"La chronique d'un drame annoncé" : son voisin lui plante un couteau dans le crâne, l'agresseur déclaré irresponsable

Grégory a été agressé au couteau par l'un de ses voisins il y a trois ans. La lame s'est plantée à l'intérieur de son crâne. Miraculé, il témoigne alors que son agresseur a été déclaré irresponsable par la justice. Une situation qui fait écho à celle de l'agression de la gare de l'Est cette semaine.

Comme un air de déjà vu. Un air de déjà vu douloureux. "Quand j'ai appris pour l'agression du militaire à la gare de l'Est, quand j'ai vu le profil de l'agresseur, je me suis dit que c'était la même affaire que la mienne." Grégory* a 33 ans. Il y a trois ans, il a échappé de justesse à la mort après avoir été agressé par l'un de ses voisins à Dijon (Côte-d'Or). Comme à la gare de l'Est, son agresseur était muni d'un couteau. Comme à la gare de l'Est, son agresseur présentait des troubles psychiatriques qui ont conduit la justice à le déclarer irresponsable.

En juillet 2021, son voisin, atteint de trouble psychiatrique et déjà condamné pour des faits similaires, l'a agressé et lui a planté un couteau dans le crâne. La lame de l'opinel s'est logée entre l'oeil et le globe oculaire. Miraculé, notamment grâce aux "mains de fées" d'une neurochirurgienne, dira son avocat Me Pierre-Vincent Connault, il témoigne auprès de BFMTV. Contacté par téléphone, Grégory a les idées claires, il se rappelle de nombreux détails. Pourtant, il souffre, trois ans plus tard, de graves séquelles.

Grégory menait jusqu'à ce 13 juillet 2021 une vie parfaitement normale. Travaillant dans une bibliothèque, avec sa compagne, il habitait un appartement à Dijon. Début mai 2021, un nouveau voisin s'installe à l'étage en dessous du sien. "Les problèmes ont commencé rapidement, débute le trentenaire. Ce nouveau voisin tapait à la porte, il nous hurlait dessus quand on le croisait dans le couloir. Il portait un casque anti-bruit et était en boucle sur le sujet du bruit."

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Rapidement, les habitants de l'immeuble se mobilisent et adressent un courrier au syndic de copropriété. L'homme jette des ordures dans les parties communes. Rien n'est fait. La mairie est alertée, le tribunal également. Les semaines passent, le voisin continue de venir frapper à la porte de l'appartement de Grégory qui appelle à chaque fois la police. Il déposera également plainte pour menaces de mort. Le soir du 30 juin 2021, l'homme est vu par une voisine en train de crever les pneus des voitures des habitants de l'immeuble, pourtant stationnées à côté de celles d'autres riverains.

"Tout le monde vivait dans une terreur absolue, relate le trentenaire. Mais personne ne s'attendait à ce qu'il se passe quelque chose d'aussi grave."

La colère du voisin, logé dans l'appartement acheté par ses parents, semble se focaliser sur Grégory. Un jour, ce dernier retrouve les quatre pneus de sa voiture garée en bas de l'immeuble crevés. Il n'aura jamais la preuve que c'est l'acte de son voisin mais, à partir de ce jour, Grégory gare son véhicule plus loin dans la rue. Le soir du 13 juillet 2021, il rentre du travail, va se stationner un peu plus loin puis se dirige à pied vers le hall du bâtiment. "Je le vois descendre l'escalier, donc pour éviter de le croiser, je vais faire le tour du quartier", raconte Grégory.

Prévoyant mais surtout inquiet, le trentenaire a pris le réflexe d'allumer la vidéo de son téléphone quand il sort ou rentre de chez lui. Au cas où. L'appareil va enregistrer les hurlements du voisin quand celui-ci a d'abord planté la lame de son couteau dans le crâne de Grégory, puis quand celui-ci était au sol, l'a frappé. "Quand il m'agresse tout devient flou, je sors de ma léthargie au moment où une voisine qui entend les cris m'appelle. Je lui dis juste 'appelle la police' puis j'appelle le Samu et je m'évanouis."

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Avec une lame de 15 centimètres dans le crâne, Grégory parvient aussi à tenter d'atteindre les sonnettes. "Pour moi, c'est le détail le plus glaçant, je le sens encore retirer ma main, doucement."

Les secours arrivent sur place. La police aussi, l'agresseur a attendu sur place, il sera interpellé immédiatement. "C'est comme s'il était éteint", se souvient Grégory. Lui est emmené à l'hôpital. Pendant deux jours, il reste dans le coma. La difficulté pour les médecins est d'enlever le couteau planté dans sa tête sans provoquer d'hémorragie. L'opération est un succès, au prix d'une carotide définitivement bouchée. La partie gauche de son crâne a également dû être retirée. "Il est resté quatre mois dans l'attente d'une cranioplastie", rappelle son avocat Me Connault.

Quatre mois de vertiges, de maux de tête, d'impossibilité de sortir de chez lui. "Aujourd'hui, ça fait trois ans et ça m'affecte toujours", confie Grégory. "J'ai des problèmes de concentration, de mémoire, de fatigue, je dois avoir une canne. Mais je suis un miraculé, j'ai beaucoup de chance car je suis encore là et je me suis réveillé en étant relativement autonome. J'essaie d'avoir une vie normale." Grégory est toujours suivi, notamment en raison d'un syndrome post-traumatique.

Le 26 juin dernier, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Dijon a fait deux constats, comme l'ont révélé nos confrères du Bien public qui ont été les premiers à évoquer ce dossier. L'homme est bien coupable d'avoir agressé violemment Grégory, lui plantant une lame dans le crâne. Mais deux expertises psychiatriques, menées l'une par un psychiatre, l'autre par un collège de deux médecins, concluent à une abolition du discernement, l'agresseur souffrant d'une schizophrénie paranoïde causant une surdangerosité psychiatrique. Depuis, il est interné.

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Loin d'être en colère ou d'avoir de la rancoeur envers son agresseur, Grégory se dit "soulagé" par cette décision judiciaire. "Ca n'aurait servi à rien de le mettre en prison. Je pense qu'il est dans un état de souffrance extrême. A l'audience au mois de juin, il a mis tout ce qui lui est arrivé dans la vie sur le dos d'un homme dont on n'est pas certain de l'existence." Les questions de la victime vont davantage aux autorités. L'homme avait déjà été condamné pour avoir agressé son père avec un couteau et ne se rendait plus aux rendez-vous du service pénitentiaire d'insertion et de probation."

"Combien y-a-t-il de gens qui ont besoin d'aide médicale et d'un suivi et qui sont dans la nature", alerte Grégory.

"Il y avait un faisceau d'indices qui annonçait un drame à venir qui n'a donné lieu à aucune réaction des autorités, abonde Me Pierre-Vincent Connault. Il s'agit de la chronique d'un drame annoncé."

* Le prénom a été modifié

Article original publié sur BFMTV.com