Chronique d’un exil : apprendre à faire du vélo, une nouvelle liberté

Chronique d’un exil : apprendre à faire du vélo, une nouvelle liberté

“Cher Papa-Longues-Jambes, […] s’il est aisé de se passer d’un bien-être que l’on n’a jamais connu, il est terriblement difficile de renoncer aux choses que l’on considère comme siennes ou allant de soi”, écrit dans une de ses lettres la protagoniste du livre Daddy-Long-Legs, de l’écrivaine américaine Jean Webster [publié en 1912 et traduit en français sous le titre Papa Faucheux chez Hachette].

Aujourd’hui, à 26 ans, alors que je m’acharne à apprendre à faire du vélo, je repense à cette citation et me demande quels étaient nos droits naturels – à moi et aux filles de ma génération – et pourquoi nous en avons été privées.

J’essaie d’apprendre à faire du vélo en me faisant aider par une Irlandaise, à Paris, loin de là où je suis née et où j’ai grandi. Comme toute nouvelle chose que l’on apprend, c’est difficile. Cela demande des efforts : il faut se relever après une chute, ne pas abandonner. Ce qui me décourage et rend ce chemin encore plus difficile, c’est qu’au XXIe siècle, dans mon pays, l’Afghanistan, les filles sont privées d’apprentissage, privées de l’acquisition du savoir – sans même parler de pratiquer le vélo, la natation, la musique, l’art en général ou encore d’autres types d’activités ou de sports.

Partout ailleurs, ces activités font partie des droits naturels de tout être humain, sans distinction de sexe.

Moi, j’ai eu de la chance. J’ai pu quitter l’Afghanistan, je suis encore vivante. Entre deux chutes, je remarque les regards étonnés des passants et m’étonne à mon tour de leurs regards. Dans l’image que j’avais de Paris, personne ne juge personne, n’attire l’attention des autres. Tout le monde vit en égal, que l’on soit homosexuel, transsexuel, hétérosexuel, femme, homme, arabe, afghan, américain ou européen. Ici, ni la langue, ni la nationalité, ni le sexe ne sont des signes de distinction entre les humains et tout le monde jouit des mêmes droits.

La virginité, perle rare et précieuse, a un coût

Mais alors pourquoi ces yeux braqués sur moi ? Qu’est-ce qui me rend différente des autres ? Je comprends rapidement qu’ici les filles de mon âge ne s’escriment pas à apprendre à faire du vélo. Elles apprennent cela beaucoup plus jeunes, en même temps que leurs frères.

[...] Lire la suite sur Courrier international

Sur le même sujet :