport final, voici trois préconisations que le gouvernement doit mettre en place.

INCESTE - C’est un rapport qui fera date. Après presque trois ans d’écoute et d’action, près de 30 000 témoignages récoltés et plusieurs bilans intermédiaires, la Ciivise - Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants - livre ce vendredi 17 novembre son analyse finale des violences sexuelles faites aux enfants. Elle illustre le déni dans lequel la société française est plongée et l’impunité dont jouissent les agresseurs.

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Les chiffres révélés par le rapport sont tous plus éloquents les uns que les autres. Près de 5,4 millions de personnes ont été confrontées à des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans en France. Un enfant est victime d’un viol ou d’une agression sexuelle toutes les 3 minutes, ce qui correspond à 160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles. Dans la majorité des cas (81 %), ces violences sont incestueuses.

Outre ce constat alarmant, la commission présente au gouvernement une liste de 82 préconisations à mettre en place. Leur objectif ? « Renforcer le niveau de protection des enfants et le niveau de lutte contre l’impunité des agresseurs », selon Édouard Durand, le coprésident de la Ciivise.

Pour Le HuffPost, il détaille trois recommandations parmi les plus essentielles et les plus urgentes. Même si la mesure la plus importante est selon lui de « mettre en œuvre les 82 préconisations ».

Le questionnement systématique

Afin de lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants, il faut « aller les chercher pour les protéger », selon le rapport qui expose : seulement une victime sur 10 a révélé les violences au moment des faits (13 %). Pour y remédier, la Ciivise propose plusieurs recommandations afin d’améliorer le repérage de ces violences.

« Dans une classe de 30 élèves, trois d’entre eux sont victimes de violences sexuelles. Pour leur permettre de les révéler, il faut poser la question à tous les enfants, y compris les mineurs délinquants. Le questionnement doit être systématique », estime Édouard Durand.

La Ciivise propose donc d’instituer, pour chaque enfant, un rendez-vous a minima annuel d’évaluation du bien-être, du développement et de dépistage des violences sexuelles. Ce rendez-vous pourra se faire en fonction de la situation de chaque individu : chez le médecin traitant, à l’école, avec les services de l’aide sociale à l’enfance… « L’essentiel est qu’on garantisse chaque année un espace de dépistage », considère le coprésident.

La mise en sécurité immédiate

Un peu plus de 30 préconisations concernent le volet juridique des violences sexuelles faites aux enfants. Édouard Durand rappelle un principe essentiel, sur lequel la Ciivise alerte depuis sa création : il faut immédiatement mettre en sécurité l’enfant lorsqu’il révèle des violences.

La commission souhaite « créer une ordonnance de sûreté de l’enfant sur le modèle de l’ordonnance de protection contre les violences conjugales » selon son coprésident. Il assure : « Il faut que le juge aux affaires familiales puisse garantir la sécurité d’un enfant ou d’une fratrie lorsqu’il est saisi dans les cas d’inceste vraisemblable. » Ainsi, l’autorité parentale du parent mis en cause ne sera pas maintenue et l’enfant ne pourra plus être envoyé en vacances ou en week-end chez lui.

La Commission avait déjà émis des propositions dans le but de mettre en sécurité immédiatement l’enfant, dont certaines ont été suivies. « Dans notre avis du 27 octobre 2021, nous avions préconisé la suspension des poursuites pour non-représentation de l’enfant contre le parent protecteur, rappelle Édouard Durand. C’est entré dans le code de procédure pénale un mois plus tard. »

Le juge doit ainsi vérifier « les allégations de la personne mise en cause justifiant les faits par l’existence de violences commises contre le mineur » avant de continuer les poursuites ou les suspendre, selon ce décret.

La création d’un parcours de soins

Les conséquences des violences sexuelles subies durant l’enfance peuvent être très graves et durer toute une vie. 89 % des victimes ont développé des troubles associés au psychotraumatisme ou des troubles de stress post-traumatique, souligne le rapport. Pour aider ces personnes, la commission a modélisé un parcours de soins spécialisé dans le psychotraumatisme. Des soins qui « doivent être pris en charge par la sécurité sociale », selon le coprésident.

« Des victimes ne peuvent pas se payer ces soins. D’autres dépensent des sommes considérables pour des soins qui ne sont pas adaptés, constate Édouard Durand. Il faut une politique de santé publique qui permette de donner ces soins spécialisés sans attendre. »

Entre le manque de thérapeute, leur formation insuffisante en soin des troubles de stress post-traumatiques et les délais d’attente trop longs dans les institutions, ces soins ne sont pas correctement dispensés. « Il y a un manque de spécialisation et de moyen », regrette le coprésident de la Ciivise.

Pour remédier à ces manques, la commission a également créé « un outil de formation des professionnels pour créer et garantir une doctrine nationale » et construit « un plan interministériel de formation des professionnels ».

Alors qu’elle n’a reçu aucune certitude quant à son maintien au-delà de 2023, la Ciivise, créée il y a trois ans, risque de disparaître après avoir rendu son rapport final. Mais Édouard Durand appelle à la maintenir : « Il faut que la Ciivise puisse continuer sa mission. » Car comme le rappelle le rapport dans sa 82e et dernière préconisation : « La commission a créé un espace inédit répondant à un besoin qui reste et restera actuel. »

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